J’ai déjà constaté le pouvoir d’une photo, à mes dépends, (merci Cheick Touré, merci Stéphane Lanoux !) : l’émotion qui m’envahit quand je la regarde, la magie qui s’en dégage, comme si la photo était vivante, vibrait, me replongeant aussitôt dans le souvenir capturé, avec tous mes ressentis du moment…
Je l’éprouve à nouveau, ce pouvoir, avec cette photo de Jérémy Lincal.
Cette fois, il ne s’agit pas de moi, et le trouble que je ressens est bien différent : une flambée de désir qui m’enflamme comme une torche !
Je trouve cette photo vraiment belle et excitante à la fois, le mouvement des bras autour de la jeune femme, les mains qui l’entourent avec un désir palpable, se pressent autour d’elle. Elle est la reine du bal, adulée, aimée, convoitée…
J’imagine ce qu’elle éprouve avec toutes ces mains posées sur elle, comme des questions silencieuses, des invitations à aller plus loin. Des mains qui la tiennent aussi, la soutiennent, et la maintiennent pour mieux la prendre.
C’est une photo prise lors d’un gang-bang. Ce mot évoque des étreintes sauvages, violentes, extrêmes, une succession d’ébats frénétiques… Là, tout semble harmonieux, sensuel, lent ; un ballet d’hommes attentionnés autour d’une femme qui s’offre et gémit de plaisir. Un instant de grâce capturé par le photographe de la soirée, une photo lumineuse… j’ai tout de suite pensé à un soleil, avant d’être réchauffée de la tête aux pieds !
Cette photo illustre parfaitement l’un de mes fantasmes préférés : la multitude des mains qui caressent, des langues qui lèchent, des sexes qui se succèdent. Les hommes s’accordent, synchronisent leurs gestes, concentrés sur le seul plaisir de la femme, tournés vers elle, comme s’ils ne formaient qu’une seule et même créature aux multiples tentacules. Ils s’entendent en silence pour prendre leur tour, oubliant leurs individualités, leurs égos, leur propre désir. Ils ne sont que des instruments dédiés à son plaisir, elle peut les congédier tous d’un mot, n’en choisir qu’un ou deux, les garder tous au contraire. Alors ils s’appliquent, se dépassent, maîtrisent leurs pulsions, retiennent leur plaisir pour accroître le sien.
Elle ne les voit pas. Elle fait tendrement l’amour avec son amant, posée sur lui de tout son poids, abandonnée, en confiance. Il l’enserre dans ses grands bras, elle est bien, à l’abri. Elle respire l’odeur de son chéri, elle ferme les yeux, consciente de son dos et ses fesses offerts. Elle perçoit le souffle des hommes qui s’approchent, elle sent leur chaleur et bientôt la pulpe de leurs doigts qui se posent doucement sur sa peau, la caressent légèrement, avant d’accentuer leur pression, encouragés et guidés par ses gémissements. L’un d’eux ouvre le bal, s’invite entre ses fesses, la pénètre peu à peu, aidé par les va-et-vient de l’amant.
Autour d’eux, les autres hommes caressent la peau douce parcourue de frissons, ils se caressent aussi, pour être prêts le moment venu, pour le plaisir. Leurs rythmes s’harmonisent, leurs souffles sont suspendus à celui de la jeune femme. Elle respire plus fort, son plaisir monte, ses deux amants accompagnent son ascension en calant leurs coups de reins sur sa respiration qui s’accélère encore, jusqu’à ce que son orgasme explose, fort, intense ! Jamais un seul homme ne pourrait lui procurer une telle jouissance… Là, elle est sollicitée dans tout son corps, elle ne s’appartient plus, et son plaisir atteint un paroxysme ! Elle se tord en tous sens, les hommes la maintiennent fermement, ses deux amants s’agitent toujours en elle, plus fort, plus vite. Ils respirent largement maintenant qu’elle a joui, ils pensent à eux, retrouvent une nouvelle vigueur, affolés par ses cris de plaisir ; ils cherchent la libération, ils veulent jouir à leur tour.
Tous sont au bord de l’implosion depuis longtemps et ne tiennent plus, la fièvre gagne, les désirs de chacun prennent le dessus. Un homme tend son sexe devant la bouche entrouverte où meurent encore des gémissements de plaisir et s’y répand, les autres jouissent sur son dos, dans son ventre, les uns à la suite des autres. A demi-inconsciente, plongée dans un univers de plaisir pur, elle continue de s’offrir encore et encore, secouée de répliques de jouissance… La pièce s’emplit de râles d’extase avant d’être plongée dans le silence.
Les hommes s’éclipsent, ils resteront des partenaires sans visage, sans nom, sans personnalité, des fantasmes de chair et de sang incarnés le temps d’une soirée. Seul compte le plaisir de la femme, sa relation privilégiée avec son amant qui reste allongé près d’elle, la prend tendrement dans ses bras et la câline sans fin.
Photo : Jérémy Lincal