J’avais déjà eu l’occasion de tester un peu les cordes, sans jamais oser aller très loin, malgré la tentation et l’envie. — Je suis toujours longue à me décider 😉
J’avais envie d’attendre le bon moment, la bonne personne ! Samedi 14 janvier, lors de la soirée Hell’O Kinky, j’ai enfin réalisé mon rêve !
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C’est le début de la soirée, l’ambiance est encore calme avant que tout ne s’enflamme. C’est le temps des discussions, des échanges, des retrouvailles devant le bar, pendant que la musique monte doucement en puissance.
Je bavarde avec un ami shibariste, il connaît mon envie de tester les cordes depuis longtemps, et il me propose à brûle pourpoint :
— Tu aimerais que je t’encorde ?
Je suis prise de court… Oui ! Mais non… je viens d’arriver, j’ai envie de saluer tout le monde, de visiter les lieux (les Caves St Sabin, lieu de fête bien-aimé que je connais par cœur, mais chaque soirée leur donne une couleur, une ambiance différente, et la Hell’O Kinky se surpasse toujours en matière de déco). Je me ravise, car plus tard, cela risque d’être jamais, je vais être happée par la soirée et ses mille surprises. Il faut battre le fer tant qu’il est chaud ! Et je rêve d’expérimenter les cordes au moins une fois dans ma vie, grâce à un rigger (encordeur) avec qui je me sens bien.
J’aime beaucoup regarder des performances de shibari dans les soirées, elles sont souvent spectaculaires, parfois acrobatiques pour la modèle. Je les regarde avec admiration s’envoler, tournoyer, se désarticuler gracieusement… en me disant que je ne pourrais jamais atteindre une telle souplesse, un tel abandon, tout en les enviant : elles ont l’air aux anges ! J’attendais de rencontrer la personne qui m’en donne vraiment envie, dont je perçoive la bienveillance, la gentillesse, et qui me mette à l’aise aussi, je ne ressens aucune pression :
— On fait juste un petit essai, j’attacherai seulement tes bras…
— D’accord !
A partir du moment où l’on n’attend rien de moi, où je sais que je peux m’enfuir à tout moment, mes dernières réticences volent en éclat. Je suis sur des charbons ardents, les pensées en ébullition, anxieuse et impatiente à la fois.
Le shibariste me pose les questions de sécurité d’usage sur ma santé, je déroule mes tendinites, mon torticolis… je crois que c’est tout ! Il me promet de faire attention. Je ne dis rien de ma claustrophobie, je sens que ce n’est pas la peine d’en parler, elle ne va pas se déclencher. Je me sens bien, je suis ravie du long moment qui m’attend.
Je m’assois sur les genoux, présente mes bras. Il les encorde lentement, vérifie règulièrement que tout va bien, me demande si j’ai envie de poursuivre… Oui, j’ai envie d’aller plus loin, de ressentir, d’éprouver l’effet des cordes pleinement, au lieu de l’imaginer ! Autant vivre l’expérience jusqu’au bout… Je me sens en confiance, cela me plaît d’être manipulée avec précaution et enfermée peu à peu. Il veille même à mon confort en glissant un coussin sous mes fesses. J’accepte au fur et à mesure mon emprisonnement progressif, je m’abandonne à lui.
Bientôt, je n’arrive plus à garder l’équilibre en restant assise, je chute, et il m’accompagne en douceur vers le tatami pour éviter que je ne me fasse mal. ( Une « pensée de fille » me traverse l’esprit, les cordes ne vont-elles pas arracher les petites perles de mon corset ? Ce serait mieux avec une fine chemise, ou même presque nue… et puis j’oublie tout. )
Je suis cernée de cordes, étrangement bien, calme, confiante, complètement à sa merci, immobilisée, tendrement enlacée… Ma liberté de mouvement se restreint encore, mais j’aime beaucoup, je me retrouve dans un cocon, c’est comme s’il me serrait dans ses bras via les cordes.
Il m’encorde peu à peu tout le corps, déroule ses cordes autour de mes jambes, ma taille, ma poitrine, et noue même mes cheveux ! Je suis d’accord aussi pour tenter les cordes sur le visage, le cou – j’ai envie de tout essayer, dieu sait quand une nouvelle occasion se présentera !
Les cheveux et le visage, je ne suis pas sûre d’aimer, c’est un autre ressenti… impossible de dire si c’est bon ou désagréable, c’est autre chose : intense, fort, perturbant, troublant… mais tout le reste, le cou compris, j’aime beaucoup ! Quand la corde s’est enroulée autour de mon cou, j’ai senti la confiance m’envahir, étouffer l’instinct de survie qui me dictait de glisser mes doigts en-dessous pour la retenir et l’empêcher de m’étrangler. Mes mains étaient attachées de toute façon, je ne pouvais rien faire à part lui vouer une confiance aveugle.
Il s’occupe de moi avec attention, me regarde souvent, et son regard me réchauffe, nous sommes connectés. Cela me plait qu’il ne s’occupe pas uniquement des cordes, mais qu’il se préoccupe de moi, de savoir si je vais bien. Le shibari, ce n’est pas seulement une pratique ou un art, c’est une mise en relation, et j’adore le lien qu’il tisse entre nous à l’aide des cordes. Il ne me perd jamais de vue, tout en se concentrant sur des nœuds compliqués, que je tente de regarder parfois en me contorsionnant, avant de renoncer.
Il s’amuse à glisser un ballon de baudruche sous l’un de mes genoux, avant de ramener mes jambes sur ma poitrine, glisse une corde ici, et là, me soulevant, me retournant, un peu comme dans une chorégraphie… Il me guide pour chaque mouvement, je me laisse faire, j’accompagne juste ses gestes. Je perds le fil du passage des cordes, le sens de l’orientation, je ne commande plus rien. Un véritable labyrinthe de cordes dessine de jolis motifs tressés partout sur mon corps. J’aime bien être manipulée doucement, métamorphosée peu à peu.
Il serre un peu plus les cordes, passe peut-être une corde de plus autour de ma tête, ou de mon cou, et là je bascule, je n’entends plus la musique, je n’entends plus sa voix… ça dure une ou deux secondes ou plusieurs secondes, minutes, aucune idée, c’est à la fois agréable et étrange, comme si j’allais m’évanouir, mais en bien meilleur, car je ne ressens aucun malaise, je n’ai pas peur…. Je me sens « flotter » entre deux eaux, entre deux états, je perds l’ouïe, la vue, mes pensées se brouillent, ralentissent, je n’ai plus de « raison », il ne reste que les sensations, un éternel présent… Il doit se dire que j’ai atteint mes limites, car je ne lui réponds plus trop je crois, et il desserre déjà les cordes.
J’étais allongée sur le côté, il m’aide à m’assoir, défait les nœuds, fait glisser les cordes sur moi, doucement, lentement, avant de m’aider à m’étendre à nouveau sur le dos pour délier ma taille, mes jambes… Je ferme, tout abandonnée à lui, prenant conscience des liens qui quittent ma peau, de ma liberté de mouvement retrouvée peu à peu.
C’est fini, je suis libre, j’ai un peu froid, il me frictionne les bras pour me réchauffer. Je flotte encore, dans un état second, comme si j’étais un peu faible, ce qui est bizarre, vu que je ne faisais rien. Je suis de nouveau bien « présente ». Les cordes me manquent, leur étreinte particulière, précise, partout, dans la durée. J’ai vraiment aimé ! Il m’explique qu’il a utilisé 4 cordes, il peut aller jusqu’à 12 ! On doit être complètement momifié avec 12 cordes autour de soi…
Des spectateurs nous ont regardé, l’un d’eux nous demande même si on va faire aussi une performance de suspension plus tard ! Une prochaine fois peut-être…
Je quitte à regret la chaleureuse petite pièce, et la musique m’appelle, j’ai envie de profiter de la piste de danse ! Mais je crois que je recommencerai…
Le récit en miroir du rigger
Photos illustrant bien le plaisir et la contrainte je trouve : Gasparope
4 commentaires
Merci Pastelle ! Je pensais ne pas avoir réussi à transmettre les ressentis, les émotions si particulières… ton message me fait plaisir !
Pour que ce soit parfait, il faudrait aussi le ressenti du shibariste, raconté aussi bien que toi. Ça existe quelque part ? Ou alors il faut que tu t’y mettes !
C’est une très bonne idée ! Je vais lui demander
Je me suis souvent demandé quel effet ça pouvait faire, et pourquoi les filles encordées avaient l’air si zen. Tu racontes tellement bien que c’est presque comme j’y étais ! Merci.