L’un de mes thèmes préférés : la rencontre ! Par quelle succession improbable de coïncidences et de petits miracles peut-elle avoir lieu ?
Je suis souvent un peu déçue par les comédies romantiques : en général, les scénaristes font l’impasse sur la beauté du moment, ils font simple : les héros se rencontrent parce qu’ils deviennent voisins, collègues, ou noient un chagrin au même comptoir d’un bar. Ou bien l’héroïne renverse son café sur la chemise blanche du héros, et tadam, une histoire d’amour est en marche entre une maladroite et un taciturne ! (J’exagère un peu ^^ ).
J’ai imaginé l’histoire d’une rencontre dans l’un des lieux les plus improbables qui soient : une soirée libertine. Certes, ce type de soirée est dédié aux rencontres ! Mais surtout aux rencontres des corps, des désirs…
***
Blandine a choisi la robe la plus courte de sa garde-robe, la plus transparente, la plus décolletée… Elle tourne sur elle-même devant son miroir, elle se trouve sexy pour une fois, on devine sa peau à travers la dentelle. Un soupçon de maquillage – il fait trop chaud pour en rajouter – des sandales dorées ; elle est fin prête quand son cavalier sonne à sa porte.
Benoit hausse un sourcil et la taquine :
— Ce soir, ce n’est pas tout à fait A l’ombre des jeunes filles en fleurs, tu te souviens de ce que je t’ai expliqué ?
Blandine éclate de rire, il exagère toujours ! Elle n’est pas née de la dernière pluie quand même, elle sait bien où il l’emmène, il ne le lui a pas caché : une soirée libertine. Elle imagine une assistance élégante, une fête comme dans Gatsby le magnifique, les œillades échangées une coupe à la main, quelques baisers furtifs derrière des voilages dignes des mille et une nuits, des parfums lourds, des gestes languissants…
Elle ouvre de grands yeux en arrivant et déchante rapidement. Elle est vêtue comme une première communiante à côté des autres filles ! Elle se sent ridicule, presque honteuse de sa tenue trop sage. Dire qu’elle était si fière de son petit effet avec sa dentelle… Partout où ses regards se portent, elle ne voit que des talons vertigineux, des mini robes mettant en valeur des poitrines dénudées, opulentes ou menues, haut perchées ou discrètes, des fesses appelant les caresses… Certaines femmes sont même entièrement nues, seulement habillées de leurs cheveux longs et de leurs tatouages… Toutes brillent de mille feux, paillettes sur les joues, strass, chaines dorées sur leurs peaux bronzées ; elles ressemblent à des actrices de séries Américaines. Benoit réussit à la dérider, il la présente à la ronde : « Elle est vierge, c’est sa première fois ». Blandine a le fou rire ! Vierge de certaines pratiques peut-être, mais à part ça… L’éventail des possibilités la stupéfie, tout peut arriver sur un simple échange de regards, des femmes se font enlever sous ses yeux, sans qu’elles n’aient échangé la moindre parole avec leur soupirant, à peine des sourires. La soirée est entièrement dévouée au sexe et ne s’en cache pas, les corps ne demandent qu’à se trouver, se rapprocher, on se séduit et on s’aime dans la foulée… Beaucoup de gens trinquent, bavardent, dansent, mais ils sont plus nombreux encore à s’ébattre joyeusement tout autour d’eux, jusqu’aux abords de la piste de danse, insouciants des regards de ceux qui sirotent leurs cocktails en leur jetant des regards en coulisse, impatients de les rejoindre.
Blandine laisse son ami bavarder avec son cercle de connaissances et part en exploration dans cette grande maison, où toutes les pièces sont le théâtre d’intenses jeux érotiques.
Ici, une femme s’accoude à une table, elle se fait prendre à la chaîne par des hommes sans visage. Elle ferme les yeux, visiblement partie dans une dimension parallèle. Là, une femme est fouettée ardemment par un homme ; son visage se crispe sous les coups, elle gémit, de douleur ou de plaisir, comment le savoir, sans doute les deux. Un homme tend ses fesses, une femme équipée d’un phallus de latex s’apprête à le pénétrer. Elle arrime ses mains sur ses hanches et s’enfonce en lui. Elle sourit, proche de l’extase, ivre de sentir son emprise sur cet homme prosterné. On dirait qu’elle jouit, même si c’est par l’entremise d’un godemichet, comme un prolongement de son clitoris. Blandine ne la quitte plus des yeux, fascinée, jusqu’à ce que son regard soit attiré par le manège d’un trio. Sur un lit, trois amants se livrent à un véritable ballet pornographique. Les deux hommes se succèdent dans la bouche, le sexe d’une jeune femme, qui en redemande encore et encore. Insatiable, elle finit par attraper un troisième homme, et se jette sur sa queue pour la sucer voracement, pendant que les deux autres se partagent le reste de son corps et le pénètrent à tout va.
Blandine ne sait plus où donner de la tête, en quelques minutes, elle a vu plus de scènes érotiques qu’elle n’en a vu de toute sa vie ! Elle aperçoit du coin de l’œil une jeune fille particulièrement jolie, et ne la quitte plus des yeux, séduite. La jeune fille s’allonge sur un lit, elle entraîne son compagnon en le tirant par la queue. Elle rit et lève haut les jambes, elle écarte ses fesses de ses deux mains et se fait sodomiser directement sans quitter son partenaire du regard ; ils se sourient. Blandine voudrait s’approcher, embrasser le velouté délicat de sa joue pendant qu’elle se fait prendre avec force. Elle n’ose pas les déranger, elle détourne les yeux, troublée. La petite source au cœur de son ventre reprend vie, humidifie son sexe, au point de tremper sa culotte. Elle l’enlève discrètement et la porte en bracelet autour de son poignet, heureuse d’être caressée là par des coulis d’air frais.
Le spectacle vivant est partout autour d’elle, vivant, changeant, mêlant les genres et brisant les tabous. Un homme s’est agenouillé aux pieds d’un autre et le suce lentement, avant de se retourner pour s’offrir. A côté, un homme lèche une femme, pendant qu’elle tourne la tête pour offrir une fellation à un autre. Plus loin, un homme et une femme sucent de concert un homme magnifique, ils ne s’interrompent que pour s’embrasser amoureusement sur la bouche.
Blandine perd le compte, ce ballet des corps lui donne le tournis et l’excite. Tant d’hommes possèdent des jeunes femmes par derrière ; ils soufflent, râlent, elles crient sous leurs assauts, se cabrent, tandis qu’ils les maintiennent d’une poigne de fer. Ils s’effondrent, se relèvent, jouissent, trempent les draps, se prennent à nouveau, excités par les scènes qui se déroulent autour d’eux, portés par le rythme de la musique techno ponctuée de leurs gémissements et de leurs cris…
Elle poursuit son chemin comme dans un rêve, traversant les pièces telle un fantôme. Personne ne fait attention à elle, elle est trop vêtue, décalée, peut-être la prend-on pour quelqu’un du staff car on lui demande où se trouve la salle de bain !
Elle arpente les lieux sans fin, le regard aux aguets, l’esprit de moins en moins désincarné au fil des scènes entrevues. Elle ne se promène plus seulement par curiosité et pour le plaisir de regarder, elle se met en quête d’un amant qui lui convienne. Il n’y a pas de raison, tout le monde s’ébat, s’éclate et s’amuse sauf elle ! Son sexe palpite, s’exprime, parsemant ses cuisses de gouttelettes de désir. Blandine déambule sans espoir, les hommes déploient tous bien trop d’énergie, sodomisant ou possédant avec entrain, sans âme ni tendresse autre que de retentissantes claques sur les fesses. Ils pincent fort des tétons, aspirent et mordillent à pleines dents des bouches avides, lèchent des clitoris avec fougue, aussi virulents qu’une ponceuse… Une immense orgie est à l’œuvre, et Blandine reste à l’écart de la fête, sur le seuil, elle n’entrera pas dans la danse, car jamais elle ne trouvera de partenaire à son goût, suffisamment doux et prévenant ! Il lui faudrait au moins quelques sourires, de douces caresses, des baisers, avant d’ouvrir les jambes… Mais le temps des baisers est passé, la fête bat son plein, il n’y a que du sexe intense partout, ou des coups de fouets cinglants, qui ne l’attirent pas non plus.
Blandine se résout à retrouver Benoit au bar, il la fera rire de ses facéties au moins ! S’il l’attend toujours, ce qui est douteux connaissant l’animal.
Elle se perd un peu dans le dédale des étages. Elle n’est plus invisible, elle esquive plusieurs tentatives d’enlèvement avec des sourires d’excuses. Elle n’en a pas conscience, mais son regard a changé, il brûle d’un nouveau feu, il attire, il a perdu la candeur qui faisait fuir les libertins. Au détour d’un couloir, elle croise le regard d’un homme qui semble errer lui aussi. Leurs regards s’accrochent et ne se quittent plus. Blandine s’embrase, son regard lui transperce le cœur, elle se sent aimantée vers lui, sans possibilité d’y échapper. Elle reste clouée sur place tandis qu’il s’approche d’elle, le sourire aux lèvres, conquérant tranquille, sans se presser, sûr d’attraper sa proie. Elle ne comprend rien à ce qu’il lui dit, il est étranger, mais ils n’ont pas besoin de mots, ses yeux lui disent l’essentiel, et les doigts légers qui se posent sur les siens lui posent toutes les questions. Blandine lui dit oui en serrant ses doigts et en les portant à ses lèvres. Elle se perd dans son regard bleu, un regard bienveillant, sensible, qui lui réchauffe le cœur et le creux des jambes. Elle rêve de s’allonger, de l’attirer sur elle, et de ne plus bouger sous son poids. Elle attrape toute sa main et la serre fort pour ne pas tomber. Elle rit, nerveuse, et tente quelques mots d’anglais.
— This is new to me…
— Come !
Il l’entraîne, elle ne voit plus les étreintes qui attiraient tous ses regards l’instant d’avant, elle ne voit plus que lui, elle s’accroche à sa main, et navigue à sa suite entre les lits, à la recherche d’un coin libre pour les accueillir.
Dans une chambre tout au fond, un lit les attend. Blandine s’étend, l’inconnu se pose sur elle de tout son long, sans bouger, se contentant de butiner de baisers ses joues, son cou, son décolleté. Il s’écarte d’elle le temps de se déshabiller et de lui enlever sa robe. Ils soupirent de plaisir en sentant leurs peaux nues glisser l’une contre l’autre. Il remue lentement sur elle, jusqu’à réveiller son désir, un désir fort, irrépressible, au point d’oser l’impensable : murmurer à son oreille son envie de faire l’amour. Blandine n’avait jamais osé prendre une telle initiative, mais la magie de la soirée l’ensorcelle, et c’est plus facile avec un étranger, la barrière de la langue efface sa timidité. « I want to make love with you » ! Elle manque de vocabulaire pour édulcorer, tourner autour du pot, et c’est très bien ainsi, car cette soirée n’existe pas, elle vit un rêve, et on peut tout se permettre dans les rêves, sans conséquence ! Il sourit et enfile un préservatif, avant de s’étendre sur elle avec précaution à nouveau. Elle s’entrouvre, il la pénètre au ralenti à mesure qu’il se pose sur elle. C’est infiniment bon, divin, ils se retrouvent seuls au monde sur leur nuage au septième ciel ! La musique leur parvient assourdie, accompagnant merveilleusement les battements de son cœur, ses coups de reins… tout est harmonie, elle a trouvé son âme sœur de douceur, et le gardera jusqu’à la fin des temps !
A leurs côtés, un couple s’allonge, ils sont beaux comme le jour tous les deux, ils s’aiment fort, l’homme soulève sa compagne, la prend dans toutes les positions. Elle s’abandonne, se laisse guider, manipuler, et pilonner passionnément. Blandine les regarde un instant, heureuse pour eux, de leur entente qui ressemble à la leur, tout en se situant à l’opposé, avant de revenir vers son partenaire. Elle ne voit plus que lui, réjouie de fusionner avec lui, de sentir son sexe aller et venir lentement en elle, sa langue s’enrouler autour de la sienne, sa bouche murmurer des mots doux en anglais à son oreille… Elle a toujours trouvé louches les propositions de massages tantriques, un moyen de dragouiller les brebis effarouchées de son genre, oui ! Et voilà qu’elle découvre un univers merveilleux de lenteur et de sensualité. Il remue sur elle en douceur, il est l’océan qui va et vient sur son corps, reflue, revient dans un éclaboussement d’écume ; elle est le rivage, caressée à l’infini par le mouvement perpétuel des vagues… D’autres couples se succèdent à leurs côtés, sans qu’elle n’y prête attention ; pour eux, le temps n’existe plus.
Depuis un moment, ils sont seuls, le silence est assourdissant. La musique s’est tue. Blandine sort de sa transe, rappelée à la réalité.
— We should go don’t you think ?
Son amant lui sourit, oui, la soirée se termine bientôt on dirait. Ils se séparent avec difficulté, leurs peaux crient de déception, leurs sexes de frustration. Ils éclatent de rire, définitivement ramenés sur terre par le bruit d’un aspirateur qui leur fait l’effet d’une douche froide. C’est vraiment la fin, ils n’ont plus le choix, et leur désir s’apaise enfin dans les rires.
Blandine rejoint le bar sans lâcher la main de son amant, et retrouve enfin Benoit. Il semble soulagé de la revoir.
— Alors, tu t’es bien amusée ? Tu étais où, tu as disparu des heures ! Tu as fait plein de conquêtes, à part celui-là ?
— Non, juste lui !
— Il t’a fait jouir au moins ?
— Non ! Mais c’était encore mieux que ça… un plaisir qui durerait éternellement sans jamais exploser… l’amour tantrique…
— Ah les mecs, ils savent plus quoi inventer pour baiser ! Si tu veux, je me dévoue pour finir le job ?
Blandine pouffe de rire, elle ne relève pas la provocation, et se tourne vers son amant pour faire les présentations :
— Voici Benoit, mon ami… my friend…
— Raphaël, enchanté.
Quel délicieux accent anglais ! Blandine est ravie de connaître enfin le prénom de son amant au passage… un si beau prénom. Elle se penche à l’oreille de Benoit.
— Je vais le ramener à la maison, car c’était un peu court là ! On doit vraiment rentrer maintenant, ils sont en train de tout ranger !
Benoit, lui, a bien profité, il ne compte plus ses amantes d’un soir et se lance dans un récit détaillé de ses exploits en gesticulant. Il est nu, il a tout perdu, éparpillant ses affaires à tous les étages et dans toutes les pièces de la maison. Une chasse aux trésors commence, alors que les maîtres des lieux les poussent gentiment vers la sortie.
Illustration : Film Chambre avec vue, Tableau Les roses d’Héliogabale, de Lawrence Alma-Tadema
2 commentaires
Oui, ce sujet m’intéresse beaucoup aussi ! Vous pouvez m’écrire via le champ « contacter l’auteur », en haut à droite de mon blog …
Bonjour, le découvre votre blog suite à une petite recherche sur le slow sex, approche qui me passionne et que je trouve merveilleuse… si le coeur vous en dit d’échanger sur ce sujet, je serais ravi d’en discuter avec vous ! Belle journée…