J’aime beaucoup les pratiques et les kinks autour du « care », dont le fameux « after care » post séance bien sûr, que je savoure au moins autant que la séance elle-même, mais le « care » peut aussi se suffire à lui-même : s’occuper de quelqu’un, le câliner, le bercer, dans le cadre d’un jeu de rôles ABDL d’âge play, d’infantilisation, d’humiliation soft…
Inspirée par La pointe du cul qui pose toujours la question des « débuts » aux personnes interviewées, je remonte le temps moi aussi, et après mes souvenirs de fight play et de pet play, je partage quelques souvenirs d’adolescence, où j’ai senti pour la première fois quelque chose se jouer (mon blog, ce divan de psy ^^).
***
Je me souviens du cours d’art plastique, en 3e.
Nous adorons et redoutons ce professeur qui nous suit depuis la 6e, génial enseignant, talentueux, plein d’imagination mais irascible aussi, et ses foudres s’abattent souvent sur nous. Un nouveau projet nous occupe et nous enthousiasme : nous apprenons à manier un appareil photo argentique ! Nous sommes répartis en petits groupes, et devons prendre une série de photos qui raconte une histoire, développer les photos dans une chambre noire, et les mettre en scène sur une grand panneau, façon roman-photos… En attendant, on s’exerce, on s’entraîne à prendre en photos des objets de la classe. C’est magique ensuite de voir la photo apparaître dans les bacs, avant de la saisir avec une pince et l’accrocher sur un fil pour qu’elle sèche, comme dans les films policiers.
Pour le grand projet de roman-photos, je me retrouve avec deux amies, extraverties, rieuses, exaltées, créatives (très investies en musique, théâtre – moi pas du tout). Nous avons une idée ! Toutes les trois fascinées par l’univers du cirque, nous prévoyons de raconter l’histoire d’un enfant clown. Un clown triste, forcément… Nous avons besoin d’un petit garçon, et nous parlons de notre projet à notre ombrageux professeur. Il hausse un sourcil, prend note de notre demande, et peu de temps après, nous amène un petit garçon de 6e, volontaire pour nous aider.
Il a l’air buté et maussade, il est trop mignon ! Il ne dit rien du tout, il est muet comme une carpe à part oui ou non. Nous l’impressionnons peut-être ? Mes amies sont très grandes, déjà bien développées, pourvues de seins, de formes, avec de longs cheveux jusqu’aux fesses. Moi, c’est une autre histoire, j’ai presque l’air d’être en 6e moi aussi, mais j’ai déjà plein de fantasmes dans mes pensées.
On reste au collège un mercredi après la cantine, on nous offre l’accès à une classe. Ambiance étrange de fin du monde dans l’école déserte, nos paroles, nos bruits de pas résonnent… J’ai prévu du maquillage, je grime le petit garçon pour le transformer en clown : le visage tout blanc, le nez rouge, les yeux… Je m’applique avec plaisir, amusée par son petit air renfrogné adorable. Mes amies s’activent sur le « décor », elles ont apporté plein d’objets de déco, et transforment la classe en des coulisses de cirque. Et puis c’est parti pour une longue séance de poses où le petit garçon doit se plier à tous nos caprices pour illustrer notre histoire.
Il repart au galop en fin d’après-midi, déclinant notre proposition de partager le goûter, visiblement soulagé de reprendre sa liberté ; c’en est presque vexant vu tout le temps qu’on lui a consacré !
Et puis, c’est le drame : je ne sais pas ce qu’il s’est passé, je ne me souviens plus des détails techniques, mais les faits sont là : aucune photo n’est exploitable, il nous faut tout recommencer. Le petit garçon doit revenir, explique-t-on à notre professeur qui lève les yeux au ciel.
Cette fois, ce sera un samedi, chez l’une d’entre nous. On pourra faire de plus jolis décors, et ce sera plus sympa et moins effrayant que ce collège désert.
Le jour convenu, c’est un autre petit garçon qui se présente au rendez-vous. On se vexe un instant : quoi, l’autre n’a pas voulu revenir ? Ce nouveau petit garçon a l’air timide, extrêmement gentil, un vrai poupon avec ses bonnes joues ! Il ne sait pas pour son camarade, on lui demandé de venir, alors il est venu, voilà. Sa candeur m’émeut, j’ai envie de le cajoler comme une poupée, de jouer à la maman, mais la présence de mes amies rieuses et taquines me retient, alors je ris et je plaisante avec elles. Le petit garçon a l’air à la fois ravi et contrit. On dirait qu’il souffre et qu’il en redemande, avec son petit air troublé et comblé.
Je suis de nouveau préposée au maquillage. Je vais prendre tout mon temps ! Ce petit garçon là a des joues bien plus dodues que son prédécesseur, et c’est un plaisir de promener des éponges sur ses joues, des pinceaux sur ses yeux, et d’effacer peu à peu ses traits sous des couches de maquillage. Il cligne un peu des yeux quand je les lui maquille, mais il tient bon, sans protester ni chercher à se dégager comme l’autre. Il veut bien faire, il garde une attitude de marbre, même si ces yeux se mouillent un peu. Je suis à la fois très touchée, et un peu sadique aussi, je fais durer le moment le plus possible, en cachette de mes amies qui peaufinent « le décor ».
S’ensuit une merveilleuse séance photos, nous nous amusons comme jamais ! Nous demandons toute sortes de poses au petit garçon qui fait de son mieux pour nous obéir sur le champ. On prolonge la séance, on n’a pas envie de se séparer, quelque chose est en train de se jouer entre nous. On est liés tous les quatre, sans vraiment comprendre ce qui se passe… Mais nous devons nous quitter, il doit partir, sa maman va s’inquiéter. Je me souviens de mon petit pincement de regret, car j’aurais bien voulu, moi, jouer à la maman.
Nous développons les photos dans la chambre noire, elles sont fantastiques ! Le petit garçon a un regard intense, il joue à merveille le clown triste et joyeux à la fois. Ce drame éternel de la confusion des émotions ! Très fières, nous l’invitons à venir admirer notre travail quelque temps plus tard. Il est tout timide à nouveau, c’est difficile d’entrer en contact avec lui, sans « activité » qui nous occupe. Il se sent gauche, et moi aussi, par empathie. Heureusement, mes amies extraverties sont intarissables et dissipent ce début de malaise. Il rougit de se voir sur autant de clichés et de nos compliments. Je fonds à nouveau ! C’est décidé, puisque l’astrophysique ne veut pas de moi, je m’occuperai d’enfants… Les habiller, les changer, les nourrir, les cajoler, les consoler, les coiffer, les gronder, les réconforter, jouer…
Souvent, au cours de cette année scolaire, ce petit garçon viendra nous rejoindre à la récréation (ce n’est pas un très grand collège, toutes les classes sont mélangées dans la cour de récré). Toujours timide, embarrassé, il vient sans raison, comme ça, silencieux, juste pour être avec nous. J’ai envie de le prendre sous mon aile ! Mais je sais que ses copains ne sont pas loin, le regardent un peu bizarrement, et mes amies sont là aussi… Alors nous reprenons nos jeux, nous le taquinons, nous rions un peu de lui, et il reste là, les bras ballants, à se faire doucement malmener par trois grandes filles, à la fois fier, ravi, confus, gêné, un peu honteux. Au bord des larmes parfois, et mon cœur souffre à l’unisson avec le sien, je le réconforte discrètement. Il revient nous voir malgré tout, preuve qu’il aime bien notre compagnie, aussi moqueuse soit-elle. Je me réjouis quand je l’aperçois du fond de la cour de récré courir vers nous en galop, et se présenter, avec son petit air sérieux et ses bonnes joues de bébé, attendant je ne sais quoi, des questions, des petits pincements, des bourrades…
Nous nous étonnons de le voir revenir, que nous veut-il ? En quoi un petit garçon de 11 ans peut-il être intéressé par la compagnie de grandes filles de 14 ? Un monde nous sépare ! C’est un enfant, il débute le collège, et nous sommes déjà des jeunes filles presque au lycée, nous parlons de nos crushs, de sortir avec untel ou untel (bon, dans les faits, il ne se passe pas grand-chose, pour ne pas dire rien du tout). Nous l’acceptons entre nous, au milieu de nous, il est parfois pris à partie, ou moqué, câliné, chatouillé, un tourbillon d’attentions ! On le gronde pour rire, on joue à la maîtresse, à la maman, on lui demande ses notes, on l’attrape, on le porte à bouts de bras… jusqu’à la sonnerie de la fin de la récré, ou jusqu’à ce qu’il s’extraie, ébouriffé, à bout de souffle, pour aller jouer au foot avec ses copains. Moi je le trouve trop mignon, j’ai surtout envie de le cajoler, de le pouponner. Le regard de mes copines me retient aussi sûrement que des chaînes, je ne m’autorise pas à « sortir du rang », je les imite, je calque mon attitude sur la leur (fichue adolescence), mais je devine que le petit garçon se laisserait bien cajoler, tout en étant gêné et un peu mortifié d’être traité ainsi, comme un enfant du primaire. Il se laisserait faire pour le plaisir de côtoyer « une grande » flatté d’un côté, et embarrassé d’un autre.
Parfois, on est lancées en pleine discussion, on bavarde avec animation, on ne fait pas attention à lui, on le délaisse, on parle au-dessus de sa tête. Il s’attarde un moment, avant de repartir, tout seul et ignoré, et moi je souffre en silence, sans trouver le courage de quitter mes copines pour aller vers lui. Qu’est-ce qu’elles penseraient ? Mais il revient vers nous, le lendemain ou plus tard, et le plus souvent, il est fêté et bousculé joyeusement. Trois filles uniques, qui ont enfin un petit frère à embêter ! ça m’avait manqué toute ma vie – et ça me manque toujours énormément d’ailleurs…
L’année suivante, nous nous éparpillons dans différents lycées, et tout est oublié. Jusqu’à aujourd’hui, où je ne sais pourquoi ce souvenir remonte à la surface, étincelant, en couleurs, avec le souvenir du maquillage gras que j’étalais en couches épaisses sur sa peau duveteuse. Souvenir de cette texture, de ce que cela fait de « maquiller quelqu’un » qui n’aime pas ça mais se laisse faire gentiment, et de ce plaisir de le transformer… Je me souviens de ses longs cils, qui battaient de plus en plus vite, quand j’approchais mon pinceaux de ses yeux, des yeux au bord des larmes, mais il tenait bon, courageux comme tout. J’étais émue de voir ses larmes affleurer, et j’aimais ressentir cette émotion, alors je continuais, au-delà du nécessaire.
J’ai envie de revivre ce moment : maquiller, et coiffer aussi, un garçon moyennement enthousiaste, mais qui l’accepte pour me faire plaisir, passer un moment avec moi, et qui me confie son visage en soupirant un peu, luttant contre l’envie de s’enfuir. Car heureux d’être là aussi, finalement, entre mes mains, à se faire martyriser en douceur. Ce mélange des ressentis que je devine, ou que j’imagine peut-être, je le dégusterai comme un nectar des dieux, pendant que je retrouverai le plaisir de jouer à la poupée ; une poupée vivante, le rêve !
Je garde en moi cette envie de « care » : m’occuper de quelqu’un de prétendûment innocent avec bienveillance, l’étouffer de tendresse, avec une pointe de cruauté, de perversion, de façon légèrement abusive. Caresser et griffer, câliner et étouffer, moquer gentiment, malmener et embrasser… une sorte d’affection vénéneuse, malsaine (pour de faux), tant que tout le monde est consentant pour « jouer » !
– Photo prise sur le net, retirée ou créditée sur simple demande