Je continue ma galerie de portraits, avec le personnage de la touche-à-tout jamais satisfaite : la dévoreuse d’hommes, qui poursuit inlassablement sa quête éternelle de l’amant idéal.
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Longtemps, elle pensa n’aimer qu’un type d’homme bien arrêté. Elle les aimait à lunettes, intellos, brillants, beaux parleurs, un poil cyniques, voire machos. Légèrement enrobés aussi. Quelques rondeurs trahissent le bon vivant, elle ne pouvait se contenter de belles phrases et d’air pur.
Mais il fallut se rendre à l’évidence, ils ne se montraient pas toujours bons amants. Les plaisirs intellectuels les comblaient, les hautes sphères dans lesquelles ils évoluaient les éloignaient des plaisirs sensuels, leur désir sexuel passait au second plan, enfoui sous des aspirations élevées. Ils renâclaient souvent à l’idée de se glisser sous la couette, malgré ses œillades et roulements de hanches, alors qu’ils trottaient allègrement vers un film d’art et d’essai ou une pièce de théâtre expérimentale. Et quand ils se laissaient convaincre du bout des lèvres, ils lui déclamaient des vers au lieu de l’embrasser, ne sachant que faire de leurs mains, de leurs langues, ni de leurs sexes intimidés.
Ses appétits sexuels restaient inassouvis, elle délaissa les intellos, les abandonna à leurs débats philosophico-politico-économico compliqués, pour se tourner vers des ébats plus pimentés.
Elle s’intéressa aux forces de la nature, aux sportifs de haut niveau. Elle les aimait grands, très grands même, pour se sentir toute petite blottie dans leurs bras. Elle les voulait velus, musclés, barbus, tatoués, explosant de virilité… Bien entraînés, costauds, ils faisaient saillir leurs muscles avec satisfaction et fierté, ils réussissaient même à la soulever sans effort et la faisaient tournoyer dans les airs !
Ceux-là aimaient les plaisirs de la chair au contraire de leurs camarades à lunettes, peut-être même un peu trop. Ils lui faisaient l’amour longtemps, fort, de façon acrobatique. Ils suaient avec énergie et la possédaient ardemment, la pourfendaient de leur épée de chair sans se soucier de son désir, et encore moins de son plaisir, ne cherchant que la performance, des records à battre, jusqu’à ce qu’elle demande grâce, dans un soupir d’épuisement qui flattait leur orgueil de mâle.
Ils la fatiguèrent tous, les tennismen, les skieurs, les abonnés des salles de sport… plus intéressés par leur musculature que par ses courbes, baiseurs infatigables sans âme ni émotion. Elle rêvait de caresses plus douces, plus lentes, procurées par un garçon ayant vraiment le goût des femmes, voulant les masser, les humer, les savourer. Un homme qui ne serait pas seulement intéressé par leur esprit mutin ou avide de démontrer sa force. Elle voulait un homme sensuel, aimant manier, toucher, malaxer, pétrir, travailler des matières…. Il était temps de s’intéresser aux travailleurs manuels après avoir aimé toutes ces professions désincarnées, dédiées au monde virtuel de la finance ou de l’informatique. Un cuisinier peut-être, un potier, un menuisier, un jardinier… Un homme qui saurait la toucher, la caresser, la manipuler avec talent et enthousiasme, avec une autre intelligence, celle des sens, un homme qui n’aurait pas renié son côté animal, qui aimerait flairer, goûter…
Elle se détourna des torses et des abdos trop musclés, révélant surtout le narcissisme de leur propriétaires uniquement préoccupés de clubs de sport et de coaching ; elle ignora aussi les trop bons vivants qui préféraient les vins fins, la bonne chère, à sa chair tendre et ses appâts.
Elle considéra d’autres garçons, plus lisses, plus minces, avec encore une certaine candeur dans le regard, une innocence, une gentillesse émouvante… Elle se faisait forte de brouiller leur regard clair ! Elle apprécia leurs corps minces et durs, fermes, aux allures adolescentes. Jusque-là, elle n’avait désiré que des hommes burinés par la vie, tannés par le soleil, ayant bien vécu, gouailleurs, avec l’humour et le recul nécessaire. Elle croyait n’avoir aucun goût pour ces hommes plus jeunes, trop lisses et trop fades, jusqu’à ce qu’elle les regarde de plus près, amusée, touchée parfois. Ils se montraient capables d’absolu, ils étaient entiers, purs, excessifs, passionnés, engagés….
Elle supposait qu’ils préféraient les garçons, trompée par leur douceur, leur gentillesse, leur minceur, mais en fait non, certains aimaient les filles et semblaient prêts à lui offrir toute la tendresse qu’elle attendait. Elle s’en choisit un avec soin, mignon, gracile et docile, il se mit sous sa coupe avec empressement, et elle profita de son nouvel amant, raffola de sa peau tendre au point de le croquer tout cru. Il était absolument délicieux, celui-là elle allait le garder aussi longtemps qu’il voudrait bien d’elle !
Photos : Jude Law, Matt Damon, Bradley Cooper
4 commentaires
Waouh que c’est bien écrit ! Lecture très agréable. Douceur pour les hommes tendres et pas de pitié pour les bourrins mécaniques.
Merci Ed ! Vous me faites plaisir
L’homme des bois fait partie de mes fantasmes depuis toujours je lui avais d’ailleurs consacré un billet il y a longtemps : https://www.clarissariviere.com/archives/2015/09/06/32540721.html (bon, c’est la version moderne de l’homme des bois : le jardinier… ça le fait un peu moins du coup )
mais tu es trop jeune pour jouer à la cougare
L’homme des bois? avec ses mains caleuses, le pantalon en côtes de velours, sentant la sueur et le bois vert…un peu bourru mais plein de douceur, prenant son plaisir dans un grognement d’ours…