Un dessin de Marion Fayolle admiré à la Galerie Art Factory ce week-end m’a donné une idée d’histoire – un conte de fée plutôt.
Le coucher de soleil incendiait le ciel et l’océan, lui offrant un magnifique spectacle. Ce serait si romantique de le regarder avec un ami, au lieu d’être seule sur cette plage au bout du monde ! Qu’à cela ne tienne, Pygmalion dans l’âme et ancienne bâtisseuse de châteaux de sable, elle décida de le créer. Quelques poignées de sable, de l’eau pour faire tenir le tout, et le tour était joué : un compagnon naquit sous ses doigts. Il ne manquait qu’un sortilège pour lui donner vie !
Elle se blottit contre lui, heureuse de sentir sa peau doucement picotée par les minuscules grains de sable. Un bonhomme de neige n’aurait pas été de refus par ces températures caniculaires, mais l’homme de sable semblait presque vivant à ses côtés, tant il était chaud, doux et ferme à la fois. Elle se pressa contre lui, posa sa tête sur son épaule, caressée par la pluie de sable qui s’échappait déjà du corps. Il s’effilochait, disparaissait dans le vent du soir, grain de sable après grain de sable. Elle en était couverte, c’était comme si il la métamorphosait à son image.
Elle s’efforçait de lutter, de colmater les brèches avec du sable et de l’eau de mer mêlée de ses larmes. Être abandonnée par sa création la dévastait ; ce n’était pas rationnel, mais c’était plus fort qu’elle, comme une nouvelle rupture après celle qui l’avait emmenée si loin de chez elle.
Le soleil rouge plongea dans l’océan, tandis que les étoiles s’allumaient une à une, éclairant cette jeune femme en train d’étreindre son homme de sable si fort qu’il n’avait plus forme humaine. Il se délitait de plus en plus, s’affaissait. Elle s’allongea sur le dos et ferma les yeux, battue par le vent, le sable, et s’offrit à leurs caresses. Le sable la recouvrait peu à peu, l’enfouissant et fusionnant avec elle. Il se glissait partout, s’insinuait jusque dans sa bouche. Elle accueillit ce baiser de mort et sombra.
Les étoiles influençaient l’avenir depuis toujours ; émues, elles donnèrent un coup de pouce au destin : elles détournèrent la route d’un promeneur solitaire, afin que l’impossible survienne, une rencontre sur cette plage isolée.
— Madame, vous allez bien ? Répondez-moi !
La jeune femme se redressa, sonnée. Elle écarquilla les yeux en découvrant cet homme penché sur elle. Un être de chair et sang, comme elle. Elle toussa et recracha un peu de sable ; elle avait dû s’endormir. Son compagnon de sable gisait à ses côtés, méconnaissable, déformé et monstrueux.
— Je peux vous aider à réparer votre sculpture si vous voulez ? proposa l’inconnu en devinant sa mélancolie. Mais la marée monte, et entre le vent et les vagues, ce sera forcément une œuvre éphémère.
Elle secoua la tête. Elle devenait folle sans doute, elle parlait toute seule, cet homme n’existait que dans son imagination. Cette plage ne figurait sur aucun guide touristique, et aucune route n’y menait, à part un mauvais chemin caillouteux. Elle l’avait découverte par hasard ! Ou bien était-elle en train de rêver ?
Soudain, l’homme de sable ne l’intéressait plus, il avait rempli son office : la consoler et lui tenir compagnie pour regarder le soleil.
Elle se leva et acheva de détruire son œuvre en la piétinant.
— Ce n’est pas la peine, c’était pour m’amuser le temps du coucher de soleil. Maintenant, c’est le temps de la nuit étoilée !
Elle leva les yeux, émerveillée par la Voie lactée qui se déployait dans le ciel. Les étoiles lui firent un clin d’œil. Elle les remercia en silence et s’empara de la main de l’inconnu – elle ne voulait pas être seule pour observer les étoiles, c’était si romantique aussi, encore plus peut-être que le coucher de soleil. Et cela allait durer bien plus longtemps !
2 commentaires
Merci Chris !
Récit tout doux et tendre