L’Oréal ne semble pas se douter que derrière chaque femme désireuse d’embellir et de plaire, se cache une créature sensuelle, coquine, en quête de plaisirs …
Le produit existe, il vient d’être lancé. J’espère que L’Oréal me pardonnera cette publicité embarassante et flatteuse à la fois …
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Fatiguée, hagarde, les cheveux emmêlés et le regard battu, Sophie s’est enfin décidée à faire ses courses sur internet. Une pénurie de couches se profile à l’horizon ; pire, la dernière bouteille de lait de croissance est entamée. Son bout de chou est fiévreux depuis trois jours, elle ne fait plus ses nuits, se montre grognon et chipote son petit pot. Hors de question de la déposer à la crèche dans cet état. Les voilà cloîtrées à la maison toutes les deux, même le supermarché d’en face est aussi inaccessible que la planète Mars.
Sophie soupire, faire ses courses en ligne est encore pire que d’errer dans les rayons glacés d’une grande surface, mais elle ne peut plus tergiverser. Armée d’un café serré, encouragée par Coldplay, pas trop fort pour ne pas réveiller son petit fauve enfin endormi, Sophie prend son courage à deux mains et se connecte sur ooshop. S’ennuyant à mourir, elle sélectionne les petits écoliers au chocolat de la grande, les couches de la petite, les pâtes et les saucisses pour tous, les yaourts, les lessives, l’eau…
Elle avise du coin de l’œil l’icône «bien être» et décide de s’accorder une petite pause. Son bien-être … elle ne lui a pas accordé une pensée depuis si longtemps, elle ne prend plus soin d’elle, se néglige, arbore des cheveux plats et des poils en broussaille, des yeux marqués, une mine pâlotte. Une tête de droguée qui ne dort plus et ne mange plus. Ce qui, à part la drogue, n’est que la triste vérité. Ses jupes informes et tachées de lait tiennent à peine sur ses hanches. Elle ne sait même plus où se trouve son maquillage, sûrement redevenu poussière après toutes ces années. Ces pensées déprimantes l’inquiètent brusquement : son amour va s’éloigner d’elle. Il n’y a plus que les enfants, qui les occupent jour et nuit, sans relâche. Ils ne sont plus amants, elle s’endort dès qu’elle pose la tête sur l’oreiller, repousse ses avances. Elle doit se ressaisir, s’arranger, redevenir désirable. En commençant par ses yeux, cela fait des siècles qu’ils n’ont pas eu droit à un soin, ils sont aussi tristes que ceux d’un cocker. Dans ce temple de la consommation dédié aux yaourts en tous genre, le choix est limité. Deux crèmes pour les yeux seulement. Sophie ne s’attarde pas et choisit L’Oréal, marque suffisamment connue pour effectuer un peu de recherche. D’ailleurs il y a écrit «nouveau» sur le produit. Clic, c’est dans le panier. Péniblement, laborieusement, Sophie achève la commande et peut enfin se reposer en guettant l’appel de son petit monstre.
Le lendemain soir, son entrée est envahie de sacs plastiques débordant de victuailles. Sophie se dépêche de ranger les surgelés, le frais. Et son anti-rides pour les yeux. Elle aurait un peu honte si son homme constatait que l’argent du ménage était dilapidé en crèmes inutiles au lieu d’être intégralement consacré à nourrir la famille. Honte surtout de sa futilité. Hop, au fond du placard. Le reste attendra le retour de l’homme Les petites, sautillantes et pleurnicheuses, réclament toute son attention.
Deux heures plus tard, soulagés, ils s’affalent sur le canapé. Ils sont enfin seuls et disponibles l’un pour l’autre. Un grand silence règne dans l’appartement. Lui, adorable, galant, généreux, prévenant, a tout rangé. Par quel miracle, Sophie ne le sait, mais l’entrée est dégagée. De son côté, elle n’est pas restée oisive : les enfants ont été débarbouillés et couchés, tendrement, mais fermement. Quelques protestations plus tard ça roupille et ça ronflote. Enfin du temps rien qu’à eux ! Entre adultes ! Pour leur couple, leur amour, un temps précieux à cultiver, afin de retrouver la magie de leurs débuts. Mais les enfants leur ont tout pris, énergie, force, enthousiasme. Petits vampires adorables, ils ont sucé avidement et rejeté deux coquilles vides et lasses ayant juste la force de regarder la télé en sirotant une tisane.
Sophie sait bien qu’après les enfants, la télévision achèvera leur couple. Mais tout effort lui pèse, elle peut à peine zapper, épuisée. Elle ne se sent pas le courage de lui faire la danse des sept voiles et de le séduire. Elle veut seulement se coller contre son grand corps chaud, respirer sa bonne odeur et profiter de ses massages devant leur série préférée. Il s’empare de ses mains, déplore leur sécheresse et les enduit amoureusement de crème. Il remonte vers ses bras, s’attaque à ses jambes, il la masse divinement, réveille ses sens, engourdit sa volonté, lui fait oublier tous les désagréments de cette journée confinée chez elle. L’envie de sentir ses mains sur tout son corps devient impérative, elle le lui fait comprendre. Il lui propose un massage du dos, Sophie ne se fait pas prier, il est devenu sensible et douloureux depuis que bébé a atteint le poids respectable de huit kilos. Elle est déjà nue sur le lit, attendant ses mains. Elle pousse un soupir de bonheur quand il commence. Il la masse longuement, s’attarde sur les points douloureux, les transforme en des sources de plaisir, insiste, s’éloigne puis revient, l’ensorcelle de massages, l’enduit des pieds à la tête d’huile odorante. Sophie s’endort peu à peu, elle ne peut lutter, ses yeux se ferment malgré les délicieuses caresses. Pris de pitié, son amour promet de la laisser tranquille et la laisse s’enfuir vers la salle de bain pour l’ultime rituel de la nuit.
Lavage des dents et du visage. Sophie tombe de fatigue, manque de courage pour en faire plus, mais se rappelle soudain ses bonnes résolutions de la veille. Elle récupère son soin tout neuf, enlève l’emballage d’un coup de ciseau. Il s’agit de s’y mettre tout de suite, sinon il va moisir comme les autres qui encombrent ses placards. Elle retire le bouchon transparent et marque un temps, interloquée. Stupéfaite, elle contemple le produit. L’anodin petit tube révèle un embout des plus suggestif, rond, lisse, en métal poli, doux. Plus intriguant encore, un bouton on/off est placé sur le côté. Sophie, curieuse, l’enclenche et un doux ronronnement se fait entendre. Le petit objet vibre doucement. Bien réveillée tout à coup, Sophie le pose sur son bras et sourit, agréablement chatouillée. Espiègle, elle l’approche de son ventre, protégé par une sage chemise de nuit. Elle a déjà eu l’occasion de tester des sex toys. Elle les a toujours trouvé énormes, vibrants comme des marteaux piqueurs, bruyants comme des tondeuses à gazon. Quelle femme peut apprécier ces outils de chantier ? Celui-là émet une faible vibration, discrète, douce, exactement ce qu’il lui faut, son intimité n’aspire qu’à la tendresse et la légèreté.
Elle pense aux autres femmes, ses sœurs, confrontées au même objet et s’interrogeant comme elle sur son usage. Que recherche l’Oréal ? Est-ce un nouveau concept marketing ? Allier beauté et plaisir ? Ancienne chef de produit ayant renoncé à une brillante carrière, ou plus exactement, ayant fortement relativisé l’importance de «tout ça» à l’arrivée de son premier bébé rose, Sophie retrouve d’anciens réflexes et questionnements. Elle reprend l’emballage et fait ce que personne ne fait jamais, à moins d’être du métier, elle lit intégralement l’accroche publicitaire :
«Vibreur Collagène yeux.
Geste 1 : Soin anti-cernes, anti-rides. Au peptido-Complex pour favoriser l’élimination des pigments des cernes.
Geste 2 : Massage vibrant anti-poches. Pour favoriser le drainage des poches».
L’oréal a l’air de jouer les innocents et sert le galimatias habituel pour ce genre de produit. Cela lui rappelle ces ventes sur catalogue proposant des vibromasseurs soi-disant pour les épaules et la nuque. Mais la photo était des plus claires : un jeune mannequin tenant amoureusement contre sa joue un accessoire évocateur. Ici, la forme du tube et son vibrato suffisent amplement pour éclairer les plus candides.
Sophie a d’abord envie de camoufler sa découverte. Elle se trouve pathétique de vouloir retrouver la jeunesse de son regard, quelle naïveté vraiment. Il ne doit pas savoir. Lui la voit encore comme une jeune fille, du moins dans ses compliments. Il doit continuer à ignorer ce qui se passe dans cette salle de bain : crèmes pour ceci et cela, pinces à épiler, épilateurs vrombissant, lotions diverses mais universellement inopérantes, entassés pêle-mêle dans ses tiroirs.
Mais elle se sent trop émoustillée, réjouie et à présent bien réveillée. Elle a envie de partager son étonnement, de le faire rire et de l’exciter un peu peut-être. Elle se précipite vers lui et avoue avoir acheté un produit de beauté en faisant les courses et être tombée sur une crème… un peu spéciale. Son amour écoute l’histoire d’un air gourmand et demande à voir l’engin. Tout aussi amusé qu’elle, il le met immédiatement en route et la masse doucement, directement là où elle est si sensible, tandis qu’il disparaît sous la couette pour accompagner sa caresse de merveilleux baisers mouillés. Sophie le désire de plus en plus, et bientôt ses doux baisers comme la minuscule vibration ne lui suffisent plus, elle veut tout son corps, elle le veut en elle et le réclame instamment. Il remonte vers elle et l’aime amoureusement, fougueusement, plein d’énergie, avant de ralentir son mouvement, dans une étreinte imperceptible, pour la rendre folle et la faire exploser de plaisir.
Le lendemain matin, découvrant le tube gisant au pied de lit, Sophie sourit en repensant à leur drôle de soirée. Elle prend l’objet détourné entre ses mains et décide de le ranger dans sa table de nuit. Il n’ira pas rejoindre les autres produits de beauté dans sa salle de bain. Certes, comme les précédentes, la crème miraculeuse sera délaissée, tournera et elle gardera ses yeux cernés. Mais d’autres plaisirs l’attendent. Elle jette un dernier regard désobligeant sur sa modeste taille et se demande si L’Oréal n’a pas l’intention de lancer la version crème de jour.
L’Oréal est une marque déposée. Sur simple demande, je remplace le nom de cette marque.
3 commentaires
Aux commentaires précédents, j’ajouterai simplement de vifs remerciements pour l’optimisme inhérent à ce récit, propre à redonner espoir à bien des parents !
Merci…
Plaisir
Plaisir de lire un texte aussi bien écrit et aussi ancré dans la réalité.
Hurlant de vérité ce texte!!!! vous venez de » créer » un lien avec ma fille, 2 garçons, le dernier a 7 mois, elle lui donne toujours le sein, elle ne fait jamais une nuit complete, dort dans la pièce d’à coté pour ne pas risquer de tomber dans les escalier quand bb l’appelle, libido à zéro d’après les paroles pudiques qu’elle peut dire à son père ( qui a vécu les mêmes choses) qui comprend et qui essaie de conseiller très pudiquement également.
Il va falloir que je conseille cette crème à ma femme!!!!! elle qui n’achete que dans les produis FLORAME. Je sais que pour ses » yeux » elle n’aime pas trop les vibrations.
Pour revenir au texte, il m’a plu par sa qualité bien sur mais également par son coté très histoire vraie comme le précédent d’ailleurs.
Amicales pensées