Humiliations en série

Je complète ma série sur les pratiques bdsm avec un jeu troublant, délectable, mais délicat à manier : l’humiliation, et son double maudit, la dégradation. L’humiliation étant plutôt cérébrale (propos désobligeants, rabaissant, moqueries, ordres reçus, postures à adopter, services à rendre…), la dégradation concernant des pratiques autour de l’avilissement.
Plutôt pour des complices se connaissant bien, afin de ne pas blesser sans le vouloir, mais aussi entre inconnus amateurs du genre, avec des bases du jeu posées dès le départ : la séance a un début clair et une fin claire, la personne humiliée pose ses limites — celle qui domine aussi d’ailleurs — et à la fin, l’after care et le debriefing s’imposent pour dissiper tout éventuel malentendu et se réconforter après tant de délicieuses souffrances et petites blessures d’âme reçues et infligées.
Mais je ne suis pas une spécialiste, bien s’informer.

Une fois toutes les précautions prises, les consentements vérifiés, etc, c’est une source de jeux sans fin, tout à fait jouissifs ! Endosser un rôle, dépasser les bornes, exagérer, malmener, briser des tabous, se déconditionner de l’apprentissage de la politesse, faire un doigt d’honneur aux enseignements laborieux de l’enfance… ce plaisir trouble de saccager ce qui est beau et que l’on aime, cette souffrance aussi (une « fausse » souffrance puisque l’on sait que c’est du jeu, mais dans son corps, les ressentis sont bien réels), piétiner et salir la beauté comme une sale gosse… (pour la dominatrice). Lâcher prise, se vautrer dans sa fange, abandonner son égo… (pour le soumis).

« L’amour propre ne le reste jamais très longtemps » (BD de Martin Veyron)

Et parce qu’une histoire vaut mieux qu’un long discours 😉 (j’aimerais mieux savoir dessiner), voici une petite séance illustrative : une dominatrice retrouve son soumis, elle l’a prévenu, ce soir ce sera protocolaire et humiliant ! Oubliés leur complicité affectueuse, le ronron et le train train habituel…

***

— À partir de maintenant, tu me vouvoies et tu m’appelles madame.
— D’accord !
— D’accord qui ? Attention, dernier avertissement.
— D’accord madame
— Tu devras m’obéir en tous points, t’oublier, renoncer à ton ego de mâle dominant, tu ne seras plus rien, si ce n’est mon soumis à mon service, esclave sexuel, souffre-douleur, créature de chair et de sang destinée à souffrir, subissant humiliations et dégradations… y consens-tu ?
— Oui madame
— As-tu des limites ?
— Non, aucune madame
— Pfff, encore un fanfaron qui joue les fiers ! Je vais te rabattre ton caquet tu verras… Tu te souviens de ton safeword au moins ?
— Oui madame
— Bon, à partir de maintenant, lui seul te tirera d’affaire. Tu pourras supplier, gémir, crier, je serai intransigeante, et tes plaintes ne feront que m’exciter d’avantage, c’est bien compris ?
— Oui madame.
— Baise-moi la main pour sceller notre entente ! Mieux que cela enfin… je vais te gifler ! Et baise moi les pieds aussi… mets-y un peu plus d’entrain, voyons, j’ai fait l’effort de porter des talons-aiguilles, d’en souffrir, alors un peu de reconnaissance, que diable. Je vais te motiver tu vas voir, où est ma cravache, va me la chercher !
— La voici madame
— Tiens, prends ça ! Encore ! Je ne te sens pas avec moi, là… tu penses à quoi ? aux impôts ? Tu vas te concentrer un peu sur moi, ta déesse, ta maîtresse, et sur ton derrière aussi, je vais le cuire à point. Remues-le comme une femelle en chaleur, ça m’excite, je vais redoubler d’efforts pour m’en occuper comme il le mérite !
— Aïe, aïe, aaaaahhh !!
— Que raffut ! Je te mettrai un bâillon quand j’en aurai assez de t’entendre. Tu préfères les coups de pieds peut-être ? J’ai bien fait de mettre mes talons hauts, lèche les bien, vénère mes pieds un peu ! Tiens, je vais les enfoncer dans ton ventre… et arrête un peu de couiner, ça ne fait que m’affoler davantage ! Un peu de tenue, de dignité… de souffrance silencieuse pour mes beaux yeux….
— oui.. maaa.. daaame… aaahhh
— Tu as la belle vie, à faire l’étoile de mer, pendant que je me tue à l’ouvrage… martinet, cravache, fouet, je me dépense sans compter… et tu bandes en plus ! Je vais te fouetter le sexe directement pour t’apprendre les bonnes manières. D’ailleurs, tu aurais pu m’offrir un verre quand même quand je suis arrivée, le minimum quand on reçoit une invitée, et de surcroît sa maîtresse… Tu as du champagne au moins ?
— Non madame, vous ne m’aviez pas demandé d’en prévoir… J’ai du coca, du jeu de pomme, du…
— De l’eau, ça ira… Il faut vraiment tout te dire ! Aucune initiative… je n’ai pas que ça à faire dans la vie, m’occuper de toi.
— Voici madame
— Et maintenant, remue ton cul mignon tout rouge pour m’offrir un petit spectacle… Mouais, c’est un peu raide tout ça, ça manque de souplesse, tu es tout pataud, c’est trop drôle… je ne veux plus voir ça, c’est pathétique…
— Pardon madame
— Allonge toi devant moi, tu me serviras de reposes-pieds, pendant que je déguste cette boisson des dieux… Pouah, elle est glacée ton eau, elle sort de ton congélo ou quoi ! Je vais t’asperger, tu vas voir un peu, ce que ça fait, sur ta peau brûlante ! Hop !
— Aahhhh aahhhh…
— Mais arrête donc de gigoter et de brailler… Ah, j’ai une idée ! Je vais boire directement sur ta peau pour réchauffer cette eau froide. Mmmm, toute cette eau qui glisse vers ton nombril, cette petite coupe de chair… qu’est-ce que tu as à tressauter comme ça, tu en mets partout, gros dégoûtant !
— ça chatouille madame..
— Je vais t’en donner moi des chatouilles, mais d’un autre genre ! Et à force de laper des gouttelettes aromatisées à ton parfum, ça me donne envie de te mordre, trop appétissant tes petites rondeurs ! Miam ! Mais tu vas arrêter de bouger à la fin, qu’est-ce que tu es douillet ! Est-ce que je peux faire ce que je veux oui ou non ?
— Oui madame
— Bon, tu ne me laisses pas le choix, je vais t’attacher.
— D’accord madame !
— Tu as l’air trop content, tu m’énerves ! Espèce de soumis manipulateur… Je vais t’attacher bien serré, ça ne sera pas une partie de plaisir, crois-moi… les pieds d’abord, la barre d’écartèlement, les bras ensuite, en prière, mais ça ne te servira à rien de prier ton dieu… et un cockring pour couronner le tout, la petite touche sexy ! Voilà, à ma merci enfin, entravé et enchaîné de partout ! Je vais te croquer, te mordre au sang, aspirer ta vie, ton sang, te pincer fort, surtout sur les endroits sensibles, te marquer pour toujours… sans que tu puisses bouger la moindre oreille ! Et si tu as prévu d’aller à la piscine demain, tu te débrouilleras, tu diras que tu as fait du jardinage, du combat à mains nues…
— Ce n’est pas prévu madame, vous pouvez vous faire plaisir !
— Très bien…. je sens que je me transforme en succube, ça fourmille de partout, ça m’électrise… gare à toi ! Je vais te lacérer, te rouer de coups, t’arracher la peau, les yeux, te pincer, te griffer, te maltraiter, te manger tout cru, te cracher à la figure, te gifler à toute volée, que sais-je ! C’est parti !
— Merci madame, encore… vous pouvez vous lâcher, n’hésitez pas, plus fort…
— Quoi, ça réclame en plus ? Et ça me donne des conseils ? Non mais je rêve, quelle culot ! Tu vas te taire à la fin ? Je ne veux que des plaintes et des gémissements, ça m’excite, mais attention, pas de cinéma !
— Oui, madame, j’ai bien compris, je sera sage, docile, je suis tout à vous, vous êtes si belle, voluptueuse, si….
— Tais-toi, tu causes trop, je déteste le blabla de soumis débité à la chaîne ! Tous les mêmes… Je vais plaquer ma main sur ta bouche, tu vas arrêter de me manipuler et m’embrouiller… et je vais boucher ton nez aussi tiens, trop tentant.
— Mmffff Mfffffm mmmm
— Tes petits soubresauts me propulsent au 7e ciel ! Je pourrais t’empêcher de respirer longtemps, jusqu’à la limite…. mais suis gentille, et je ne veux pas casser mon jouet !
Grande inspiration, suivie d’une respiration haletante
— Et ton souffle de vie aussi, ce premier souffle… la renaissance après la noyade… Je ne sais pas ce que je préfère, t’étouffer, te priver d’air, ou te sauver. Je vais recommencer…
— Mmmmmmmmffffff…
— Comment ? Je ne comprends rien ! Tu me fatigues, je sue sang et eau pour toi, et toi tu fais rien, complètement inerte… paresseux va. Tiens, je vais m’allonger sur toi, de tout mon poids, et grignoter ton cou, tes oreilles… l’appétit vient en mangeant dit-on, je sens que je ne vais pas tarder à te croquer l’oreille à pleines dents !

Mais à force de lécher, mordre, griffer, humer, dévorer… ce qui devait arriver arriva, le désir de dominer, humilier, céda devant le désir de lui, fort, dévastateur. Un désir qui envahit ses pensées, son corps, au point d’obscurcir tout le reste. Elle rêvait de s’abattre sur son corps souffrant, lécher ses plaies, le sucer doucement, l’accabler de caresses, de déclarations et de baisers, l’aimer à la folie après l’avoir maltraité… Mais ils étaient en pleine séance, ce n’était pas le moment. Il n’y avait plus qu’une chose à faire : le prendre « de force », sans ménagement ! Elle hésita à le pénétrer de sa main en introduction, mais ce serait trop long, elle le voulait tout de suite, maintenant. Elle lui donna des petites tapes dans les couilles pour le motiver, se retenant de le cogner fort pour préserver son sextoy de chair et de sang, tapota sa verge, avant de l’empoigner franchement pour lui enfiler un préservatif. Il bandait dur, elle devait reconnaître qu’il ne lui faisait jamais défaut de ce côté là ! Elle s’empala sur ce sexe qui visiblement ne demandait que ça, et le chevaucha comme une furie. Elle lui imposait le rythme, les changements de position, lui interdisant formellement de jouir sous peine de lui arracher les yeux. Elle, elle n’allait pas s’en priver en revanche ! Elle se retira de lui d’un coup, lui arrachant un gémissement de frustration et s’assit lourdement sur son visage, l’étouffant à nouveau dans son intimité humide qui palpitait sous sa langue chercheuse. Elle prit tout son temps pour profiter de la montée de son orgasme avant de hurler son plaisir. Sa jouissance coïncida avec les tressaillements du soumis, signifiant qu’il était à bout de souffle. Il était temps de l’autoriser à respirer ; quelle petite nature alors !

Ils reprenaient leur souffle sur le sol, et leurs esprits. La dominatrice ne voulait pas rester une seconde de plus ; comment parler de la pluie et du beau temps après l’intensité de ce qu’ils venaient de vivre ? Comment retomber dans la mièvrerie la plus guimauve avec de l’after care décalé ? Elle se contenta de murmurer à son oreille « ça va ?» , histoire de vérifier qu’il n’était pas trop secoué quand même. Il opina, ouvrit les yeux, et les plongea dans les siens. La dominatrice fondit ; les regards et les sourires qu’ils échangèrent valaient des heures d’after care !
Elle se releva, s’ébroua, ramassa ses vêtements éparpillés partout, et le laissa pantelant sur le sol, au milieu des accessoires bdsm en désordre.
— Merci madame !
Elle s’en fut après un pinçon et une dernière taloche sur sa joue, et claqua la porte avec enthousiasme ; qu’il n’oublie pas qu’elle restait sa maîtresse ! Une dernière effronterie, un pied de nez, comme un écho de leur séance… Ce n’était pas bien, elle le savait, la séance était terminée. Mais faire fi de sa bonne éducation avait tant de charmes, elle n’était pas prête de redescendre de son nuage, quitter ce monde qu’ils s’étaient créés à deux, cette bulle de plaisir avec ses propres règles, bien éloignées de celles de la société coincée.
Elle voulait jouer encore, c’était passé trop vite ! Elle s’empara de son téléphone, et lui écrivit. S’il pensait se reposer, il se trompait lourdement ; le jeu se poursuivrait, à distance, les idées se bousculaient déjà dans sa tête.
Son téléphone tinta joyeusement, annonçant un texto. Visiblement, il voulait jouer lui aussi.
— Madame, j’attends vos instructions, je me plierai à tous vos souhaits.

***

J’arrête là mes divagations, car je suis en train de digresser vers une autre pratique, la domination virtuelle. J’ai moins d’atomes crochus pour la domination à distance, mais en ces temps de vacances, elle peut permettre de patienter jusqu’à la rentrée.

Photo prise sur un media du net, créditée ou retirée sur simple demande

8 commentaires

  1. Mick_lars a écrit :

    Madame Clarissa,

    Pas forcément adepte de l’humiliation mais l’idée d’être fouetté avec les instruments y compris sur le sexe pour avoir osé bande…. puis d’être « utilisé  » comme gode vivant…

    Ce que j’aime chez vous, c’est le contraste entre votre visage d’ange et l’élégante perversion que vous livrez dans vos textes.

  2. Sylvain a écrit :

    C’est toujours extraordinaire de vous lire très chère. Toujours étonnant en vous lisant de revivre des expériences passées qui ont marquées mes expériences de soumis, comme si vous saisissiez l’indéfinissable des jeux BDSM. Rien de plus fantastique c’est clair! Merci et aux grands plaisirs de vous relire…!!!

  3. BAZATTE a écrit :

    Bonsoir Clarisse
    J’ai beaucoup aimé votre façon d’écrire ce scénario en dialogue, sans en donner l’ambiance, on en ressent d’autant plus l’esprit, le désirs de la dominatrice & du soumis. Bien joli texte.

    1. a écrit :

      Merci beaucoup Bazatte ! Oui, je voulais écrire un texte constitué uniquement d’un dialogue… l’exercice n’est pas si facile ! On se prive de faire descriptions, d’évoquer les pensées des protagonistes…
      PS : c’est Clarissa ! 🙂

  4. Pietro a écrit :

    Bonjour Clarissa,

    Je découvre votre blog avec intérêt et j’espère, rapidement avec plaisir.

    Le vouvoiement entre deux amants apporte beaucoup de piquants !

    1. a écrit :

      Merci Pietro ! J’aime beaucoup le vouvoiement, il donne tout de suite le ton, crée une ambiance, une distance, une infériorisation…. (pour jouer ^^)

  5. Garnier a écrit :

    Merci pour ce magnifique texte qui vient de me réveiller d’une anesthesie sensorielle et physique .Que c’est bon de ressentir a nouveau le désir sortir d’un gouffre sans fond.

    1. a écrit :

      Merci beaucoup pour ce retour qui me touche et me fait plaisir ! Je suis ravie si j’ai réveillé quelque chose en vous ! Approndir de ce côté-là alors… 🙂

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