J’ai pris quelques notes pendant la conférence de Françoise Simpère lors du salon de la littérature érotique 2017, j’ai envie de vous les livrer ici, même décousues, tant il y a matière à réflexion. Sa présentation m’a passionnée !
Françoise Simpère est journaliste et auteur, elle a écrit en particulier Le guide des amours plurielles.
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Le sexe sans enjeu est un jeu délicieux
(quel un joli titre de conférence !)
Trop d’enjeux perturbent notre rapport au sexe :
Nous devons gérer trois blessures narcissiques qui entravent notre sexualité :
– La blessure copernicienne : la terre n’est pas le centre du monde, on n’est pas unique. De là naît la jalousie,
– La blessure darwinienne : avant, on se situait au-dessus des animaux. Maintenant, nous savons que nous sommes des mammifères, avec des pulsions animales. Dans l’acte sexuel nous utilisons tous nos sens à la fois, mais nous avons du mal à accepter notre côté animal.
– L’homme veut maîtriser sa destinée, mais il est mené par son inconscient, sa libido, nous dit Freud.
Le sexe est assimilé à quelque chose de sulfureux. La sexualité a toujours été diabolisée, en particulier la sexualité gratuite. C’est encore le cas aujourd’hui. Quand on parle de sexe dans les média, c’est surtout pour parler des problèmes : harcèlement, viol, MST, pornographie… Les média en font quelque chose de laid. Le sexe est pourtant surtout un mode de rencontre très agréable provoqué par le désir, pourquoi l’oublier.
Le sexe est souvent un enjeu de pouvoir. Les hommes profitent de leur position hiérarchique pour se passer parfois du consentement.
Le sexe est aussi un enjeu d’argent, avec la prostitution, les clubs libertins coûteux… alors qu’il devrait être gratuit.
L’amour est un enjeu dans le sexe. Certains pensent qu’on doit être amoureux pour faire l’amour. En fait, c’est souvent le contraire qui arrive, on s’attache car on fait l’amour. C’est quelque chose de si intime de partager du désir, du plaisir.
Faire l’amour par obligation, comme dans le mariage, gâche le couple. Le mariage n’est pas le lieu de la sexualité débridée. Souvent, au début du mariage, le sexe est intense, puis il diminue peu à peu, ce qui permet au couple de faire des projets et de construire.
Pour que le sexe soit délicieux, il faut retrouver le désir.
Pour désirer, il faut aller vers l’autre, s’intéresser à l’autre, à ses mots, sa peau. S’intéresser à ce qu’il est, non à ce qu’il a, et montrer l’intérêt qu’on lui porte. Le désir se crée sur de petites choses à cultiver dans la vie quotidienne. Il nous faut apprendre à cultiver une possibilité de désir permanent au fond de soi, qui peut se transformer en un désir volontaire sur un détail qui nous parle : ses mains, sa voix… On se sent troublé, puis vient le désir. A noter que l’homme confond souvent excitation, érection, avec le désir.
Il ne faut plus être narcissique, ne pas se poser de questions sur ce que l’autre va penser si on fait ci ou ça, ni de questions sur soi, sa façon d’être…. Les femmes devraient aller plus souvent vers les hommes. Mais parfois on leur fait peur, même si on ne leur propose qu’un café. Il faut accepter ses désirs, les exprimer, réaliser ses fantasmes, mener une sexualité non coupable sans se soucier de ce que les autres vont penser. Car le désir est un jeu délicieux.
La jalousie vient du manque de sécurité. On se compare aux autres femmes par exemple, et on a peur d’être quittée, alors qu’on est incomparable. Il faut savoir être heureux.se seul.e pour ne pas être jaloux.se, pour ne pas empêcher l’autre de vivre des moments heureux. Ce qui ne veut pas dire une transparence totale : se vanter de ses conquêtes, pour montrer ce qu’on réussit et prendre le pouvoir, n’est pas une bonne idée. Il faut rester pudique, ne pas mentir, mais ne pas raconter tous les détails, afin de ne pas blesser, rester délicat. Se souvenir des excès des communautés des années 70’s.
Se taire quand quelque chose nous déplait ou nous blesse est par contre une erreur. Même si on aime l’autre et qu’on le veut heureux, il faut toujours lui dire quand ça nous fait de la peine. On n’a pas l’obligation de tout supporter, même quand on aime.
Le désir est différent selon chacun de nous. Parfois on aimera une seule personne toute sa vie, parfois on a besoin d’aimer plusieurs personnes, à la fois ou successivement.
Le désir peut être fluctuant selon les périodes, il y a des phases de rivière à sec, des phases de torrents. Ne pas oublier qu’il n’y a pas que la sexualité dans une relation. Quand il n’y a plus de désir dans le couple, on fait autre chose, le désir reviendra.
Rester en dehors des modes. Le problème du libertinage c’est qu’il s’agit d’une mode, d’une tendance actuelle, que l’on trouve dans les magazines. La sexualité c’est personnel, intemporel, en dehors des modes. Ne faire que ce dont on a envie. De même le BDSM est devenu très tendance, mais ces jeux ne sont en rien obligatoire pour mener une sexualité épanouie. Il ne faut jamais se forcer, il faut en avoir envie. En amour seul compte le désir.
La réponse de Françoise Simpère :
Je viens de lire votre retranscription, que je trouve fidèle à ce que j’ai dit. Juste un détail: lorsque vous écrivez « il faut » (faire ceci, éviter cela), ce n’est pas dans mon esprit une injonction, encore moins un ordre ou une recette, il s’agit plutôt d’énumérer les éléments du « travail sur soi » indispensables pour renouer avec un désir épanoui et serein dans une société qui ne valorise pas le sexe même si elle en parle beaucoup. Mis au passé, cela se dirait : il m’a fallu (apprivoiser la solitude, découvrir mes vrais désirs, prendre confiance en moi). Mais surtout, à chacun(e) de faire les choses à son rythme !
A propos des excès des années 70: la liberté sexuelle décrétée se transformait parfois en « obligation sexuelle » ce qui fait qu’une fille qui n’avait pas envie se faisait apostropher « ben dis donc, tu n’es pas libérée! », et j’ai passé des plombes à expliquer aux mecs que libérée signifiait également libre… de dire « non ». En revanche, pas besoin d’école pour apprendre à aller vers les hommes, le « travail sur soi » essentiel consiste à ne plus en avoir peur, et à se libérer du regard des autres. Ensuite, il devient tout simple d’aborder un homme en lui disant « ça vous dit de prendre un café? » ou même » Vous m’attirez… » A un homme qui me disait « mais c’est trop facile, quel plaisir reste-t-il s’il n’y a pas la conquête, la victoire, bref le plaisir de la chasse? » (il nous prenait pour du gibier) j’ai répondu » Le plaisir d’être consacré « amant », mon cher, car ce que tu appelles « conclure » n’est en fait que… l’introduction. » (j’adore aussi l’ambiguïté )
Photo : Daniel Nguyen
2 commentaires
J’ai vraiment beaucoup aimé ses propos, et mon billet ne retranscrit pas son sourire, sa bienveillance… j’ai souri sur les rivières à sec… je me sens plutôt long fleuve tranquille
j’ai beaucoup aimé la réponse de Madame Simpère. Je suis totalement en accord avec ses propos.
…il y a des phases de Rivière à sec…oups ça doit être frustrant!