J’aime beaucoup regarder les dessins de Blitz’Art, gothiques, plein d’humour, peuplés de chauves-souris et de squelettes. Ambiance Halloween, Pirates des caraïbes, ou Tim Burton….
Son dernier dessin m’inspire une petite histoire fantastique et horrifique.
– Parfois, je me dis que je devrais ouvrir un blog pour mes textes qui ne sont pas érotiques, mais la paresse l’emporte, je préfère tout regrouper au même endroit ^^
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Les festivités d’Halloween s’achevaient, les créatures de la nuit rentrèrent chez elles.
Les vampires reposaient à nouveau dans les cercueils de la crypte, les squelettes avaient regagné le cimetière, les démons les entrailles de la terre, les loups-garous la forêt… Le château retrouva son calme et son silence pesant, à peine troublé par les hululement lugubres du fantôme qui parcourrait sans fin les lieux, des oubliettes au grenier – il habitait là. Il se retrouvait seul, avec pour unique compagnie une araignée aventureuse qui avait élu domicile dans son drap. Il n’avait pas eu le cœur de la chasser, ils s’entendaient bien tous les deux, même si ça lui donnait un look un peu négligé. Plus personne n’était là pour le voir de tout façon. Le fantôme errait tristement, ses amis lui manquaient, surtout une certaine sorcière.
— Miaou !
Le fantôme interrompit ses déambulations, saisi. Les miaulements semblaient provenir du rez-de-chaussée… Il s’envola dans un claquement de draps vers les escaliers. Le vaste vestibule, lieu de fête démoniaque il y a quelques jours encore, était à présent désert, il avait retrouvé sa couche de poussière, à peine marquée par les pattes légères d’un chat. La sorcière avait oublié son chat noir ! A moins qu’elle ne l’ait laissé à dessein peut-être, émue par la solitude du fantôme ? Comment savoir ! Le fantôme avait tenté de la convaincre de s’installer au château avec lui, mais elle s’était envolée sur son balai, prétextant une réunion de sorcières, ou l’arrivée de la pleine lune, ce n’était pas clair.
Le chat fit le dos rond et vint se frotter contre son drap. Contre toute attente, le fantôme gloussa, chatouillé, avant de se reprendre vivement. Il était censé hurler ou, à la rigueur, geindre ; tout le reste n’était pas convenable. Mais après tout, il n’y avait personne, qui s’en offusquerait ? Il se laissa aller au fou rire, chatouillé par la douce fourrure du chat qui s’électrisait à son contact.
Le fantôme finit par s’envoler, hors de portée. Si ça continuait, il allait tomber à la renverse, son drap se retournerait et on verrait tout ! Il n’avait aucune envie de montrer ce qui se cachait sous son drap, même à un chat ! Il ne devait plus avoir la silhouette de sa jeunesse… Il n’aimerait pas devoir se promener tout nu comme les squelettes, c’était indécent !
Il fit les honneurs de son château au matou, traversant avec fierté d’innombrables salles de réception, des chambres grandioses, des couloirs interminables, des passages secrets…
Le chat s’ennuyait de rester cloitré entre quatre murs, il se fit clairement comprendre en rebroussant chemin. Il se posta devant la porte d’entrée et miaula de plus belle. Il veut sortir, se lamenta le fantôme. Il n’était plus allé dehors depuis des siècles. Il n’avait pas aimé son excursion : le vent soulevait son drap, et il avait ressenti la puissante attraction de son château, il s’y était rapidement réfugié, soulagé. Mais il n’était plus seul ! Il se sentait prêt à réitérer l’expérience, avec son araignée curieuse et ce chat de gouttière. Il s’éclipsa le temps de trouver un vieux parapluie, car évidemment, il pleuvait. Chaque goutte de pluie représentait un seau d’eau pour son araignée, mieux valait ne pas prendre de risque.
Le fantôme commandait aux portes, aux fenêtres, aux boiseries… à tout ce qui meublait son château. Il ouvrit la porte et s’envola à l’extérieur, poussant des hou hou de victoire. Des nuages noirs s’amoncelaient à l’horizon, la pluie tombait à verse. Fichu météo écossaise ! Il risqua un bout de drap hors du parapluie, histoire de vérifier si ça se calmait – que nenni ! Et pour tester la sensation aussi, curieux. Il sentit son drap se mouiller, coller. Il n’avait aucune envie de jouer à Mister fantôme au drap mouillé ! Il ramena vivement son drap à l’abri. Mais soudain, une bourrasque plus forte que les autres retourna son parapluie, il fut instantanément trempé jusqu’aux os ! Ah non, tiens, il n’avait pas d’os… Le fantôme avait oublié ce qui se cachait sous son linceul, depuis le temps. En fait, rien. Son âme se glaça. Pour en avoir le cœur net, il se débarrassa de son drap et s’offrit à la pluie. L’eau dessina les contours de son corps évanescent, l’évocation de ce qu’il fut autrefois : le seigneur de ce château dans toute sa splendeur ! Enfin, le souvenir de sa splendeur… Mais seuls le chat et l’araignée étaient là pour le contempler. L’araignée était d’ailleurs fâchée, elle avait été éjectée sans ménagement, elle s’était rattrapée de justesse aux poils du chat, lequel s’était abrité sous l’auvent de l’entrée. Il se promènerait plus tard, ça tombait dru.
Le seigneur du château ramassa son drap et rejoignit ses amis.
— Rentrons !
Il ressentit aussitôt une grande paix d’être revenu entre ces murs séculaires. Les expéditions, très peu pour lui, c’était vraiment pour faire plaisir au chat.
Il alluma une grande flambée dans la cheminée et disposa son drap sur le dos d’une chaise pour le faire sécher. Il hésitait à le remettre. Sans lui, tous ses souvenirs affluaient, terribles, tristes ou heureux, il était quelqu’un à nouveau, un être souffrant, pensant, avec une histoire. Renfiler son drap, c’était tout oublier à nouveau, ne pas voir passer le temps, ne pas souffrir, vivre un présent immuable, à peine distrait par l’araignée qui tissait sa toile comme elle pouvait dans ses plis. Où était-elle au fait, cette petite ingrate ?
Sur la tête du chat ! Ils avaient l’air parfaitement satisfaits, et le seigneur du château l’était aussi, par ricochet. Il s’assit dans un fauteuil hors d’âge, une pipe se matérialisa dans ses mains.
Il venait de réussir un rond de fumée parfait, assorti à son corps brumeux, quand le lourd battant de la porte d’entrée retentit.
Le fantôme sursauta ; vite, son drap ! Damned, il était toujours trempé. Contrarié, il se résolut à ouvrir malgré tout, bien décidé à faire fuir ces gêneurs en leur faisant une peur bleue ; on allait rire !
D’un bond, le chat fut à ses côtés, miaulant de contentement. Sur le seuil, se tenait sa maîtresse, la belle sorcière aux cheveux flamboyants.
La sorcière marqua un temps, était-ce bien là son ami, ce si beau seigneur fantomatique ? Elle le considérait avec des yeux émerveillés. Le fantôme se réjouit d’apparaître en noir en blanc, car il se sentait rougir jusqu’aux oreilles.
Il s’inclina bien bas.
— Bienvenue en mon château, mon amie ! Tu es revenue car tu as oublié ton chat ?
— Non, fit-elle en rougissant.
Elle était faite de chair et de sang, ça lui jouait des tours. Elle s’éclaircit la gorge.
— Je suis partie le temps de préparer un sortilège… Très puissant, ce ne fut pas simple, tu peux me croire, mais j’ai réussi avec l’aide de mes sœurs.
— Quel sortilège ? s’enquit le fantôme, curieux.
— Te rendre la vie ! Et ensuite, j’accepterai ta proposition de vivre avec toi dans ce château perdu, si elle tient toujours.. je ne veux pas renoncer aux plaisirs terrestres, tu comprends ?
Le fantôme n’avait jamais été aussi heureux de toute sa mort ! Il voulut la prendre dans ses bras, mais il ne réussit qu’à se fondre en elle, et en fut émoustillé de partout. Oui, retrouver son corps de jeune homme et l’aimer avec vigueur !
Il accepta avec reconnaissance.
– Las, elle débutait sa formation de sorcière, quelque chose ne fonctionna pas, le fantôme se retrouva zombie.
Mortifiée et confuse, la sorcière voulut bien tenir sa promesse et cohabiter malgré tout, mais il fallut renoncer aux plaisirs de la chair. Dieu merci, le seigneur avait conservé son intelligence, une chance ! Elle s’en félicita, et se replongea aussitôt dans ses grimoires et ses livres de sortilèges dans l’espoir de corriger son erreur.
Mais son zombie ne voulut plus entendre parler de nouveau sortilège, heureux comme ça, malgré ses chairs nécrosées et pourries, et les attaques d’asticots. L’araignée faisait ce qu’elle pouvait pour lutter contre cette vermine et grossissait à vue d’œil, contente elle aussi, à sa place, suspendue à l’une des oreilles gangrénée du seigneur – elle avait clairement gagné au change.
Ils vécurent heureux tous, et eurent beaucoup de petites araignées. Les années passèrent, ponctuées par les festivités d’Halloween et les retrouvailles entre monstres. Cependant, la sorcière vieillissait et se désolait de devoir bientôt abandonner son zombie. Elle regagna son laboratoire et s’abîma dans ses livres à la recherche du sortilège idéal. Voyons, souhaitait-elle devenir zombie ou fantôme ? Elle pesa le pour et le contre, et choisit de devenir zombie elle aussi ; au moins elle serait en chair et en os comme son bien-aimé, en espérant que les asticots ne la grattent pas trop. Et en espérant surtout que son sortilège marche, cette fois !
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