Enfer et damnation – Chap.11 Le chemin de croix

bougie
   Valentin a enfin avoué le péché l’ayant conduit tout droit en enfer. La punition concoctée par Luciférine sera à la hauteur du sacrilège commis :

  Chapitre 11 – Le chemin de croix (Crimson et Clarissa)

  Luciférine respirait, victorieuse. Enfin elle l’avait brisé, il avait avoué ! Et quel péché… magistral ! Elle était fière de lui et allait lui offrir une punition dont il se souviendrait toute sa non-vie et qui ferait date dans les annales de l’enfer. Une bonne séance de torture médiévale à l’ancienne ! Luxious désapprouverait, mais elle s’en souciait comme de son premier pêcheur.  Les traditions avaient du bon, et Luciférine se faisait forte de les remettre à l’honneur, même si ce n’était plus trop au goût du jour, depuis que l’enfer se piquait de modernité.

  Elle s’approcha de la cellule de Valentin et tira sur un cordon tressé de velours pourpre. Immédiatement, les cloches de l’enfer commencèrent à sonner, un son lugubre prévenant tout le monde d’un événement exceptionnel, tel qu’il ne s’en était pas produit depuis des décennies.
  Luciférine aperçut le regard terrorisé de Valentin et s’en amusa :
  — Réjouis-toi, tu vas servir d’exemple aux autres pêcheurs. Jusqu’ici, tu souffrais en privé, cette fois, tout le monde va pouvoir en profiter.
   Elle le saisit à la gorge et le traîna jusqu’à la grande pièce où ils s’étaient rencontrés, ignorant ses vaines tentatives d’excuse. Il n’était plus là pour avouer, mais pour subir son courroux.
   Âmes déchues, démons mineurs, intermédiaires et majeurs, accoururent et formèrent un grand cercle autour de Luciférine et son pécheur.
  — Mes amis, je vais vous offrir un spectacle que l’on n’a plus vu depuis de nombreuses années ! L’enfer n’est-il pas censé être un lieu de tourments ? Aujourd’hui, nous allons faire honneur à cet endroit, en meurtrissant ce misérable tas de chair comme il le mérite, proclama-t-elle en désignant Valentin.
  Il s’agrippait à sa jambe, les yeux implorants.
  — Pitié, je suis désolé, je me repens, je vous le promets, je peux vous avouer d’autres trucs si vous voulez !
  — Il n’est plus temps d’avouer, Valentin. Maintenant, je veux juste te faire souffrir, te punir des péchés confessés et te punir aussi de tes cachotteries du début. Tu en as mis du temps avant de tout m’avouer, espèce d’ingrat !
  Des sous-fifres s’affairaient depuis le tintement des cloches, ils arrivèrent les bras chargés d’accessoires.
  — Ah, très bien, juste à temps, fit la démone en s’emparant avec enthousiasme d’une bobine de fil de fer barbelé.
  Elle fabriqua une couronne à l’aide de plusieurs tours de fil de fer barbelé, la chauffa de ses mains, et l’enfonça sur le crâne de Valentin, en prenant bien soin d’appuyer un peu. Elle adorait les mises en scène iconoclastes !
  Les acclamations du public couvraient les plaintes du libertin, mais Luciférine les entendit et sentit la moutarde lui monter au nez.
  — Quoi, tu chouines déjà ? Tu n’as encore rien vu ! J’espère que tu vas me faire honneur ! C’est rien, là, deux ou trois piqûres, à peine.
  Le saisissant à nouveau à la gorge, elle l’amena devant deux énormes poutres qu’une âme damnée avait apportées.
  — Porte-les sur ton dos ! ordonna-t-elle.
  Elles semblaient peser une tonne, mais Valentin s’exécuta, pour les beaux yeux enflammés de sa tortionnaire, galvanisé par la foule démoniaque.
  — Tu vois ce précipice là-bas ? C’est notre destination, lui dit-elle, en indiquant un abîme fumant. Le fin fond de l’enfer !
  On le rejoignait en empruntant un interminable chemin en lacets. Luciférine s’y engagea, traînant vivement Valentin à sa suite. Derrière eux, les démons leur emboîtèrent le pas. L’air était chargé d’électricité. Soudain, Valentin se cabra et cria, un coup de fouet venait de s’abattre sur son dos. L’un des démons avait décidé de le tourmenter à son tour, sous les acclamations de ses congénères. Il fut bientôt rejoint par d’autres, chacun y allant gaiement, de sa fourche, de son fouet, ou de ses martinets.
  Cela dura tout le voyage jusqu’au précipice. Valentin endura l’épreuve, ragaillardi par Luciférine qui lui souriait cruellement à l’occasion. Il se comportait bien, elle était satisfaite de lui ! S’il avait couiné ou pleurniché, elle l’aurait mis en pièces !
  Valentin décida de pousser son avantage.
  — Je voudrais boire, s’il vous plaît, Madame…
  La chaleur, déjà intense en temps normal, ne faisait que s’accroître au fur et à mesure qu’on approchait du cœur de l’enfer.
  — Très bien, je veux bien t’accorder cette faveur, lui dit-elle.
  Elle s’éloigna un instant et revint en lui apportant un verre. Son sourire narquois n’augurait rien de bon. Il comprit et sourit à son tour : elle lui avait donné son eau personnelle, brûlante et odorante. Luciférine le fusilla du regard pour qu’il boive jusqu’à la dernière goutte; qu’il s’estime heureux de cette marque de confiance.
  Valentin baissa docilement la tête en signe d’abnégation et s’empressa de déguster ce nectar infernal, bouillant et terriblement épicé, brûlant sa gorge et ses entrailles. Il toussa, intoxiqué par ce suc d’outre-tombe, et manqua de faire tomber les deux planches en équilibre instable sur l’une de ses épaules.
  Luciférine éclata de rire.
  — Tu pensais vraiment que j’allais te donner de l’eau de source ? Pose les planches-là et mets-toi à genoux.
  Elle flatta ses cheveux, non sans les tirer au passage. Il n’avait pas démérité ! Valentin se blottit contre elle et poussa un soupir de bien-être. Son martyre prenait fin, elle le récompensait…
  Luciférine le détrompa aussitôt.
  — Tu penses que c’est déjà fini ? Tes tourments commencent tout juste au contraire !
  Elle décida que la vaste caverne où ils se trouvaient convenait parfaitement pour devenir le théâtre de sa séance et de sa gloire ! Et puis, même pour elle, s’approcher encore du brasier infernal se révélait dangereux, elle risquait de s’y brûler les ailes encore inexistantes.
   Luciféine adressa un signe aux démons inférieurs, ils comprirent aussitôt et positionnèrent les poutres sur le sol au milieu de la salle. Ils se saisirent de marteaux et entreprirent de fabriquer une croix digne des enfers. Des étincelles jaillissaient du métal, les marteaux semblaient en fusion, le bois s’enflammait par éclipses – c’était magnifique ! Tous s’avancèrent et formèrent un cercle autour de la croix. La démone sourit, frétillante de sadisme contenu – pour l’instant. Elle saisit Valentin par le cou et l’approcha de la croix. Le jeune pêcheur frémit ; il était allé au catéchisme enfant, il se rappelait du martyre de Jésus et de la complaisance avec laquelle la bonne sœur racontait avec force détails sa mise en croix. Il supplia, ce fut plus fort que lui.
   — Pitié, je vous en supplie, je vous dirai tout ce que vous voudrez savoir, c’est promis !
   Luciférine leva les yeux au ciel.
   — Tu m’as tout dit, je pense, enfin, le plus intéressant ! Calme-toi enfin, on a beau être en enfer, on n’est pas des barbares comme vous autres, et j’aime pas le gâchis… je te promets des supplices plus subtils…
  Des assistants s’emparèrent de lui et l’allongèrent sur la croix. Luciférine brandit un maillet et des clous sous les vivats de la foule. Ils exultaient, cela faisait une éternité que ce type de spectacle était proscrit de façon tacite : « Bla-bla-bla, s’adapter aux temps présents, bla-bla-bla, un enfer plus convenable… ». Luciférine en avait assez de ce genre de discours, et elle comptait bien redonner ses lettres de noblesse à cet endroit à sa façon. Mais elle n’était pas folle au point de passer réellement à l’acte. Elle voulait effrayer sa victime par ses mises en scène ; les souffrances psychologiques étaient souvent pires que les souffrances réelles.
  Elle réussit au-delà de ses espérances : Valentin s’était à demi évanoui. Sadique, elle promena la pointe d’un clou rouillé sur son corps, veillant à appuyer régulièrement. Il ouvrit les yeux. Bon, fini de s’amuser, il était temps de passer aux choses sérieuses, la foule s’agitait, elle n’allait pas tarder à s’ennuyer, se disperser, ou pire encore, vouloir prêter main forte.

***

   Photo de Daniel Power, prise lors de la dernière Sinners Fetish Party : Valentin dans les flammes de l’enfer
   Pour l’anecdote : le scénario et la première version du texte sont signés de Crimson, Clarissa l’a retravaillé pour l’édulcorer et l’adoucir, afin de garder l’esprit « léger » de la série, et proposé cette deuxième version, moins gore (un peu moins de sang et de lambeaux de chair, un peu plus de fun 😉 )

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