Dîner entre amis

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   Un dessin de Caroline Flora Lefebvre Mahjun d’après une photo de Maryssa Rachel m’inspire une nouvelle histoire…

   ***
   Les choses ne se passèrent pas tout à fait comme prévu…
   Rien à dire sur le dîner, un succès, bien que certains plats étaient sans doute un peu trop cuits, il devait le reconnaître. Ils avaient ri, échangé des confidences, des œillades, émoustillés par les différents vins accompagnant chaque met. Il se piquait d’œnologie, il avait tenu à leur faire les honneurs de sa cave !
   Au moment du dessert, alors qu’ils sirotaient une dernière coupe de champagne, il leur avait lancé un défi : si elles osaient se dénuder, il promettait de faire tout le rangement et la vaisselle, presque nu lui aussi, pendant qu’elles siroteraient un café entre copines.
   Elles avaient relevé le défi, s’étaient exécutées avec grâce, rieuses. Cela l’amusa lui aussi de se déshabiller alors qu’elles le considéraient, curieuses et intéressées. Il tenta de les exciter en roulant des mécaniques comme un chippendale, mais elles ne bougèrent pas le petit doigt. Elles se contentaient de le contempler fixement, seulement parées de leurs ravissants dessous en dentelles, leurs longs cheveux dénoués caressant leurs épaules. Il respirait plus vite, le front moite ; leurs peaux appelaient ses doigts, et au lieu de ça, ils seraient bientôt agressés par l’eau brûlante et le liquide vaisselle ! Beau joueur, il se résigna et se dirigea comme un condamné vers l’évier.
   Il s’attaqua au monceau d’assiettes et de plats, son enthousiasme quelque peu retombé. Qu’est-ce qu’il lui avait pris de cuisiner autant de trucs ! Un bon plat de pâtes et basta, il serait déjà à leurs côtés, leur contant fleurette, au lieu de frotter comme un damné la troisième poêle où des restes cramés s’accrochaient — ses invitées étaient si sexy, leurs regards l’avaient cloué sur place, l’apéro s’était prolongé, seule une odeur de brûlé l’avait rappelé devant les fourneaux.

   Elles se souriaient, échangeaient des coups d’œil réjouis, amusées de le voir jouer les soubrettes, et ravies d’échapper à la corvée. Elle se rapprochèrent encore, électrisées par le contact de leurs peaux qui se frôlaient, par la vision de cet homme à demi nu travaillant pour qu’elles puissent se prélasser…
   Sans quitter son ouvrage, il devina ce qui se tramait dans son dos. Un parfum de désir flottait dans l’air ; elles ne gloussaient plus. Il frotta de plus belle, impatient de se joindre à la fête. Sans doute allaient-elles le rejoindre, l’arracher à la vaisselle malgré ses «protestations», affolées de désir devant la vision de ses fesses s’agitant en cadence ! Mais contre toute attente, elles se tournèrent l’une vers l’autre, et lentement, comme au ralenti, leurs lèvres se rejoignirent.
   Il les surprit du coin de l’œil et son cœur se serra ; il se sentait piégé et maudit son défi. Il lavait le plus vite possible, pressé de s’incruster, mais il ne voyait jamais la fin de la pile d’assiettes, et quelle idée d’avoir voulu organiser une dégustation de vins ! Il lavait des verres à l’infini…
   Au diable les promesses ! Il coupa l’eau et s’avança vers elles, tout sourires, son érection pointant sous son tablier. Les yeux de ses amies lancèrent des flammes, il fut rudement rabroué.   
   — Tsss, tu dois d’abord finir la vaisselle !
   Il obéit sur le champ, penaud, bizarrement émoustillé d’être à leurs ordres. Il se jura d’acheter un lave-vaisselle et se remit à l’ouvrage, peu à peu gagné par l’espoir ; il touchait au but !  

   Les bruits de vaisselle couvraient le bruit des baisers. Les baisers légers, timides du début, s’étaient mués en des baisers passionnés. Sans un mot, les deux amies s’éclipsèrent sur la pointe des pieds et s’enfermèrent dans une chambre. Elles prirent soin de tirer le verrou avant de se jeter sur le lit et s’enlacer. Elles n’avaient pas besoin d’un homme avec des mains dures, des joues piquantes les égratignant… Leurs corps si semblables s’emboîtaient merveilleusement, leurs mains douces s’enivraient de la douceur de leurs peaux, du moelleux de leurs seins. Elles se respiraient, s’embrassaient, se caressaient sans fin, et osèrent bientôt s’aventurer avec mille précautions entre leurs jambes, pour effleurer les plis de leurs sexes et goûter leur humidité.

   Un peu plus tard, l’on toqua à la porte, mais seule l’explosion d’une bombe aurait réussi à interrompre leur transe et les ramener à la réalité.

Maryssa Rachel
   Dessin de Caroline Flora Lefebvre Mahjun
   D’après cette photo de Maryssa Rachel

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