Libertinage : nager en liberté, nous a confié Jacques-Olivier Liby, fondateur du Prix de la Nouvelle érotique, lors du dîner organisé par Les festins de Laslo Sardanapale à la Divine Alcôve.
– J’avais rajouté pour rire dans mon récit : en eaux troubles.
J’ai aimé cette définition, cette évocation plutôt, qui nous offre une vision très poétique du libertinage, presque fantastique. Et moi qui aime tant le fantastique, la science-fiction, pouvoir les combiner avec l’érotisme me réjouit ! Car j’y vois l’idée d’un voyage en terre étrangère, avec son climat particulier, humide, moite, et ses us et coutumes, que nous ne pouvons juger.
On rejoint une soirée libertine, un club, et l’on plonge aussitôt dans une autre dimension, un monde qui n’existe pas, ou seulement dans nos fantasmes. Nous nous retrouvons sur une autre planète, semblable à la Terre, sensiblement différente. On évolue dans un milieu plus dense, doté d’une atmosphère qui lui est propre et nous grise ; la gravité est moins forte, on vole plus qu’on ne marche, légers, évanescents ; notre façon d’être, de respirer, de sentir, d’éprouver, de penser même, est modifiée… Un univers parallèle où seuls comptent la fête, la séduction sans conséquence, la douceur des caresses, la fulgurance des plaisirs…
Le temps est suspendu, il s’écoule différemment, nous sommes dans un monde étrange, onirique, alien, nous nous y sentons bientôt comme des poissons dans l’eau et virevoltons dans cet espace de liberté inespéré. Les codes en usage dans la vie réelle sont bouleversés, chamboulés, balayés ; d’autres codes se mettent en place, ils n’ont plus rien à voir. Tout est possible sur un simple échange de regards.
On retrouve son âme d‘enfant, exaltée, curieuse, enthousiaste, sans a priori, libérée des lourdeurs de la morale, de la culpabilité et de la sagesse. On traverse le miroir telle Alice au pays des merveilles, on ouvre une porte secrète, comme dans Le monde de Narnia ou Le jardin de minuit, mais au lieu de nous retrouver dans un monde de neige ou un jardin enchanté, on bascule dans un lieu tout aussi utopique, où nos désirs se réalisent, où les plaisirs se concentrent au sein d’un même espace-temps. D’autres personnages peuplent les lieux, tout aussi oublieux de la grisaille ambiante ; ils ne pensent qu’à danser, s’amuser, nous aimer. Ils nous regardent dans les yeux, nous sourient, nous étreignent en pensée, nous offrant les plus délicieux frissons qui soient.
Il faut juste savoir nager pour éviter de se noyer, répond Laslo Sardanapale
Ce n’est pas « la vraie vie », nos références, nos attaches, n’ont plus cours, il ne peut être question de jalousie par exemple. De retour sur la terre ferme, ce qui s’est passé n’est plus qu’un rêve éveillé, une transe, un moment qui n’existe pas, ou seulement dans nos souvenirs brumeux. Il va peupler nos nuits, sans jamais interférer avec notre vie réelle, sur notre planète d’origine. Des parenthèses, des vacances sans importance, des rencontres de passage…
C’est un monde où les sentiments sont absents, ou de façon si éphémère qu’ils s’évanouissent en fumée une fois de retour sur Terre… Mais des amitiés se nouent, teintées de désir, d’affection, des amitiés pour toujours…
Et puis il existe une porte cachée, conduisant à l’univers du bdsm, un univers plus joueur et plus sombre à la fois, plus codifié encore, plus engageant, plus exigeant, plus risqué aussi. On la franchit à nos risques et périls, même en restant en lisière, sur le seuil, attirés seulement par la mise en scène, les tenues.
Un monde bien plus dangereux, on peut se faire happer, entraîner, dans un maelström imprévu et incontrôlable, car cette fois, contrairement au libertinage, les sentiments entrent en jeu. Peut-être parce que nous aliénons volontairement notre liberté, en pleine conscience, que l’on veuille dominer ou se soumettre. Peut-être aussi parce que les étreintes sensuelles sont plus rares, voire absentes, et retarder, contraindre la sexualité aggrave, transcende ce qui est vécu…
On peut bien sûr l’aborder de façon légère, à travers des jeux, mais tôt ou tard, si l’on n’y prend garde, on s’y retrouve plongés jusqu’au cou, de façon pleine et entière, jusqu’à bouleverser toute notre vie, nos pensées au moins. L’on peut s’y perdre, et il sera difficile alors de retrouver notre planète d’origine et ses gentils habitants.
Films : Les liaisons dangereuses, Venus in fur
13 commentaires
Lus ce matin, vos mots ont enrobé la journée de particules pétillantes aux tentations délectables. Aux plaisirs en général et à celui de vous lire en particulier. Merci
« Et puis il existe une porte cachée, conduisant à l’univers du bdsm »
Ce que tu écris sur le bdsm quant aux sentiments qui nous envahissent malgré nous et le manque de sexualité et juste FORT. C’est exactement comme cela que j’ai vécu cette incroyable aventure avec mon maitre pendant deux ans. Te lire m’a replongé dans ces plaisirs si hors normes, si hors du commun et qui me manquent tellement. Merci Clarissa
Esse
Oui, hors du temps, c’est tout à fait ça ! … tu me raconteras ?
pas certain que cette rencontre se fasse. Ils en rêvent mais de là à concrétiser le fossé se creuse.
Rires ! Oh, je m’en veux de lui avoir emprunté son titre ! Je suis sage moi aussi… parfois ! J’aime bien faire des chroniques de livres aussi à l’occasion…
Aha! Vous trouverez sur ce site, celui de l’éditeur, quelques informations sur cet écrivain vaudois qui gagne à être mieux connu: https://encrefraiche.ch/index.php?id=241 Et si jamais, je vous prête volontiers mon exemplaire!
Merci DF pour ces précisions et me permettre de découvrir un nouvel auteur ! Oui, je veux bien, j’aime bien les échanges de livres entre blogueurs !
Où puis-je vous le faire parvenir?
voici mon mail : clarissa.riviere@hotmail.fr , merci beaucoup !
Merci Sonia ! Je suis contente que mes mots fassent écho à ce que tu as connu ! Au fil de mes lectures, de mes expériences, j’entrevois les relations passionnées et intenses qui peuvent se nouer… et je pense que l’on s’en souvient ensuite toute notre vie, que cela nous hante, et tout nous paraît fade et décoloré à côté… Mais c’est bon de l’avoir vécu ! Et tu le revivras à nouveau, c’est sûr ! Au plaisir de te lire bientôt…
Merci Didier pour ce joli commentaire qui me fait très plaisir !
Oups! J’ai pensé que vous évoquiez « Nage libre », roman de l’écrivain suisse Olivier Chapuis… Je suis bien sage!
un moment hors du temps.
Cet été une rencontre des membres du groupe secret dont je fais partie doit se faire. Je dois essayer de me libérer……