Une crèche vivante

crèche 3

   J’interrompts provisoirement la diffusion de notre feuilleton satanique, pour vous proposer un peu moins de souffrances et un peu plus de love en cette période festive ! 🎄
   Un conte de Noël paillard et iconoclaste, Dieu me pardonne ;-), sur cette incongruité de l’église : les crèches vivantes ! Une histoire pour accompagner la dinde aux marrons et la buche crémeuse, en espérant ne choquer personne…
   J’en profite pour vous souhaiter à tous et à toutes de très joyeuses fêtes de fin d’année, pleines d’amour, de rires, de musique et copieusement arrosées de champagne ou de ce que vous préférez !

***

   La messe de minuit n’en finissait pas, à croire que le prêtre cherchait à retarder les agapes par tous les moyens. Sans doute parce qu’il en était privé avec son vœu de pauvreté grommelaient les paroissiens agacés – sans compter l’ouverture des cadeaux qui n’avaient plus rien à voir avec le Saint anniversaire de l’enfant jésus. L’assemblée continuait malgré tout à se lever et s’agenouiller dévotement, mais manifestait ouvertement quelques signes d’impatience ; des dames remettaient même leurs manteaux, signifiant leur intention de partir. Ça commençait à bien faire !
   Il y avait de quoi se distraire heureusement, avec la crèche vivante. Une idée de la paroisse pour attirer le chaland et rassembler les brebis égarées en ce soir chrétien.
   Le rôle de l’enfant Jésus était tenu par un nouveau-né glouton qui réclamait sa tétée toutes les cinq minutes. Marie, inconsciente des regards braqués sur elle, dégageait un sein blanc et rond de son corsage. On ne voyait que lui, nimbé de lumière — un vitrail facétieux braquait ses rayons colorés directement sur la poitrine de la vierge, qui ne l’était plus, de toute évidence. Marie pinçait vivement son bout de sein et le fourrait dans la bouche du petit braillard. Des bruits mouillés de succion remplaçaient alors les pleurs et les cris, mais l’assemblée ne respirait pas pour autant, les yeux rivés sur ce sein généreux.
   Joseph n’en pouvait plus, ce qui pouvait se comprendre aisément. Son front se couvrait de gouttelettes de sueur, il était écarlate, les yeux chassieux, enivré par le parfum de l’encens et toute cette chair exposée.
   Cependant Marie rougissait, honteuse et troublée de sentir tous ces regards lubriques braqués sur elle alors qu’elle se livrait à cette innocente activité, nourrir son enfant. Les gens ne pensaient donc qu’à ça ! Et dans une église en plus ! L’encens finit par lui tourner la tête, l’orgue vibrait dans son corps. Elle ferma les yeux, s’envola comme une bienheureuse… On ne jouait pas le rôle de la vierge Marie sans conséquence ! L’enfant Jésus, repus, ronflotait une bulle de lait au coin de la bouche, sa petite main potelée toujours plantée dans le sein moelleux. Marie semblait en transe, elle pressait toujours ses seins désormais inutiles, affolée par les odeurs animales dégagées par l’âne et le bœuf situés juste derrière elle. Le bœuf affichait une totale indifférence et mâchouillait son foin, mais l’âne devenait visiblement ému.
   Marie coucha l’enfant et joignit ses mains en une sainte prière, en extase. Elle en oublia de renfermer ses seins à l’abri du corsage. Joseph y vit une invitation, il les saisit à pleines mains, comptant sur la cloison de la crèche pour les cacher.
   Le prêtre surprit leur manège depuis l’autel où il s’agitait en vue d’accomplir le miracle du pain et du vin. Il ravala sa contrariété, se promettant de tancer ces jeunes effrontés qui gâchaient le recueillement de la cérémonie. Quelle idée désastreuse cette crèche vivante ! L’année prochaine, les fidèles n’auraient que des sculptures à contempler…
   Il se concentra et poursuivit sa gestuelle et ses prières tant bien que mal. Mais le cœur n’y était plus, il ne cessait de jeter des coups d’œil furtifs en direction de la crèche où l’action progressait. Joseph fourrait son nez entre les seins de Marie, les mordillait tour à tour, en une sorte de fête des sens païenne qui n’avait rien à faire là.

   Le prêtre éprouva bientôt des sensations inconnues, oubliées. Son sexe s’érigea, une lente ascension vers le ciel, au ralenti, laborieuse. Cela faisait longtemps, les rouages de la machine étaient grippés, mais fonctionnaient encore, et de mieux en mieux. Le prêtre ferma les yeux de délice, reconnaissant de retrouver ces sensations oubliées : le désir d’une femme. Il remercia Dieu de ce cadeau du ciel. Il y vit un signe, un encouragement, un présent de Noël en récompense de toutes ces années de chasteté offertes. Un peu de félicité sur Terre, enfin !
   Il accéléra, bâclât la fin de la messe, les paroissiens ne s’en plaignirent pas. Les ventres grognaient à la pensée du festin à venir, et les enfants trépignaient en pensant à la montagne de cadeaux qui les attendaient sous le sapin. Le prêtre augmenta encore la cadence, atteignant un rythme digne du conte de Daudet, avant de clamer d’une voix de stentor « Et joyeuses fêtes de Noël ! »
   Tous s’empressèrent de regagner leurs chauds foyers, attirés qui par la dinde fourrée, qui par les présents. Le prêtre, lui, prit le temps de saluer et remercier les enfants de chœur, l’organiste, avant de courir vers la crèche vivante ; pourvu que Marie soit encore là !
  Il arriva juste à temps : Joseph s’était enhardi, à la faveur de la cohue des fidèles se précipitant vers la sortie. Il avait réussi à repousser les ardeurs de l’âne et s’était imposé. Le bébé n’était plus là, fort heureusement confié à sa grand-mère. Elle l’avait emporté en jetant un regard mauvais à Joseph, lui sifflant au visage sa réprobation, bien que ce fut la nuit de Noël. Joseph était trop excité pour s’en soucier, et Marie encore plus. Sans le regard innocent de l’enfant, ils purent se lâcher, enfin. Ils s’étreignirent tant et tant qu’ils tombèrent sur le sol. La paille fraîche leur offrit un lit douillet, et comme Jésus avant eux, la chaleur animale du bœuf et de l’âne leur permit de se dévêtir sans souffrir du froid. Joseph la prit sans attendre, avant qu’un paysan ne débarque pour récupérer ses bêtes.

  Le prêtre observa un instant les tendres enlacements de Marie et Joseph avant de s’interposer. Il s’avança comme un automate, envoûté, sous l’effet d’une puissante tentation. Qu’il serait doux de succomber ! Comme Marie était belle et troublante ainsi pâmée, la tête renversée en arrière, la bouche ouverte comme si elle attendait… il n’osait y croire. Il s’approcha encore. Marie sursauta en apercevant l’homme d’Église du coin de l’œil et tenta en vain de se rajuster. Le prêtre leva la main en signe d’apaisement et esquissa un signe de croix de la main.
  — Mes enfants, je vous bénis ! Dieu est amour, il nous a dit : aimez-vous les uns les autres !
  Marie sourit, rassurée. Elle ouvrit grand les bras, conquise : « Aimons-nous les uns les autres », mais oui, bien sûr ! En particulier ce soir ! Elle avait une interprétation toute personnelle de cette parole d’Évangile et n’y alla pas par quatre chemins : elle souleva l’aube et disparut dessous toute entière. Elle s’affaira pour dégager ce qu’elle convoitait sous un déluge de tissus, après tout c’était un homme comme les autres malgré sa robe longue et tout ce tra la la. Le membre dressé jaillit comme un diable hors de sa boîte et trouva naturellement son chemin vers la bouche ouverte qui semblait n’attendre que lui. Marie l’enfourna avec avidité, il s’y engouffra jusqu’à la garde. Les lèvres de la jeune femme se refermèrent aussitôt, et s’activèrent. Elle se réjouissait : qui aurait cru qu’un homme de Dieu fut pourvu d’un sexe si imposant ! Excité comme jamais, Joseph renforça ses coups de reins et se répandit en elle. Heureusement, le prêtre était fin prêt pour prendre la relève, Marie eut été frustrée sinon — la crèche ne comptait nul villageois ou berger, et l’âne était bien trop monté, clairement.
   Soudain, les cloches sonnèrent à toute volée.
   Minuit ! L’enfant-Jésus était né. Le prêtre décida que ce n’était plus convenable de tant le célébrer, il se rhabilla et se releva.
   — Chers amis, je vous attends dimanche prochain en confession, il y aura de quoi dire. Je serai de mon côté lavé de tout péché et pourrai absoudre les vôtres. Mais l’heure n’est point au repentir et à la contrition… Qu’avez-vous prévu, hum, pour le réveillon ?
  Marie projetait d’inviter Joseph pour une joyeuse soirée à deux bien arrosée. Profitant que son bébé soit gardé par sa mère, ils allaient enfin baiser, même s’ils avaient déjà un peu commencé. Ils échangèrent des regards, Marie se léchait les lèvres, gourmande. Joseph opina, il voyait bien qu’elle en pinçait pour ce mec en robe, excitée par la transgression sans doute, et lui, il était excité de la voir aussi troublée.  
   — On vous invite mon père si vous n’avez rien de prévu ? Vous aimez la dinde ?
   Le prêtre s’empressa d’accepter.
   — Le temps d’enlever mon aube, et je me livre à vous corps et âme… enfin, on va s’en tenir au corps si vous le voulez bien !
 

***
   Il y a dix ans, j’étais plus romantique, j’avais écrit une histoire de Noël un peu différente…
   Photo : Film Nativité

2 commentaires

  1. Clarissa a écrit :

    Merci cher Matou !

  2. Le Matou Liberti a écrit :

    Un beau conte de Noël

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