Jeux de lionceaux

J’ai écouté avec curiosité et passion tous les podcasts de La Pointe du cul, fascinée en particulier par une question (entre autres) : les débuts, l’élément déclencheur d’une pratique bdsm ou d’un kink ! Parfois, la personne interviewée ne sait pas répondre, ça a toujours été là, c’est comme ça, mais il y a souvent un souvenir marquant, une première fois, un trouble ressenti lors des jeux de l’enfance (soi-disant innocente), ou durant les excès et les tâtonnements de la jeunesse… On ne met pas encore de mots sur ce qui se passe, mais on ressent des sensations, des émotions contradictoires. On devine que « ce n’est pas bien, cela ne se fait pas », on n’ose pas en parler aux autres. Il y a ce plaisir trouble de transgresser les règles (supposées), et ces ressentis mélangés : pointe de sadisme, culpabilité, élans réfrénés, amusement, excitation, gêne, tabous transgressés, plaisir inavouable…
Je suis très intéressée par ces débuts, les « déclencheurs » d’un fétichisme ou d’un goût pour une pratique. Ainsi, dans l’un des podcasts de La pointe du cul, un amateur de fight play raconte le plaisir ressenti lors d’une compétition de lutte au collègue, alors qu’il luttait contre une fille.

Et La Pointe du cul vient de lancer une nouvelle série, consacrée aux débuts justement : Premiers émois ! à écouter sur Deezer par exemple.

Cela me donne envie de confier quelques souvenirs à mon tour, que je n’ai jamais osé raconter à personne. Ce teasing… vous allez être déçus, c’est plutôt anodin (je crois) ^^
(j’ai essayé d’enregistrer un témoignage, pour vérifier si je pouvais me prêter à l’exercice… mais je manque de naturel, je suis figée, je préfère l’écrit !)

Donc, je m’allonge sur le divan, et je remonte le temps, jusqu’à ces années de liberté insouciante, après le bac…

***

C’est l’un des grands plaisirs de ma post adolescence, vers les toutes premières années de fac : me laisser entraîner par des garçons entreprenants et taquins, ravis de bousculer une innocente (prétendument) jeune fille de bonne famille à lunettes. Je me retrouvais, à l’insu de mon plein gré mais enchantée au fond, sur des montagnes russes de fêtes foraines, dans des salles obscures à regarder des films d’horreur… Terrorisée, je leur broyais les mains, saisissaient leurs cuisses, attrapaient brusquement leur bras. Ils en redemandaient malgré leurs protestations rieuses, puisqu’ils me proposaient toujours de nouvelles virées dans tous les parcs d’attraction des environs, de nouveaux films d’épouvante, des jeux de rôles plein de monstres – j’étais le plus souvent la seule fille au milieu de demi-orcs enragés, jusqu’à ce qu’un paladin dans son armure étincelante n’apparaisse, mais ceci est une autre histoire… (Cependant, mon fantasme ultime ne se réalisa jamais : regarder un film d’horreur sur un grand lit, bien entourée de forts gaillards à martyriser tout le film pour me soulager de toute la tension ressentie et évacuer ma peur…)

Ils ne se privaient pas non plus de me chatouiller par surprise dans les couloirs de la fac, pour le plaisir de me faire sursauter — et moi j’aimais bien sentir mon cœur bondir dans ma poitrine et battre à cent à l’heure, même si je protestais énergiquement, les assaillant de coups de poing qui les faisaient surtout rire. Ils saisissaient mes bras au vol, me regardaient dans les yeux, et j’adorais les sensations de chute libre ressenties… Ils me taquinaient aussi, beaucoup, c’était même leur seule façon de communiquer avec moi. Je manquais de répartie, je les pinçais vivement pour toute réponse, ou leur donnait des tapes, faisant semblant d’être fâchée contre eux, mais réjouie et émoustillée, et ils le devinaient je pense. Ils se plaignaient avec ironie « aie, mais quelle violence, pourquoi tant de violence ? »
Un soir, on chahute à trois ou quatre dans le studio de l’un d’eux (je pense qu’on attendait les autres pour jouer à un jeu de rôles). Ils me basculent sur le lit, me chatouillent, trop fort, je me débats en pleurant de rire. Soudain, l’un d’eux se retrouve au-dessus de moi et me cloue sur le lit en me maintenant les poignets. On se regarde un instant d’éternité. J’attends je ne sais quoi, complètement pâmée et perdue dans ses yeux vert clair… L’ambiance change, sans que les autres ne s’en rendent compte. Je pense qu’on mourrait d’envie de s’embrasser, mais la présence des autres rendait tout dérapage impossible. On s’est tous relevés, je me suis rajustée. On se sentait gauches, on ne savait plus comment se comporter, mais heureusement les retardataires sont arrivés et ont dissipé ce début de malaise, et tout fut oublié dans le brouhaha du jeu.

À force de me jeter soudainement dans les bras de l’un d’eux, le plus grand, de me réfugier dans son cou lors d’un film d’horreur ou sur des manèges, de me ruer sur lui pour lui taper le bras, ce qui devait arriver arriva… d’autres choses prirent le dessus !
L’effet de groupe jouait beaucoup aussi je pense, on chahutait comme des lionceaux faute d’intimité… mais une fois seule avec lui « par hasard », je ne me suis plus débattue avec autant d’énergie et lui est devenu doux comme un agneau… Les pinçons et chatouilles habituelles se transformèrent…

Avec le temps, j’ai découvert qu’il y avait d’autres façons d’entrer en contact avec les garçons que de me faire malmener et les rouer de coups en échange… en leur parlant par exemple ! Et les garçons ont mûri, leur envie de me taquiner et de me bousculer s’est estompée, le monde du travail nous a avalé et dispersé.
Mais si le goût des montagnes russes et des films d’horreur est passé, celui de pincer, broyer, attraper… a enfin trouvé un terrain de jeux pour s’exprimer : les soirées bdsm, et plus besoin de prétexte pour se « venger » d’offenses imaginaires !
J’ai même appris récemment que cette pratique avait un nom : play fight ou figth play, et c’est tentant de s’y remettre « en pleine conscience ». Même si je redoute un peu de me retrouver face à des champions de MMA ou de karaté de plus de 100 kg ^^ Mais cela me plairait bien de rejouer à la bagarre, avant d’être clouée au sol…

 

– Photo : site internet Safari-Tanzanie, retirée sur simple demande

 

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