S’occuper en attendant

caillou
   Vendredi 20 mars
   On ne va pas s’ennuyer, je crois !
   Des groupes WhatsApp, Facebook, fleurissent : ateliers d’écriture, groupes d’échanges, entraide scolaire, bricolages pour les kids, apéros virtuels…
   Des éditeurs font des offres sur leur catalogue, des journaux proposent leurs articles en lecture libre, des musiciens, des DJ mettent en ligne leur musique, leurs sets… J’ai commencé à recenser les initiatives ici.
   On prend des nouvelles les uns des autres, on chatte, je flâne sur les profils de mes amis préférés pour sourire de leurs bons mots… jusqu’à ce qu’une overdose d’écrans et d’interactions me pousse dehors.
   Je descends dans mon jardin secret, toujours bizarrement aussi désert, en tout cas le matin, et me promène en cherchant avec soin mon caillou du jour. Un joli petit caillou qui ira rejoindre ses congénères dans un pot de confiture. Je me donne une minute maximum pour le trouver. Il ne faudrait pas que d’éventuels voisins à la fenêtre me surprennent marmonnant toute seule, penchée vers le sol, grattant la terre… Une fois le pot rempli, nous serons libérés ! J’ai lancé un puissant sortilège…
   (Un minuscule plaisir de « prisonnière » ; je mesure ma chance, les prisonniers d’autrefois devaient se contenter de graver leurs murs.)

   Installée sur le banc, à l’ombre des arbres morts et devant la pelouse mitée, j’imagine une romance :
coups de foudre
   Un matin, un voisin inconnu vient s’installer sur le banc d’en face, à 4 ou 5 mètres de l’héroïne. Au début, elle est contrariée : qui vient déranger sa douce quiétude, squatter « son jardin » ! Bon, OK, le jardin de la résidence… Mais elle n’y a pas vu âme qui vive en quatre jours de confinement. Elle le toise d’un œil mauvais, répond à peine à son bonjour.
   Le lendemain, il est là, à la même heure, sur le même banc. Ils échangent des regards, et puis quelques mots. Elle le considère mieux, il est diablement sexy !
   C’est désormais une habitude, ils se retrouvent à 10h tous les matins, un café à la main, parfois un livre. Ils deviennent amis peu à peu, c’est devenu leur rendez-vous rien qu’à eux, leur rayon de soleil de la journée. Dans leur solitude, ils finissent par tomber amoureux, toujours à 4 mètres l’un de l’autre, sans qu’il n’ose lui prendre la main, respectant douloureusement la distance de sécurité imposée.
   Le monde s’effondre autour d’eux, le confinement se prolonge indéfiniment. Au bout de trois semaines, ils constatent qu’ils ne déclenchent aucun symptôme, ils sont épargnés ! Il l’invite chez lui, pour un café. Elle sursaute en découvrant qu’ils sont voisins de palier. Ils n’avaient aucune chance de se croiser, il quittait son appartement dès l’aurore, elle bien plus tard. Et il filait en province tous les WE, tandis qu’elle restait parisienne, sortait avec ses amis…
   Les voilà tous les deux en télétravail à présent.
   — Tu reviens me voir ce soir pour l’apéro et applaudir le personnel soignant au balcon ? C’est plus sympa à deux ! Et ensuite, on regarde les infos, ce sera moins angoissant ensemble !
   Surtout s’il l’attire dans ses bras, pense-t-elle en secret. 
   — Oui, d’accord ! C’est la fête 😉
   — Tu me taquines ! J’allumerai des bougies et je mettrai de la musique, ça sera presque une fête ! Si ça te dit, on peut aussi faire du co-working dans mon salon pour se motiver ?
   — Super idée ! Le mien est en bazar…
   — Quand tout cela sera derrière nous, on percera une porte entre nos appartements !
   Son coeur bondit, elle baisse les yeux, rouge de plaisir, sa proposition lui fait autant d’effet qu’une déclaration d’amour.
 
   Le confinement dura un mois, ils ne firent pas beaucoup de télétravail, mais ils firent beaucoup l’amour. 

***
   PS : Ce blog connaissant une activité frénétique vu les circonstances, je veillerai à ne pas vous ensevelir sous mes messages, chers abonnés, en ne vous envoyant qu’un billet sur trois ou quatre.
   Prenez soin de vous !

   Photo : Coup de foudre à Nothing Hill

4 commentaires

  1. Clarissa a écrit :

    Merci Pastelle ! Je vais me laisser aller à ces coupables penchants alors…

    1. Clarissa a écrit :

      Plein de courage à vous aussi ! Et merci pour ces jolis compliments… <3

  2. Fred39999 a écrit :

    Quelle jolie histoire qui réchauffe le coeur. Merci Clarissa, lire votre blog et vous imaginer l’écrire, c est un peu de bonheur. Bon courage à vous.

  3. Pastelle a écrit :

    Tu peux y aller avec les histoires « feel good », ça fait du bien en ce moment !

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