Divagations sur le désir, bribes de souvenirs, fantasmes, suppositions, projections et évocations…
– à ne pas prendre au pied de la lettre please, ni tout transposer sur moi, je vous connais, bande de fripons 😉
Le désir, ce ressenti si fugace, insaisissable, qui nous surprend toujours !
Il peut s’inviter dans des situations incongrues, qui ne s’y prêtent pas du tout, dans des détails du quotidien. Et au contraire, si un homme cherche à le susciter en nous à tout prix, avec des photos ou des poses suggestives par exemple, le désir se fera capricieux, il ne se déclenchera pas, nous resterons de marbre. L’homme n’obtiendra que des rires.
Le désir se réveille tout seul, au moment où on ne l’attend pas du tout, pour plein de raisons.
Il n’a rien de mécanique, de systématique, il fluctue ; un détail qui nous attendrit d’habitude, nous fera soudain beaucoup d’effet :
— On retrouve l’homme le soir, on embrasse sa joue barbue, et le désir survient d’un coup, nous flambons comme une torche, par le simple contact de sa barbe douce, de son odeur, de ses bras autour de notre taille, de sa bouche contre notre oreille « ça va ? ».
— L’homme évoque un sujet d’actualité, sûrement passionnant, mais soudain, nous n’écoutons plus. Quelque chose dans sa voix, une intonation, un léger accent, une mélodie, réveille une petite tension entre nos jambes, une tension qui s’étend, nous envahit, nous obsède. Bientôt, nous ne pourrons plus la contenir, nous nous jetons au cou de l’analyste politique, et sa mine réjouie nous enflamme encore plus.
— C’est lié à son allure, sa façon de se tenir, de marcher, ou lié à un geste indéfinissable, infime… sa manière d’ajuster ses lunettes, de passer sa main dans ses cheveux, de gratter sa barbe, d’enrouler son écharpe autour de son cou, de tenir son verre, de conduire, de soupirer, respirer… Nous surprenons son geste, pourquoi ce geste-là, pourquoi à ce moment-là ? Mystère ! Un geste qui parle directement à notre corps, pour une raison inconnue, et nous sentons le désir crépiter, se réveiller, grandir, irrésistible ! Il nous pousse à saisir tout ce qu’on peut, ses mains, son bras… à embrasser toute la peau visible, elle se fait rare en hiver : son visage, son cou, ses doigts…
— On maintient un contact avec lui, sa main dans la nôtre, nos jambes entrecroisées, notre tête sur son épaule… tout en vaquant à d’innocentes occupation : bavarder, prendre un café, faire des projets ou un tendre câlin… On sent la chaleur de l’autre, et le désir s’éveille tout seul, monte peu à peu, nous brûle vive… Magique !
— Il effleure notre joue, y dépose un chaste baiser, caresse nos cheveux… il veut seulement se montrer affectueux, tendre, et il se retrouve avec une tigresse qui fond sur lui, toutes griffes dehors, avec l’intention de le dévorer !
— Croiser un inconnu dans une soirée, se consumer de désir l’espace d’un instant, vivre un coup de foudre du corps qui s’évanouit aussitôt, sentir l’électricité nous traverser de part en part, échanger un sourire, et puis s’éloigner, l’oublier… Mais à l’heure des réseaux sociaux, être retrouvée dès le lendemain, tentée à nouveau peut-être… Il y a des milliers d’inconnus, pourquoi celui-là, à ce moment-là !
— Le désir de l’autre se révèle souvent contagieux aussi. Surprendre un certain regard sur nous, sentir sa main devenir chaude dans la nôtre… Sa bouche nous cherche, ses bras nous serrent, sa voix se voile, il soupire, et nous coulons de désir, à l’unisson avec son sexe qui s’érige. Il faudrait alors pouvoir s’allonger, se dévêtir lentement, s’étreindre longuement, se déguster sans se presser, ou se dévorer tout cru en une seule bouchée au contraire, sans même prendre le temps de se déshabiller complètement.
Nos autres sensations sont le plus souvent prévisibles. La faim, on est certaine de la ressentir si on retarde trop le déjeuner, le dîner. La peur aussi survient d’office dès qu’une araignée croise notre route ou qu’un bruit se fait entendre la nuit. On sait ce qui déclenche nos larmes dans les films romantiques, c’est toujours les mêmes choses, ou ce qui provoque notre indignation dans l’actualité. On sait ce qui nous peine, nous blesse, nous énerve…
Ce qui engendre notre désir reste mystérieux. Bien sûr, l’homme est souvent responsable, mais le désir peut aussi surgir en dehors de lui. Une musique, une lecture, une photo, une peinture, un texte qu’on est en train d’écrire, un souvenir, une publicité… et on ressent ce délicieux pincement ; parfois, il est tout simplement impossible de continuer à lire, travailler, écouter de la musique… tant que ce désir n’est pas apaisé d’une façon ou d’une autre !
Je suis souvent fascinée par la force du désir qui balaie tout, ce que l’on était en train de faire, la conversation en cours… Plus rien n’a d’importance, tout passe au second plan, on laisse tout tomber, immédiatement, entièrement guidée par ce désir tyrannique, l’envie impérieuse de l’assouvir, là, maintenant, tout de suite, quelque que soient les circonstances.
Bien sûr, nous savons l’étouffer dans les lieux publics, mais la frustration nous mord le ventre, et nous avons envie de mordre en retour ! Il nous faut tenter de l’aprivoiser, apprendre à l’apprécier pour lui-même, sans chercher à le satisfaire dans la seconde. Goûter cette sensation qui nous fait sentir bien vivante, pleine d’énergie, sans espérer la contrôler, une sensation tellement agréable qu’on aimerait continuer à désirer tout en faisant l’amour, et n’être jamais rassasié du corps de l’autre…
Et voilà, j’écris sur le désir, en toute innocence, pour me distraire, vous distraire peut-être, et il se rappelle à moi ! Qu’est-ce que je vais en faire maintenant de ce désir qui me prend, comme ça, à une heure indue, alors que je suis sagement en train de tapoter sur mon ordinateur, espérant écrire mes bêtises en tout impunité, toute seule en plus, sans l’ombre d’un homme aux alentours…
– Je n’ose plus me servir de mon Womaniser depuis qu’une amie m’a dit qu’on ne pouvait plus jouir sans lui si on en abusait…
Images empruntées sur le net
4 commentaires
Et un commentaire ? Un commentaire bien salé, admiratif ou humoristique d’un lecteur assidu peut-il faire naître un peu de désir ? Mystère sans doute, le mystère que vous décrivez si bien dans ce très beau billet
Oui, le pouvoir des mots est sans limites, et peut se nicher dans un commentaire innocent (ou pas ^^) d’un lecteur, qu’il se montre gentil ou taquin
Merci Tibo pour ce retour qui me fait plaisir ! J’écris au fil de l’eau, je n’avais pas vu le paradoxe, ce « sagement » qui en fait ne l’est pas du tout
« je suis sagement en train de tapoter sur mon ordinateur » j’adore ce sagement qui emporte, transgressif. L’adverbe suggère précisément son contraire, et dans cette tension se niche le désir qui vous appelle, et invite le lecteur, aussi. Impérieux.
On voyage bien avec vos écrits, Clarissa, merci.
Tibo