La semaine dernière :
Comme elle paraît loin déjà ! On était si heureux, et on ne le savait pas, on pouvait aller et venir à notre guise, en évitant autant que possible les bisous quand même, dur pour une affectueuse comme moi !
J’ai profité en toute insouciance de plusieurs soirées festives, inconsciente des chamboulements à venir et du confinement qui nous attendait : le lancement du nouveau livre de Flore Cherry « L’écriture érotique » le 11 mars, je vous en parlerai plus longuement ; la conférence de l’Institut pour l’harmonie sexuelle sur « La mécanique sexuelle des hommes » le lendemain, je vous l’ai racontée ici.
Vendredi 13 mars
Ayant une soirée prévue samedi, je renonce à sortir vendredi, déçue de manquer la dédicace du recueil de nouvelles de Sonia Saint-Germain, si j’avais su ! Devant mon ordinateur, je remue des idées sombres face à l’avalanche d’annulations de soirées tombant en pluie sur Facebook.
Et soudain, je vois passer la publication d’un de mes lieux de fêtes préféré, Les Caves St Sabin :
Nous vous confirmons que la soirée du vendredi 13 mars est maintenue, venez faire la fête une dernière fois ! A ce soir pour probablement une des dernières soirées avant un bon moment !
Mon cœur bondit, mon sang ne fait qu’un tour, je me décide sur un coup de tête, je troque mon pilou pilou contre ma robe de bal et je cours rejoindre ces caves bien aimées pour une dernière danse. 100 personnes maximum, il ne faut pas être en retard, tout le monde ne pourra pas entrer !
Je rejoins la file d’attente déjà longue, il règne une ambiance irréelle de fin du monde, on se salue en riant du bout de pied, un peu gênés, ça nous manque de ne pas nous embrasser ! Chacun raconte ses projets professionnels ou artistiques annulés, ses vacances ajournées, les fêtes englouties… Certaines évoquent leur entreprise fermée du jour au lendemain, expédiant tous leurs salariés en télétravail, d’autres se préparent à rejoindre leur maison de vacances à la campagne ou au bord de la mer…
Et puis la musique démarre, fort, et on oublie tout, emportés par le son que les super DJ déversent sur nous. La musique nous enflamme et nous dansons éperdument, tant qu’on le peut encore, alors que le navire est sur le point de sombrer !
C’est la dernière soirée, tout est possible encore, on lie connaissance plus facilement que jamais. Des amitiés se nouent, des idylles s’esquissent, un peu comme des amours de vacances, éphémères, faute de se revoir bientôt.
L’ambiance bascule peu à peu, les barrières tombent, les recoins et les alcôves des caves sont investies, des jeux kinky, bdsm s’y déroulent en secret – c’est fou tout ce que l’on peut faire avec nos pieds ! C’est la soirée de la dernière chance, elle va réunir toutes nos attentes, tous nos espoirs, remplacer les soirées annulées, reportées, les inclure toutes, car ensuite, nous seront privés de nos activités préférées pour longtemps…
L’aube pointe, je fais le tour des amis pour leur dire au revoir. D’habitude, on se salue en souriant « on se retrouve à telle ou telle soirée ! ». Là, on ne sait pas si l’on se reverra début mai, début juin, et la nostalgie nous étreint déjà…
Samedi 14 mars
Un peu de vague à l’âme, les soirées sont toutes annulées, les lieux de fêtes et de sorties sont fermés, bars, cafés, restaurants, clubs ; le couperet vient de tomber. Je pense aux artistes, aux acteurs, aux organisateurs d’événements… ils ont tant travaillé tous pour nous faire plaisir, on se faisait une joie de les applaudir, de nous amuser des nuits entières. Tout est reporté à plus tard. Sans compter les théâtres, les cinémas… c’est toute la vie festive du pays s’arrête.
Je cache ma déception, c’est passager, et il y a bien plus grave.
Lundi 16 mars
Nous plongeons dans l’inconnu avec l’annonce du confinement total, nous nous retrouvons dans un mauvais film catastrophe ou de zombies ! Je tente de positiver : je vais écrire tout mon soûl et finir mes corrections, trier des milliers de photos, lire à gogo, regarder des séries…
Enfin, si j’ai le temps, car il y aura deux ou trois autres trucs sur le feu.
Évidemment, à peine j’apprends que nos libertés se restreignent, ça y est, j’ai la bougeotte, je veux sortir !!
Mardi 17 mars
Ce matin, tout est encore possible, en respectant les consignes, bien sûr. Je sors faire un tour dans le quartier. Je remarque avec effroi et amusement les longues files d’attente devant le Monoprix du coin, les superettes… J’éviterai tant que c’est possible, les petites épiceries traditionnelles semblent moins fréquentées. Et dans une ruelle à l’écart, miracle, une supérette ouverte, déserte. Je m’y engouffre avec ma petite liste d’urgences. Les rayons pâtes, PQ sont dévalisés, ce n’est donc pas un fake, et ce n’est guère brillant ailleurs. Les gens emplissent leurs caddies de n’importe quoi, en panique, et s’empressent vers les caisses, où les caissières, ces nouvelles héroïnes, les accueillent en souriant derrière leur masque.
Je note que Jeff de Bruges reste ouvert aussi, sympa pour le moral et les envies subites de chocolat.
Sur le trottoir, des gens discutent, une cigarette et un gobelet de café à la main, reproduisant l’ambiance de bistrot qui leur manque déjà. Ils m’interpellent, nous faisons un brin de causette, avant que je ne reprenne ma promenade solitaire. Je reviendrai demain à la même heure pour les revoir, et, tout en respectant soigneusement la distance de sécurité d’un mètre, nous referons le monde !
Je souris un peu tristement devant les publicités animées qui s’agitent en vain : la saison culturelle de Paris, le Thalys…
J’ai envie de lire ou relire des romans sur l’enfermement, afin de réaliser combien la vie est douce, encore, et me réjouir : le choix ne manque pas :
– La servante écarlate,
– 1984,
– des histoires d’U-Boot, de vaisseaux spatiaux, de harems…
– Une journée d’Ivan Dessinovitch,
– Le journal d’Anne Franck,
– le fabuleux début du Comte de Monte Christo…
Et puis, quand j’en aurais assez de lire des histoires d’enfermement, tout en étant moi-même enfermée, je piocherai dans mes livres ou je téléchargerai des romans chez mes éditeurs préférés, par exemples :
– Tabou et La Musardine pour l’érotisme
– Elixyria pour la romance, SF, fantasy, fantastique
(petite pub au passage 😉
Sinon, c’est aussi le démarrage officiel de l’école à la maison, après avoir bien glandouillé hier. On s’était dit : on s’y mettra demain dès 8h30, une fois propres, habillés, fin prêts… sinon, on va se laisser aller, traîner, et ça sera n’importe quoi. L’objectif n’est pas tout à fait atteint, « l’école » n’a ouvert qu’à 10h, avec une séance de Français : lecture d’Harry Potter, suivi d’un atelier d’arts créatifs… Un peu démago, j’avoue, ensuite, on ira crescendo…
Je ne pense qu’à sortir à nouveau, munie de mon précieux laissez-passer, validé par moi-même, motif : « déplacements brefs, liés à l’activité physique individuelle » : notre dernière liberté, notre respiration ces jours à venir, la liberté de se promener, de se dégourdir un peu les jambes, en se tenant à l’écart les uns des autres.
Surprise, cet après-midi les files d’attente ont disparu devant les magasins, on peut faire ses courses comme « avant » dans toutes les supermarchés et pharmacies.
Voilà, ce journal de prisonnière s’arrête là, il restera inachevé, car ensuite ce sera toujours la même chose 😉 Seuls les livres, les films, le menu, les activités, varieront d’un jour à l’autre…
Je vais plutôt écrire des textes imaginaires ; là, je n’ai aucune contrainte, je peux aller à l’autre bout de la galaxie si ça me chante !
Quelques vues de rues normalement très animées :