Feu de joie

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Je reviens de Guédelon férue de castellologie (étude des châteaux forts – toujours sympa de découvrir un nouveau mot ), j’ai appris l’usage de l’archipendule et de la pige, le fonctionnement d’un moulin, la façon de forger un clou et de tailler une pierre (vingt minutes pour les plus simples, jusqu’à trois semaines si l’on y sculpte des feuillages). J’ai regardé longuement un charpentier musclé jouer de la hache pour équarrir une poutre (il en faut 220 pour la charpente de la tour en cours) ; il sentait bon le chêne frais !
Tous les corps de métiers étaient réunis, vanniers, potiers, maçons, forgerons… des compagnons, des apprentis, tous passionnés, à l’enthousiasme communicatif ! Il ne manquait que le seigneur et sa dame, pour nous conter leur vie de fêtes, de banquets, et nous confier quelques secrets d’alcôve… du coup, à la boutique de souvenirs, retour aux fondamentaux à des fins de documentation

 

***

    Les deux amies arpentaient le site depuis des heures, s’arrêtant à tous les stands pour écouter les maçons, les tailleurs de pierre, les charpentiers, présenter leur métier et les techniques d’antan. Qu’ils soient là depuis trois jours ou des années, ils se montraient tous passionnés par le projet : construire un château fort avec les moyens de l’époque. Lydia s’intéressait, conquise par leur éloquence et leur sourire ; elle apprenait une foule de choses, depuis la géométrie avec des instruments de mesure disparus, jusqu’à l’équarrissage d’une poutre menée de main de maître par un charpentier musclé.
Carine commençait à fatiguer, elle avait vraiment besoin d’une pause.
— On va prendre un café ?
Lydia fit la moue.
— Vas-y toi, je voudrais aller voir le forgeron, on ne l’a pas écouté encore, et je te rejoins après, d’accord ?
— ça marche, tu me raconteras, moi je ne peux plus faire un pas de plus ! J’aurais pas dû mettre ces chaussures aussi…
Lydia lui fit un petit signe de la main et se dirigea vers la forge. Son attention fut attirée par de la musique au-delà des stands, dans la forêt toute proche. Elle s’approcha, guidée par cette musique entraînante qui lui donnait déjà envie de danser, et découvrit toute une troupe de troubadours jouant de la flûte, du luth, et d’autres instruments qu’elle ne connaissait pas. Une fête médiévale était reconstituée, quelle chance ! Elle ne l’avait pas remarquée avant, c’était étrange… la fête venait sans doute de commencer.
Une farandole endiablée évoluait autour d’un grand feu de joie qui flambait gaiement au milieu d’une clairière. Lydia s’étonna un instant de ce feu en plein été, avec les risques d’incendie, avant de se dire que toutes les précautions avaient dû être prises. Elle s’approcha encore, attirée par les crépitements du feu et la danse. On posa une couronne de fleurs sur sa tête et on la poussa gentiment en avant. Elle s’élança au milieu des danseuses, regrettant de ne pas porter une jolie robe longue médiévale elle aussi. Une jeune fille prit sa main et l’entraîna dans la ronde. La musique accélérait encore, Lydia dansait avec ses compagnes jusqu’à en perdre le souffle. Elles tournaient de plus en plus vite, Lydia avait l’impression de s’envoler !
La farandole se disloqua quand le rythme devint intenable ; les jeunes filles se dispersèrent, elles rejoignirent leurs fiancés, tandis que les musiciens se reposaient en jouant des mélodies courtoises.
Lydia s’affala dans l’herbe, épuisée. Un jeune homme se présenta devant elle, il s’inclina, beau comme un faune avec son torse nu et ses fleurs dans les cheveux.
— Voulez-vous danser, ma mie ?
Lydia acquiesça, même si plus personne ne dansait. Mais il avait une conception de la danse bien à lui, il la souleva dans ses bras et l’emmena à l’écart. Lydia s’inquiéta un instant, mais tout le monde avait l’air de trouver ça normal, personne ne la fixait, ni ne la pointait du doigt. D’ailleurs, tout autour du feu, d’autres couples s’allongeaient, les hommes dégrafaient les corsages de leurs amies, dégageant leurs seins ; certaines les chevauchaient carrément, ils se roulaient dans l’herbe…
Lydia détourna les yeux et se concentra sur son inconnu, l’un des troubadours peut-être ?  Il la dévorait des yeux d’un air gourmand, il promena un doigt sur sa joue, descendit le long de son cou, jusqu’à son corsage, qu’il s’affaira à déboutonner. Il y plongea ses mains pour caresser ses seins ; Lydia gémissait, troublée. Elle jeta un dernier regard autour d’elle. La fête battait son plein, des couples s’embrassaient, faisaient l’amour de toutes les façons, parfois à plusieurs… Des plaintes et des cris montaient de toutes parts ponctués de craquements du bois en train de se consumer ; les corps se mouvaient, dorés par la lumière du feu, mêlant leurs effluves aux délicieuses odeurs de bois brûlé. Lydia eut chaud tout à coup, le désir l’embrasa, elle écarta ses jambes pour accueillir son troubadour et se joindre à la fête. Il s’y coula, l’embrassant toujours, sur les lèvres, dans le cou, sur les seins… Lydia s’abandonna, elle ne pensait plus, elle le voulait planté en elle et s’ouvrit davantage. Il la troussa — c’était facile, avec sa robe d’été toute simple, l’avantage finalement par rapport à une lourde robe du moyen-âge pleine de jupons ! Elle sentait ses mains remonter le long de ses jambes, écarter sa culotte. Enfin il fut sur elle, il la pénétra doucement, agrippé à ses seins…

   Le feu s’éteignait peu à peu, les couples disparurent dans la nuit. Lydia ouvrit les yeux, elle était seule. Elle s’étira et sourit, avant de s’alarmer ; Carine devait s’inquiéter ! Combien de temps avait-elle dansé, et… Elle se dépêcha de la rejoindre au café.
— Excuse-moi, tu as dû m’attendre longtemps !
— Mais non, pas du tout, t’inquiète, je viens de m’assoir, regarde, je n’ai pas fini mon café ! Tu en veux ? Tu es toute pâle… C’est le forgeron qui t’a mise dans cet état ?
Lydia s’était déjà levée, elle courrait vers la forge, fouillant les environs du regard, affolée, à la recherche des traces de la fête. Elle questionna le forgeron : une fête avait bien eu lieu tout à l’heure, non loin derrière son stand, il avait dû entendre la musique, sentir le feu de joie ? Il marqua un temps, oubliant de frapper son clou rougi.
— Vous lisez dans mes pensées ! Une fête médiévale, c’est prévu, oui, on en parle entre nous, mais c’est encore un secret ! Ce ne sera pas avant l’année prochaine ; cette année, l’épidémie aurait un peu gâché la fête… Par contre, ne rêvez pas, nous n’aurons pas l’autorisation d’allumer des feux, j’en mettrais ma main à couper, mais il y a aura de la musique, et des danses, ça oui ! Nous avons déjà contacté des associations… une fête païenne, comme il en existait encore, je l’imagine déjà…
Lydia ne l’écoutait plus ; elle s’était sûrement endormie, elle avait rêvé… tout semblait si réel pourtant…
Elle revint auprès de Carine, toujours attablée devant un café fumant.
— Tiens, je l’ai pris pour toi celui-là, pour te requinquer ! Oh c’est joli ce que tu as dans tes cheveux, ces fleurs… attends, je te les enlève…
Lydia contempla sa couronne de fleurs, incrédule, avant de la glisser dans son sac.
Elle avait l’air si mélancolique soudain, Carine décida de la taquiner.
— Alors, ça se passe comment avec le forgeron, ça progresse ? J’ai bien vu ton empressement à vouloir le retrouver !
Lydia ne releva pas, le souvenir de la fête flambait dans ses pensées. Elle saisit vivement la main de son amie.
— On retourne à Guédelon l’année prochaine ? A la même époque, si possible ? Il paraît qu’il y aura une fête…
— Tout ce que tu veux ma chérie, mais moi j’attendrais pas un an à ta place, avec toutes ces touristes qui défilent devant lui… mieux vaut retourner tout de suite à son stand à mon avis, en plus, j’ai pas entendu son speech !
Carine se leva, elle tira sur son tee-shirt, rajusta son chapeau et chaussa ses lunettes de soleil, curieuse de voir l’animal qui mettait son amie dans tous ses états. Elle tira Lydia par le bras, toujours absorbée dans la contemplation de sa tasse de café.
— Allez viens, la belle au bois dormant, c’est pas le moment de dormir cent ans ! Et remets ta couronne de fleurs, elle t’allait très bien, il ne verra que toi !

   Cette fête ne s’appuie sur aucune réalité historique, seulement sur mes fantasmes du moment 😉

    Tableau : La danse des nymphes, de Hanz Zatzka

Album souvenirs de Guédelon

Une touriste anonyme et quelques métiers : le charpentier, le tailleur de pierres, le forgeron, la vannière…
et accessoires : le pilori, la cage à écureuil, les couleurs
    (j’en ai encore une centaine en réserve, il a fallu faire des choix ^^)
(photos retirées sur simple demande)
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4 commentaires

  1. Clarissa a écrit :

    Merci cher matou !

    1. Clarissa a écrit :

      Je vais leur écrire pour leur suggérer l’idée ! J’aurais bien voulu voir ce spectacle… j’ai visité le château de St Fargeau, avec sa magnifique charpente et ses chauves-souris qui habitent les boiseries… je l’ai beaucoup aimé aussi !

  2. Michel a écrit :

    Le chantier du château est impressionnant. Toujours différent car il évolue tous les jours.
    S’il y a une fête médiévale, je veux bien que vous m’y entraîniez.
    À la suite du chantier, nous avons vu le spectacle de St Fargeaux.
    C’était également magnifique.
    Bises à vous.
    Michel

  3. Le Matou Liberti a écrit :

    Belle histoire et très jolies photos ! Bravo !

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