J’ai hésité à écrire ce billet, parce que j’ai beaucoup de peine, des difficultés à trouver les mots justes ; et puis aussi parce que je voulais faire de ce blog un espace insouciant de jeux et de plaisirs. Mais parfois, il s’avère impossible d’ignorer certains appels et de faire l’autruche, parce qu’une amie est concernée, et parce que nous pouvons tous l’être un jour.
Anne Bert est écrivaine, elle a écrit plusieurs romans et nouvelles autour de la sexualité, du désir, du corps (pour la découvrir, lire par exemple L’eau à la bouche, recueil de nouvelles). Elle passionnée par tout ce qui touche à l’intime. Elle est d’ailleurs devenue la directrice de la Collection L’intime, chez Numeriklivres.
J’ai d’abord connu Anne Bert via son blog, Impermanence, – ses chroniques de lectures sont si savoureuses à lire, souvent mieux écrites même que l’œuvre dont il était question ! – avant de la suivre sur les réseaux sociaux.
Elle s’est toujours montrée d’une gentillesse incroyable et c’est un peu notre marraine à nous tous, les écrivains nouveaux arrivant sur le terrain érotique ! Souvent sollicitée, elle prend le temps de nous répondre, de lire nos premiers écrits maladroits, de nous guider, de nous prodiguer des conseils bienveillants, des compliments sincères et des critiques pleines d’humour…
Nous nous sommes rencontrées la première fois lors d’une soirée de lectures à voix haute, Sonore et Gomorrhe, elle m’a taquinée, m’appelant son « petit chaperon rouge » – sûrement en raison de mon manteau rouge et de mon chapeau rouge, et peut-être aussi à cause de mon air ahuri ;-). Pour moi, elle est devenue une amie très belle, une grande sœur, une écrivaine que j’admire et qui m’impressionne, franche, souriante, si généreuse.
Et puis elle nous apprend l’inconcevable, elle est atteinte d’une des maladies les plus terribles qui soit, une maladie qui paralyse peu à peu tous les muscles du corps : la SLA, ou maladie de Charcot. La fin est inéluctable, il n’y a pas de traitement. En l’espace de quelques années, la paralysie atteint toutes les fonctions du corps, jusqu’à la respiration.
Anne est amoureuse de la vie, elle aime les gens, la littérature, l’art, elle est enthousiaste, gaie, rieuse, avec de très belles valeurs, et c’est tellement injuste que la maladie se soit déclarée et nous prive bientôt de sa présence et de sa plume. Elle affronte avec beaucoup de courage cette épreuve, et se lance dès qu’elle l’apprend dans un nouveau combat : celui d’avoir le droit de mourir au moment souhaité, quand la dépendance deviendra trop pénible, puisque de toute façon il n’y a pas de guérison possible. Elle consacre toute son énergie à convaincre les politiques de faire évoluer la loi française, sans succès pour le moment, mais sa voix est entendue, les media la soutiennent, et bientôt son livre sortira, pour appuyer son message par le biais de la littérature.
Moi aussi j’aime la vie plus que tout, je me réjouis de tous les plaisirs qu’elle nous offre, infimes ou divins, je repousse de toutes mes forces l’idée de mettre fin à ses jours. Mais au fil de nos échanges, en lisant et regardant ses interviews, Anne a réussi à me convaincre.
Depuis longtemps nous combattons pour avoir le droit de disposer de nos corps librement, comme nous l’entendons. Nous avons obtenu par exemple le droit de prendre la pilule, et gagné la liberté de faire l’amour sans souci des conséquences ; nous pouvons faire ce que l’on veut avec notre corps, il est à nous : nous le tatouons, le pierçons, l’embellissons, le vendons parfois, et nous pouvons même changer de sexe… Alors, ce droit ultime, d’en finir quand nous sommes atteints d’une maladie incurable, pourquoi nous est-il refusé ? Pourquoi laisse t-on la médecine s’occuper de nous contre notre volonté, s’acharner sans espoir. Notre corps ne nous appartient plus, le martyre doit se dérouler jusqu’au bout, c’est la loi, quelque soit la pénibilité des épreuves à venir, l’enfermement vivant dans le cas de la maladie de Charcot. A moins d’aller en Belgique, comme Anne l’a décidé, car la législation y est différente et l’euthanasie pour raisons médicale autorisée, tout en étant clairement encadrée :
Comme me l’a écrit Anne : « penser à la mort ne fait pas mourir, et combattre la liberté de mourir relève de la même chose que de combattre pour la liberté sexuelle. Eros et Thanatos sont inséparables et la liberté du corps doit être défendue jusqu’au bout ».
Le blog d’Anne Bert
Pour signer la pétition, c’est ici
Pour aider la recherche, le site de l’ICM
Les articles de mes collègues de plumes et amis :
Thomas Galley
Julie-Anne de Sée
Et celui de son éditeur Numeriklivres
Photos prises sur le net
6 commentaires
Merci Anthony pour tes mots, je suis touchée…
Merci beaucoup…
Merci Chilina…
Je viens de signer, non sans tristesse
Je viens de signer aussi. Beau texte, douloureux mais tellement humain, généreux …
Merci Clarissa pour ce texte important qui remet en perspective le droit de disposer de sa vie et de sa mort . Tes mots sont justes et beaux. Je signe la pétition. Amitiés .
Anthony Filbien