Chaque matin je le déguste, ce nectar des dieux, ce met délicieux, je suis impatiente d’y goûter, de laisser exploser les saveurs douces amères sur ma langue, une substance suave qui m’enflamme et me fait perdre toute retenue, je plonge, je deviens vorace, m’emplis, fébrilement, sans retenir mes soupirs de jouissance. J’ai les mains poisseuses, mes lèvres collent, j’y retourne encore et encore, me barbouillant la bouche, les joues dans mon impatience.
Soudain, un son inquiétant, sinistre, le tintement de ma cuiller en métal au fond du pot en verre. C’est bientôt la fin, la fin de ma confiture d’oranges bien aimée qui m’accompagne tous les matins, transforme mes réveils comateux en une fête des sens. Une marmelade concoctée par le plus viril des chevaliers, qui sait ceindre ses reins d’un tablier pour me combler de douceurs.
Je lèche toujours la cuiller, à la recherche de l’ultime goutte d’orange, un peu mélancolique. C’est fini, je n’ai plus que mes souvenirs.
Un espoir à l’horizon cependant, l’homme se lève enfin, tout chaud de la nuit, il me propose d’autres gourmandises : ses joues râpeuses, son cou, son torse musclé, son ventre, de nouvelles odeurs, saveurs, d’une amertume encore plus enivrante…
Photo prise sur le net