Une petite histoire inspirée par les plages de mes vacances…
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Prise d’un doute, elle préféra appeler Pierre, un ami, il connaissait Biarritz sur le bout des doigts.
– Tu es sûr que la plage naturiste se situe au-delà de la plage du Miramar ?
– Oui, après les rochers il y a un passage, tu verras… Attention à bien regarder les horaires des marées avant d’y aller ! C’est une plage qui n’existe qu’à marée basse, sinon tu vas rejouer le remake de « La chambre d’amour » …
La chambre d’amour, une plage au nom si romantique ! En souvenir d’une histoire triste pourtant : deux amants se retrouvaient dans l’une des grottes au pied de la falaise, ils furent surpris par la marée haute, et pris au piège.
– T’inquiète, je n’ai aucune envie de me noyer ! Je suis déjà en route, je ferai attention, Je rêve juste de me baigner nue, de sentir l’eau glisser sur moi, sans l’obstacle du maillot… Quand je nage nue, je me sens libre !
– Ouais… elle est frisquette non ? Tu es où là ?
– Je suis arrivée ça y est, mais il y a des panneaux de la mairie : la plage est interdite d’accès, il est question d’éboulis…
– Ne fais pas attention à ce panneau, il a toujours été là, il sert à rien ! Une façon qu’a trouvé la ville pour nous dissuader de pratiquer le naturisme, car ça ne plaît pas à tout le monde ! Quand on y va avec les potes, on y fait même plus attention…
Elle franchit la barrière rocheuse, et se sentit aussitôt à sa place ; elle avait la plage pour elle, la seule touriste imprudente à avoir osé braver l’interdit municipal ! Seul le doux bruit des vagues et les cris des mouettes animaient la plage, finis la musique, les rires hystériques, les cris des enfants… Le cœur en joie, elle s’installa sur le sable, à bonne distance de la falaise quand même ; on ne sait jamais, un filet protecteur la recouvrait, ça ne présageait rien de bon.
Elle enleva sa robe d’été, et se retrouva nue, elle ne portait rien en dessous. Elle s’affichait, impudique et belle, exposant son corps aux rayons du soleil couchant. Il la parait de lumières dorées, ses cheveux blonds brillaient ; elle était magnifique, Vénus sortant de l’onde ! Mais à part l’océan et ses poissons, personne n’était là pour l’admirer.
Elle se plongea dans l’eau avec ravissement. Elle était froide, c’est vrai, mais quel plaisir de nager nue, l’eau la caressait, se faufilait partout, glissait sur son corps délicieusement. Elle s’amusa dans les vagues, sauta, plongea, elle nagea loin, plus loin qu’elle n’avait jamais été. Elle se sentait bien, en sécurité, elle était toujours ramenée sur le rivage, le courant était de son côté, elle ne se fatiguait pas, il accompagnait tous ses mouvements.
Il fallait rentrer pourtant, le temps passait, elle ne pouvait rester éternellement dans l’eau, aussi agréable cette baignade soit-elle ! L’océan ne l’entendait pas de cette oreille, il aimait ruisseler sur les courbes de son corps, éclabousser les pointes de ses seins, s’insinuer dans les petits plis de son sexe, éclater en des milliers de petites bulles pour la chatouiller au bon endroit. Il voulait continuer à jouer avec elle, la promener au gré de ses courants. Il la ramena sur le sable pour qu’elle se repose un instant, avant de la rappeler d’une vaguelette fraîche pour la faire rire. Il chercha à la garder le plus longtemps possible dans ses eaux, par tous les moyens, il détourna même un courant du sud pour réchauffer l’eau autour d’elle. La nuit tombait cependant, la jeune fille s’inquiéta. Elle ferait mieux de rentrer, elle n’avait que trop tardé. Elle avait fini par perdre la notion du temps tant elle était bien là, caressée, bercée par l’eau mouvante. Était-ce marée montante ou descendante, comment savoir ?
Elle s’extirpa de l’eau avec difficulté, autant sortir de sables mouvants ! L’océan rassemblait ses forces pour tenter de la retenir encore, concentrant ses courants autour de ses chevilles, mais il ne put lutter plus longtemps, cette ingrate voulait sortir malgré ses tendres enlacements. Alors l’océan se fâcha, gronda, il changea de couleur, les vagues devinrent menaçantes, et la jeune fille se félicita d’être sortie de l’eau à temps. Une tempête s’annonçait, elle ne tarda pas à se déchaîner : bourrasques, pluie diluviennes, fracas des vagues. Elle frissonna et courut se réfugier dans une infructuosité de la falaise, le temps que la pluie se calme. Elle redoubla au contraire, des éclairs zébraient le ciel, et la foudre s’abattit juste au-dessus de sa tête. La falaise fragilisée se brisa, un pan entier s’abîma sur le sol, bloquant l’ouverture de la grotte. La jeune fille se retrouva prisonnière.
L’océan se calma peu à peu, il était allé trop loin, il ne savait pas maîtriser sa colère ! Vague après vague, il s’affaira à déplacer les blocs de pierre obstruant l’entrée, et vint timidement lécher les pieds de la jeune fille. Assise sur une pierre, les bras serrés autour de ses genoux, elle pleurait à chaudes larmes. L’océan goutta cette eau salée qui dégoulinait jusqu’à lui, si différente de son eau. Un goût merveilleux, d’une tiédeur exquise… Il allait aider cette baigneuse, après avoir voulu la punir de l’abandonner. Il se força à se retirer plus tôt que prévu, bouleversant son rythme de vie auquel il tenait tant. Il sentait cette petite jeune fille à bout, elle ne tiendrait plus longtemps. Il se résigna, leur amour était impossible. Elle aimait la terre, l’air ; il n’avait que l’eau à lui offrir.
Elle ouvrit les yeux, elle se sentait bien tout à coup. La tempête s’était apaisée, tout était silencieux. Et c’était déjà marée basse ! Un chemin de sable lui permit de sortir de sa grotte et de gagner la plage. Elle resta de longues minutes en contemplation devant l’océan, il était si beau… Il émanait de lui une force virile, une énergie vitale, capable de se déchaîner en un instant ! Ses vagues montaient, montaient comme un orgasme, avant d’exploser et retomber en un bouillonnement d’écume blanche et mousseuse. Une suite de plaisirs sans fin, toujours différents, toujours renouvelés. Elle avait déjà envie de replonger… elle se ressaisit, et se détourna, les yeux fixés sur la terre ferme, pour ne pas se laisser tenter à nouveau.
Le lendemain, elle s’inscrivait à un cours de plongée. Très motivée, elle fit de rapides progrès. Elle ne tarda pas à rejoindre la plage du Miramar, elle passa les rochers, ignorant cette fois le fameux panneau « danger éboulis », irrésistiblement attirée. Le souvenir de cette nuit de tempête, loin de l’avoir échaudée, ne lui avait donné qu’une envie, revenir. Quelque chose d’exceptionnel s’était passé, elle voulait en avoir le cœur net.
L’océan fut heureux de la revoir, il l’entoura aussitôt de vaguelettes de joie et de ses courants les plus chauds, malgré une légère déception : elle n’était plus nue, mais vêtue d’une combinaison bleue comme son eau. C’était pour mieux fusionner avec lui, évoluer avec lui, s’adapter à son milieu. Elle l’avait mise pour lui ! Pour rester avec lui… Il se réchauffa d’un coup, bouillonna d’enthousiasme, avant de l’envelopper d’un courant plus fort que les autres.
Il l’entraîna vers le fond.
6 commentaires
J’ai aimé cette histoire d’amour impossible – « Les histoires d’amour finissent mal – en général »…
Je me permets : il manque un S à « chaudes larme ». C’est pour rendre service, pas pour humilier ! D’ailleurs c’est de l’inattention, tout le reste est parfait.
Cordialement, JC
Merci pour ce retour… et la correction ! mais le reste est loin d’être parfait
J’adore, merci pour le partage
Merci Lovesita !
J’aime beaucoup !
Un titre : «j’ai fait l’amour avec la mer»…😉😜