J’ai évoqué sur Facebook une scène de Tristan et Iseult, dont je me souviens vaguement :
Tristan et Iseult s’aiment éperdument, un amour impossible et artificiel — ils ont bu un philtre d’amour. Un soir, ils s’allongent côte à côte dans une clairière, brûlants de désir. Tristan place son épée entre eux, comme une croix. Un symbole chrétien qui les sépare aussi sûrement qu’un fossé infranchissable.
Cette barrière invisible les aide à rester chastes, à résister à la tentation de s’embrasser, à l’image des « barrières sociales » d’aujourd’hui. Elles signent le retour de l’amour chaste, du preux chevalier agenouillé devant sa princesse inaccessible. Moins par souci de pureté et de religion, que par peur de la contagion !
Du chevalier servant au soumis, il n’y a qu’un pas que je franchis allégrement. Si les bises, les câlins, les embrassades diverses nous sont interdites, le bdsm, lui, foisonne de pratiques compatibles avec les « gestes barrières » ! Le libertinage va faire grise mine pendant quelques mois, mais le bdsm ne devrait pas trop pâtir des nouvelles mesures d’hygiène, avec tous ses accessoires qui permettent de respecter les distances.
Des châtelaines vêtues de cuir ou de latex adouberont leurs chevaliers de leurs cravaches, de leurs fouets. Ils se prosterneront, vêtus de cuir ou nus, exposant les parties de son corps qui siéent à la dame de leurs pensées, et s’offriront à portée de ses instruments de tortures.
Le commentaire d’une amie m’a donné envie de reprendre cette légende, en la transposant aujourd’hui, dans l’univers bdsm. L’occasion aussi d’aborder quelques questionnements autour du polyamour, sous la forme d’une fable… Les noms ont été changés, mais toute ressemblance avec une histoire existante n’est pas fortuite 😉
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Isaure est mariée à Mattias, homme de pouvoir plutôt dominant. Ils s’aiment et partagent le même goût pour les jeux bdsm. Un jour, Isaure retrouve par hasard un ami de soirée, Florian, ils ont vécu une folle nuit d’amour et d’ivresse il y a longtemps, avant de « réveiller », sonnés ; Isaure est déjà mariée, elle s’en veut de trahir la confiance de son époux. Ils avaient décidé d’un commun accord de ne plus se revoir malgré leur coup de foudre. (Inconvénients de l’exclusivité, chagrin d’amour)
Florian et Isaure retombent sous le charme l’un de l’autre, Florian est si épris qu’il devient son soumis, son chevalier servant, prêt à tout pour la satisfaire, Isaure se refusant à lui pour ne pas trahir la confiance de Mattias. Un jour, ils oublient l’heure, il s’endorment après une séance bdsm particulièrement épuisante, la cravache posée entre eux.
Mattias rentre, les surprend, et remplace discrètement la cravache d’Isaure par la sienne, avant de repartir sur la pointe des pieds.
A son réveil, Isaure comprend que Mattias lui permet de vivre sa passion, il est tellement généreux, elle l’aime encore plus ! (joies du polyamour, pouvoir s’épanouir pleinement sans se cacher et sans faire souffrir l’autre).
Florian en revanche rencontre des difficultés avec son épouse « vanille », Elodie. Elle n’accepte pas qu’il en aime une autre, même différemment, même en reconnaissant qu’elle ne peut le combler sur tous les plans, n’ayant aucune envie de le dominer. Elle tente de se venger (Thème de la jalousie)
Finalement, tout est bien qui finit bien ^^ Là je m’éloigne de mon illustre modèle. Mattias joue les intermédiaires, il réussit à convaincre Elodie : la relation de Florian et d’Isaure ne lui retire rien, au contraire, Florian est plus heureux qu’avant à la maison ! Mattias, de son côté, aime Isaure de tout son coeur, et il la veut heureuse. Tout en s’expliquant, il se rapproche d’Elodie, il a décelé ses tendances soumises, au delà de sa possessivité. Elle se sent flattée d’éveiller son intérêt, elle finit par accepter la situation, apprend à se réjouir de la joie Florian, à ne plus vouloir le posséder. (passage de l’exclusivité au polyamour)
Chute : Florian, en revanche, appartient à Isaure, elle le possède et le lui rappelle en toutes circonstances lors de leurs séances bdsm, des parenthèses en dehors des conventions sociales. (dans le cadre de jeux consentis et circonscrits dans le temps, tout est possible)
Photo : film Tristan et Iseult
– Tableau : L’adoubement, d’Edmund Blair Leighton