L’exploration des Nuits fetish-parisiennes se poursuit grâce aux défis lancés par un Maître mystérieux. Après La Nuit Dèmonia, une autre nuit se profile à l’horizon…
Chap.8 Homme sweet homme
La soirée Dèmonia flambe dans mes souvenirs plusieurs jours durant. Je ne peux me le cacher, j’ai aimé jouer avec mon amie de toujours ! Elle est repartie et je suis toute nostalgique. Thibault ne me laisse pas le temps de remuer de doux souvenirs ni ruminer des regrets plus longtemps, il m’envoie un nouveau défi – il faut dire que l’été approche, les événements et les occasions de sortir vont se rarifier.
— C’est un accessoire pour les cheveux, un jeu dans les cours de récré, et aussi la propriété d’une certaine matière très prisée par les fétichistes. Enfin, c’est le nom de la plus ancienne des soirées fetish-bdsm de Paris !
— La Nuit élastique !
Un cri du cœur enthousiaste, je serai en terrain connu. La Nuit élastique : j’y ai rencontré mon soumis, des amis pour la vie, et vécu des moments d’anthologie… La soirée fetish la plus underground de Paris qui nous réserve toujours son lot de surprises et d’aventures. La nostalgie, cette légère souffrance suave de l’esprit me guette, je laisse des images m’envahir… Un nouveau message de Thibaut me fait l’effet d’un coup de fouet et me reconnecte aussitôt au présent.
— Tu mettras à nouveau la robe que je t’ai offerte et ton collier afin de bien afficher ta condition, et tu te soumettras au premier dominant qui viendra vers toi !
— Quoi ? Le premier venu ? Toute la soirée ?
Je n’ai pas pu m’empêcher de réagir à chaud. Je voudrais supprimer mon message, en rédiger un plus apaisé, mais il est déjà trop tard, Thibault vient de le lire, et sa réponse ne tarde pas.
— Je te rappelle que c’est moi qui fixe les règles du jeu ! J’ai envie d’augmenter mes exigences d’un cran vu les libertés que tu as prises pendant la Nuit Dèmonia : tu as brisé ton voeu de silence à plusieurs reprises, tu as ignoré mes rappels à l’ordre t’indiquant qu’il était temps de changer de partenaire… Et là, tu te rebiffes alors que tu ne m’as même pas laissé le temps de te présenter plus en détails l’épreuve que j’ai imaginée pour toi ! De toutes façons, tu sais bien que tu es libre d’arrêter le jeu si cela ne t’amuse plus, c’est ce que tu veux ?
— Oh non Monsieur, j’ai envie de continuer !
— Très bien ! Bon, déjà, ce ne sera pas « le premier venu », mais Loïc, un ami dominant que je connais. Il débute, c’est un doux dominant, je te promets que tu passeras une bonne soirée ! Je te demande seulement de ne pas profiter de son arrivée récente dans le milieu pour prendre la main et imposer tes volontés.
— Je vous le promets, Monsieur.
— Bien sûr, comme dans toute séance bdsm, le consentement prime avant tout, tu seras libre d’exprimer tes limites et d’utiliser ton safe word, il est au courant.
— Pourrais-je voir sa photo pour le reconnaître ?
— Ce n’est pas la peine, lui te reconnaîtra ! Je te rassure, il ne ressemble pas à Quasimodo…
Le club où se déroule La Nuit élastique m’est familier : le bar avec ses vidéos fetish, les deux escaliers qui mènent aux caves. Elles offrent des espaces pour s’amuser à la vue de tous et de petites cabines pour s’isoler. Elles m’ont toujours évoqué des stalles pour chevaux ! C’est un club gay, ce qui apporte une couleur et une ambiance particulière qui n’appartient qu’à la Nuit élastique.
Tout est différent cette fois. Point de soumis qui rappliquent aussitôt pour me proposer leurs services, mais des dominants qui lorgnent sur mon collier. L’un d’eux s’avance vers moi, portant fièrement ses longs martinets à la ceinture, comme un cow-boy ses pistolets. Il est très grand, et surtout très beau, si beau que mon cœur rate un battement. Je ne vais pas avoir à me forcer beaucoup pour jouer les soumises, je suis déjà conquise !
Il me tend sa main à baiser, avant de relever mon menton de sa cravache pour me regarder droit dans les yeux. Son regard plein d’assurance me transperce, je me sens toute faible d’un coup. Il me sourit.
— Bonjour Clarissa, je suis Loïc, tu es toujours partante pour que je sois ton Maître ce soir ?
— Oui, Monsieur !
Il me sourit et accroche une laisse à mon collier avant de m’entraîner. Je garde les yeux baissés, je crains de croiser des connaissances. Je préfère rester dans ma bulle, sans me lancer dans des salutations et des explications.
Il commence par m’offrir un verre, afin de m’expliquer ses attentes. Il ne sera pas question de coups de fouets, de fessées, de pinces… Infliger des souffrances, ce n’est pas trop son truc.
Je dois paraître soulagée, car il enchaîne aussitôt.
— Cela ne veut pas forcément dire que tout sera facile… Thibault m’a bien spécifié qu’il s’agissait d’épreuves de soumission… il m’a indiqué ton safe word aussi, mais n’hésite pas à me faire part de tes ressentis ou réticences au fur et à mesure. Tu aimes bien écrire et lire de la littérature érotique, n’est-ce pas ?
— Oui, Monsieur !
— Je viens de terminer un livre qui m’a beaucoup plu, et beaucoup excité aussi, « Les billets rouges », de Sonia Saint-Germain.
— Oh, c’est une amie, on se connaît bien !
Il hausse un sourcil, je le sens intrigué, mais il ne se laisse pas distraire ; les bavardages, ce n’est pas pour tout de suite !
— Pour commencer, j’aimerais que tu me lises un passage érotique au creux de l’oreille !
Je respire, c’est dans mes cordes.
Enfin, c’est ce que je pensais, jusqu’à ce que je me retrouve à lire des scènes plus excitantes les unes que les autres, en particulier la description d’une fellation profonde… Loïc décide de corser le jeu, il doit me trouver trop placide. Il sort de son sac un mini sextoy.
— Tiens, coince-le entre tes jambes.
Il tient la télécommande dans ses mains et me fait la surprise de varier le rythme, la puissance. Je dois me concentrer pour parvenir à poursuivre ma lecture. Je ne lâche pas prise, je m’accroche au texte, et je parviens à oublier le vibrant objet tant je veux savoir la suite de l’histoire. Finalement, on dirait que c’est Loïc qui se retrouve pris à son propre jeu, vu la façon dont il me regarde.
— Ta lecture m’a fait de l’effet ! On va boire une boisson fraîche pour faire baisser la température ! Va nous chercher trois coupes de champagne au bar !
— Trois coupes, Monsieur ?
— Oui, ma soumise arrive, elle vient de m’envoyer un texto ! Tiens, prends mes tickets boisson.
— Merci Monsieur !
Je reviens vers lui en portant mes trois coupes sur un plateau, un peu vacillante sur le sol inégal. Je serre les dents, attentive à ne pas les faire tomber ; pas simple le métier de serveuse ! Sa soumise est déjà à ses pieds, sa bouche posée sur son pantalon. Loïc me fait signe de m’agenouiller de l’autre côté. Je pose mon plateau sur la table et m’exécute.
— Clarissa, je te présente Amélie, elle est ma soumise depuis près d’un an.
Nous échangeons des sourires ; elle est vraiment ravissante. Nous trinquons et buvons, toujours en nous souriant, et en échangeant quelques mots, des petits compliments sur nos tenues, nos dernières soirées… Loïc nous rappelle à l’ordre, nous devenons turbulentes.
— Vous êtes là pour mon plaisir et vous occuper de moi, pas pour papoter entre copines… J’espère bien que cela vous fait plaisir en retour… vous bavarderez une autre fois, là, j’aimerais un petit spectacle, vous allez danser pour moi, tout en vous effeuillant l’une l’autre. Une danse lascive, sensuelle, avec des effleurements, des caresses, et plus encore, selon vos envies !
J’ai beau aimer danser, je ne me lance qu’en étant entourée d’une foule nombreuse et tout aussi dansante ! Mais la Nuit élastique n’est plus dansante hélas, nous ne serons que toutes les deux. Sauf si nous réussissons à entraîner d’autres personnes dans la danse. Une danse interdite, comme au temps du confinement !
Amélie n’a pas l’air embarrassée, elle affiche un grand sourire et me fait un clin d’œil avant de chuchoter.
— Viens, on va bien s’amuser !
Elle me prend par la main, et entame une sorte de rock qui ne va pas du tout avec la musique techno transe. Nous ne sommes pas du tout dans le rythme, et nous rions toutes les deux, jusqu’à ce qu’elle fasse glisser la fine bretelle de ma robe. Je me retrouve en apnée, j’ai chaud et froid à la fois. Je jette un coup d’œil à Loïc qui me fait un signe d’encouragement. Je décide de ne pas être en reste, je me rapproche d’Amélie, et je descends un peu la fermeture éclair de sa robe. Elle lève les yeux au ciel, je suis trop timide à son goût on dirait, car elle la descend carrément jusqu’en bas. Autour de nous, une troupe de voyeurs se rassemble, maintenus à distance par la cravache de Loïc.
Je reste figée, incapable du moindre mouvement. Amélie se débarrasse de sa robe, et s’affaire à m’enlever la mienne. Elle m’entraîne dans une ronde effrénée, je me dis que l’on tourne tellement vite que personne ne doit voir que nous sommes en lingerie ! Pas de photographe cette fois à la Nuit élastique, ça m’arrange, j’avoue ! Je demanderai à Loïc de raconter à Thibault s’il souhaite « une preuve ».
Bientôt j’oublie tout, Thibault, Loïc, la terre entière. Le temps s’arrête, nous bougeons à peine. Amélie se rapproche de moi, et ses lèvres se posent en douceur sur les miennes. Autour de nous, le cercle de voyeur se resserre.
***
La Nuit élastique, c’est tous les deuxièmes samedis du mois, au Next :
Site
Facebook
Instagram
Photo : Jean-Pierre Viguié