Photos : Le Dormeur Du Vol
Voyage onirique
J’appuie sur la sonnette le cœur battant. Une musique d’orgue résonne et la porte s’ouvre toute seule dans un grincement sinistre. Un long couloir obscur, à peine éclairé par des bougies, s’étend devant moi et s’enfonce dans les ténèbres. A perte de vue, ce sont des étagères chancelantes croulant sous les grimoires et les livres anciens. J’avance lentement, j’entrevois des livres de sorcellerie, des livres de recettes moyenâgeuses, des livres contant les mystères de Paris… Devant eux, soigneusement présentés, s’alignent des bijoux anciens, des amulettes, des talismans, des démons et des anges protecteurs, des fées et des succubes. Leur regard brille dans leur corps d’albâtre et d’os, elles ne demandent qu’à se réveiller. Plus haut, je devine des fioles, des potions, des crânes. J’ai hâte de le retrouver et j’accélère, le cœur battant.
Des volutes de fumée répandent dans l’atmosphère de lourds parfums d’encens qui endorment ma conscience et l’emmènent au pays des rêves. Quelle funeste cérémonie m’attend, à quelle divinité assoiffée de sang va-t-on m’offrir… Incapable de reculer, je marche comme une somnambule, fascinée par ce foisonnement de trésors anciens, de secrets et de mythes.
Le Dormeur m’attend dans la grande pièce principale, plongée elle aussi dans l’obscurité. Majestueux dans sa longue cape noire, il me tend une coupe d’argent. Je grimace en goutant ce breuvage corsé et doté d’une profonde amertume. Une potion qui achève d’affecter mon raisonnement et me plonge dans une espèce de transe bienheureuse. Soulée d’odeurs d’encens, la vision troublée, je perçois des ombres fantomatiques sur les murs projetées par les flammes des bougies. Les statuettes anciennes semblent prendre vie et s‘agitent sur leurs socles.
Il garde sa capuche rabattue sur son visage et son mystère. Je ne vois que l’éclat de ses yeux qui lancent des éclairs et la blancheur de ses dents quand il me sourit. Alors que nous parlons, des battements d’ailes m’effraient. De sombres créatures viennent se cogner aux vitraux, cherchant pitance et morceaux d’os à ronger. Elles font un vacarme assourdissant, claquements des ailes, des becs, des griffes, piaillements aigus… Elles sont des nuées et se rassemblent en un brouillard noir qui assombrit encore les lieux. D’un geste, il les chasse.
En son domaine, il ne retient plus la force de sa magie. Sa voix chaude me fait frissonner de peur et de désirs mêlés. Il s’en amuse et m’entoure chaleureusement. Le Dormeur glacial et détaché s’incarne, se met à ma portée, redevient un homme de chair et de sang. Il se penche vers moi, me rassure, et me conte des histoires pour grands enfants. Des histoires pour avoir peur et en rire, pour éprouver du désir et connaître les affres de la frustration.
Il compatit et ouvre grands ses bras, m’enveloppe toute entière dans les pans amples de sa cape, me protège, me réchauffe, et m’ensevelit. J’entre dans un univers de douceur et de chaleur, je m’y blottis, m’y perd. Je disparais sous l’étoffe, chaudement emmitouflée, à ma place contre son corps dur, pour l’éternité. Il me presse contre lui plus fort et semble grandir, devenir immense. Je me sens toute petite. Il me rapproche encore de lui et je sens l’espace d’un instant sa peau chaude palpiter contre ma peau nue. Nous fusionnons et mêlons nos bras, nos peaux, emmêlons nos doigts. Mon cœur se serre de joie. Ses lèvres chaudes vont se poser sur les miennes… Soudain, me voilà foudroyée, brutalement repoussée et rejetée en arrière, exclue du paradis.
Je suis à nouveau sagement assise sur le canapé. Il me conte toujours des histoires. Que s’est-il passé ? Est-ce vraiment arrivé ? Ais-je rêvé sa peau nue, son étreinte si douce ? J’ai pourtant l’impression de sentir encore la brulure de ses doigts sur ma chair…
Il me libère de son emprise, rompt le sortilège. Je respire mieux, je reprends mes esprits. J’essaye de chasser les lambeaux noirs de sa volonté. Je me sens désespérément seule, abandonnée, et accablée de tristesse. Le temps s’écoule à nouveau. Les moments d’éternité vécus dans ses bras se sont évanouis.
Il est redevenu le Dormeur, distant, mystérieux et passionnant. Il poursuit son récit, me change les idées, m’étourdit de péripéties, et je frémis à l’unisson avec son héroïne. Le temps s’accélère. Cendrillon doit s’envoler et quitter sa robe de princesse, rappelée à ordre par un quotidien immuable.
Je reviendrai.
Retrouvez ses textes et ses photos sur sa page Facebook : LeDormeurDuVol
5 commentaires
Il faut lire l’histoire pour comprendre la beauté des photos….
Mi-ange,mi-démon, cet homme mystérieux est divin dans son rôle de gardien des lieux….
C’est beau. Merci
Merci à vous ! Vos commentaires me font très plaisir, je vais les transmettre au Dormeur ! Vous pouvez le retrouver sur sa page Facebook, en cliquant sur son nom sous sa photo….
Merci mes amis ! Oui, LeDormeur compose de magnifiques photo, qui nous touchent et nous plongent dans son univers merveilleux … changer de registre, écrire des histoires fantastiques, c’est une très bonne idée, je vais me lancer !
wouaaaa les photos!!! j’adore, on a l’impression que si l’on se penche pour les regarder que l’on va sentir la cire à l’ancienne de la pièce. Très très jolies compositions.
Tu as bien su décrire l’atmosphère de ce lieux ensorcelant. Tu pourrais également écrire de tels récits pour nous les faire lire. C’est ma jeunesse ça. Tu peux ne pas te cantonner que dans l’érotisme. J’ai vraiment aimé la description, un peintre pourrait reproduire la scène
Quel ambiance ! Bravo pour avoir su en si peu de mots nous plonger dans cette atmosphère mystérieuse où l’on retrouve bien l’univers du dormeur