La fin du confinement a sonné depuis un moment maintenant, près de 15 jours, mais je continue de vivre joyeusement chaque liberté désormais autorisée : le premier pique-nique en forêt (tique incluse), les retrouvailles des amis, les virées shopping en dehors des supermarchés…
Toutes ces sorties de folies ;-), ces petites joies, m’inspirent des débuts d’histoires. Après les retrouvailles des amants au coin d’une rue, voici les retrouvailles avec le coiffeur ^^. Un rendez-vous tout à fait anodin en temps usuel, un événement au sortir d’un confinement de deux mois ! (J’imagine l’extase du premier café en terrasse, du premier verre dans un bar !)
Pendant qu’on me démêle les cheveux avec délicatesse, une histoire germe dans mes pensées, mi réelle, mi imaginaire… (j’ai un peu occulté tout ce qui fait notre quotidien en ce moment : les masques, les gestes barrière… c’est l’avantage d’écrire des histoires, on peut s’inventer un monde sans contrainte !)
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Une jeune coiffeuse m’accueille, je ne l’ai jamais vue, elle doit être en formation. Elle va s’occuper de moi aujourd’hui. Je ne vois que ses grands yeux bleus très sages dépasser de son masque. Elle est très appliquée, consciencieuse, calme. Nous ne parlons pas, je préfère, j’aime la sentir concentrée sur sa tâche, manipulant avec précaution mes cheveux, veillant à ne pas me faire mal… Ça me change de la boule de nerf hyper bavarde qui s’occupe de moi habituellement (que j’aime bien quand même ^^).
Je profite du massage qui suit le soin, un lent et voluptueux massage de la tête qui m’apaise immédiatement, et me plonge dans une sorte de transe bien-heureuse, trop vite interrompue.
Elle me coupe lentement les cheveux, elle prend tout son temps, je respire. Je stresse toujours quand les ciseaux sont maniés vivement autour de mon visage. Je sens ses doigts légers qui m’effleurent la nuque quand elle soulève des mèches, suivi du clic régulier, lancinant des ciseaux, et de la chute silencieuse des cheveux sur le sol. Je serais prête à les couper jusqu’aux oreilles pour prolonger ce moment ! Elle me donne ses instructions d’une voix douce « penchez un peu la tête, tournez un peu la tête à droite… », j’obtempère sur le champ, tout en imaginant que j’aimerais inverser les rôles, lui donner des instructions…
En général, j’écourte la séquence séchage-brushing, n’ayant aucun goût pour le tirage de cheveux. J’y échappe en variant les excuses : « ça ne sert à rien, ça ne tient pas sur moi, et puis il pleut, il y a du vent, j’ai piscine… ». Cette fois, je ne dis rien, j’endure la petite souffrance, pour le plaisir de sentir la coiffeuse s’appuyer doucement contre mon épaule, mon bras… Je sens le contact de son ventre, son souffle dans mon cou, son parfum. Ses mains relèvent une mèche, et puis une autre, chatouillent mon cou, me procurent des frissons de la tête aux pieds. Je retiens ma respiration, je garde une immobilité de statue, veillant à ne pas l’effaroucher, ni me dérober, espérant l’encourager en souriant dans le vague, comme si je ne prêtais pas attention à ses attouchements, mais qu’ils m’étaient agréables, inconsciemment.
Son bras nu passe régulièrement devant mon yeux, j’ai envie de le mordiller, l’embrasser, le croquer comme une friandise. Je résiste… pour l’instant !
C’est fini. Nos regards se croisent dans le miroir tandis qu’elle lisse mes cheveux sur mon front, un peu rêveuse. Nous nous sourions derrière nos masques.
— Alors, c’était bien ? Elle est plus douce que moi, non ? plaisante ma coiffeuse habituelle.
Je réponds très sérieusement, ignorant la taquinerie, imperturbable.
— Oui, c’était parfait, merci !
J’adresse un grand sourire à la petite nouvelle.
— A la prochaine fois, j’espère !
Je pense déjà à cette prochaine fois, je me montrerai plus bavarde. On parlera de nos loisirs, des lieux de fêtes qui tardent à rouvrir : les cinémas, les cafés, les bars, et de fil en aiguille, je lui demanderai, mine de rien :
— Si vous aimez danser, les soirées doivent vous manquer… Vous aimez quel type de musique ? Les ambiances Gothiques aussi ?
Tâter le terrain, subtilement, comme dans mon fantasme !
Tableau : Berthe Morisot « La coiffeuse »