Une histoire inspirée des stands de body-painting présents parfois en soirée (récemment aux soirées Hell’O Kinky, Hellektro..). Des arabesques fluorescentes sont dessinées sur les corps et les visages des participants, et des lumières noires les transforment en œuvres d’art vivantes. Féérique et psychédélique !
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Cette soirée kinky propose plusieurs stands : on peut se faire tatouer, acheter des bijoux, se faire tirer les cartes, profiter d’un massage, offrir sa peau à un artiste… Célia s’approche du peintre, curieuse. Il dessine des motifs sur les visages, les dos ou les torses, des volontaires. Des feuillages, des pointillés, des volutes chamaniques de toutes les couleurs… Célia se laisserait bien tenter, curieuse de sentir la caresse du pinceau mouillé sur sa peau, mais la crainte de tâcher sa robe la retient. Il y a longtemps, Dieu sait comment, elle s’est retrouvée avec des traces de peintures fluo sur une robe en wetlook, une sorte de simili cuir qui se nettoie très mal. Elle n’a jamais réussi à enlever les tâches… On ne l’y reprendra plus ! Observer le travail de l’artiste suffit à son bonheur, avant de suivre ses œuvres d’art mouvantes se dirigeant vers la piste de danse. Sous les lumières noires, de magnifiques arabesques lumineuses se dessinent sur les corps, prennent vie, dansent et ondulent avec eux. Ils sont plongés dans la pénombre, seuls émergent ces dessins, intensément lumineux.
Célia danse longtemps, rejointe par des créatures aux couleurs vives, de plus en plus nombreuses à mesure que la soirée avance. Bientôt, elle sera la seule à se fondre dans le noir.
Une forme s’approche d’elle au ralenti, couverte de figures fluo mouvantes des pieds à la tête. Une œuvre d’art vivante ! Un homme, nu à l’exception d’un boxer en cuir, le corps entièrement peint. Il est immense et la regarde en souriant. Leurs yeux s’aimantent, et bientôt, ils ne se quittent plus, partageant un même enthousiasme pour la musique techno. Ils se laissent emporter par l’ivresse de la danse, leurs gestes s’accordent, leurs corps vibrent avec les basses, le temps s’étire… Il finit par se pencher vers elle pour lui glisser quelques mots.
— Je m’appelle Yvan, et toi ? Tu n’as pas voulu essayer le body painting ?
— Célia, enchantée… Je préfère regarder ! Tout comme les tatouages d’ailleurs, jamais en soirée…
Il rit et fait un tour sur lui-même pour lui montrer toutes les peintures dessinées sur son corps. Un corps magnifique, grand, musclé… Célia déglutit, la bouche sèche, un sportif de haut niveau sûrement… Yvan lui confie que c’est sa première soirée de ce genre. Il adore l’ambiance, libérée et joyeuse !
— Et toi, tu connais bien ces soirées ?
Célia préfère avouer la vérité, même si elle passera pour une coquine.
— Oh oui, depuis longtemps, je les aime beaucoup !
— Tu veux bien être mon guide ? Je ne connais pas les codes… J’ai vu que c’était une soirée bdsm aussi, j’aimerais bien une initiation à la domination, je me sens plutôt dominant je pense… tu serais partante ?
Célia opine, ravie. Elle se frotte les mains en pensée, réjouie de s’offrir à lui, tout en le guidant subtilement vers ce qu’elle préfère. Mais elle n’aime pas mentir, alors autant éviter tout malentendu tout de suite, quitte à ce qu’il disparaisse.
— Je ne suis pas soumise, je suis même plutôt l’inverse, mais j’aime bien être serrée fort, contrainte…
Yvan fait mine de l’attirer contre lui, et Célia recule, cherchant de toute évidence à éviter son contact.
— Oh, tu ne veux pas que je te touche, c’est ça ? Je m’excuse si j’ai mal fait quelque chose, comme je te l’ai dit, c’est ma première soirée. Je te trouve très jolie…
— Merci ! Non, ne t’inquiète pas, ce n’est pas toi… je me montre réticente, car j’ai eu une mauvaise expérience avec du body painting il y a quelques années… de la peinture s’est retrouvée sur ma robe, ne me demande pas comment, et ce n’est pas parti au lavage !
Yvan sourit, soulagé.
— Ouf, je préfère ça ! Enfin, ce n’est pas ce que je veux dire, je suis désolée pour ta robe, bien sûr, mais je craignais d’avoir commis une gaffe… Promis, je garde mes distances.
Il dépose un baiser sur ses joues en se tenant bien à l’écart, et puis un autre, encouragé par le sourire de Célia, avant d’oser l’embrasser sur les lèvres. Célia s’embrase de désir, exaspérée de ne pouvoir se serrer contre lui à l’étouffer.
— J’ai une idée, fait Yvan avec une mine gourmande.
— Dis-moi tout !
— Tu retires ta robe, et hop, le problème disparaît ! Ces peintures s’enlèvent très bien sur la peau, enfin j’espère car je me vois mal les garder pour la vie…
Célia sourit, embarrassée et tentée à la fois, partagée entre son désir et la gêne de se dénuder, même si les participants de la soirée en ont vu d’autres et ont d’autres chats à fouetter.
— Toi tu ne connais personne, mais moi je connais plein de monde ici !
Yvan affiche une mine déçue.
— On peut échanger nos numéros si tu veux, pour nous revoir dans un endroit tranquille ?
Célia hésite, avant de se lancer, n’écoutant que son désir, un peu honteuse de pervertir si vite un nouveau venu.
— Il y a des endroits où l’on peut s’isoler… des play-rooms, ou coins câlins…. Et là, tout est possible ! Je t’emmène si tu veux…
— C’est génial ! Je te suis !
Célia prend Yvan par la main et fend la foule en direction de l’espace de jeux aménagé derrière la piste de danse. Coup de chance, un lit situé à l’écart est libre, et Célia s’y jette aussitôt pour se l’approprier, même si c’est sans doute un peu trop rapide pour Yvan.
— C’est rare de trouver un lit, se justifie-t-elle un peu honteuse, j’ai préféré nous le réserver sans attendre !
Yvan ne semble plus timide tout à coup, il s’allonge de tout son long. Célia enlève sa robe, frémissante d’impatience, et, à la réflexion, son soutien-gorge aussi — les fines dentelles risquent de ne pas trop aimer non plus la peinture fluo.
— Oh, tu es tellement belle !
Célia remercie en silence l’obscurité ambiante qui masque ses défauts. Elle ne voit que les peintures animées sur la peau de Yvan, comme des hallucinations…
Yvan l’attire à lui, referme ses bras sur son dos, et dès lors, il n’est plus question d’initiation bdsm, mais d’étreintes, d’enlacements, de baisers… Leurs corps se réchauffent, deviennent moites, glissent l’un sur l’autre. Célia cherche sur le corps de Yvan les endroits oubliés par le peintre, le cou, les flancs… elle l’embrasse là, et là, lèche sa peau salée, se régalant de son goût iodé d’océan ; elle boit la tasse ! Yvan se tortille, chatouillé, ça ne se fait pas les bisous sur les flancs ! Il la serre contre elle et la maintient prisonnière, ignorant ses protestations rieuses ; la robe est enlevée, alors elle n’a plus rien à craindre, non ? Célia se rend, s’offre à cet homme peinturluré qui la maintient contre lui d’une main de fer. Ses couleurs se transfèrent sur sa peau, elles se mélangent, se fondent, Célia n’en a cure. Il pourrait être couvert de boue, elle le voudrait quand même ! Elle le veut, elle le veut, de toutes ses forces, maintenant !
Quand ils se relèvent, bien plus tard, ils se regardent avec étonnement, un rire au bord des lèvres. Quelle folie les a pris ! Les peintures du corps de Yvan ont quasiment toutes disparues, il ne reste que quelques tâches sur son visage, et un peu de couleurs brouillées sur son corps. Apparemment, Célia n’a presque pas de traces de peinture non plus, c’est étrange. C’est comme si leurs peaux l’avait absorbée pendant qu’ils s’étreignaient passionnément. Célia pense une nouvelle fois à sa robe, elle s’essuie soigneusement au cas où, avec du sopalin mis gracieusement à disposition par les organisateurs. Elle prend Yvan par la main, et, le cœur un peu serré, se prépare à le libérer. Elle a aimé l’accueillir, lui ouvrir ses bras, mais à présent, il doit profiter de la soirée, faire d’autres rencontres, vivre des aventures – beau comme il l’est, cela ne devrait pas tarder. Il la serre contre lui, fort, la remercie.
— Je me souviendrai toute ma vie de ce moment, on se souvient toujours de nos premières fois !
Ils se promènent main dans la main dans l’espace câlins, observent les scènes qui se déroulent sous leurs yeux : des couples et des trios s’ébattent, des femmes sont assises, jambes bien écartées pendant qu’un homme les lèchent, des hommes appuyés contre le mur sont sucés par d’ardentes jeunes femmes et retiennent difficilement leur plaisir… Tout un concert de gémissements s’élève, et menace de couvrir le son techno qui s’échappe du dance floor.
Sur le lit principal, un gang bang improvisé s’organise. Une jeune femme est agenouillée au milieu d’un cercle d’hommes, elle les suce à la chaîne ou les caresse. Elle se met à quatre pattes, et les invite d’un sourire à la prendre. Ils ne se font pas prier, il se succèdent en elle en un ballet empressé. La jeune femme reste aux aguets ; ils ne sont pas assez nombreux encore, elle veut être submergée d’attentions, de caresses, de baisers… Elle remarque Yvan et lui fait signe d’approcher. Il n’ose pas, Célia le pousse gentiment.
— Elle t’appelle, ne la déçois pas ! Elle est belle n’est-ce pas ? Ne sois pas timide, tu vas le regretter…
Yvan s’approche de l’inconnue comme un automate.
— Baisse ton boxer !
Elle engloutit son sexe dans sa bouche avec gourmandise sans parlementer plus longtemps. Le voilà sucé au rythme des coups de reins des amants qui se relaient toujours derrière elle.
Yvan ferme les yeux ; il vient de jouir de la façon la plus romantique qui soit dans les bras de Célia, en la couvrant de baisers et de mots doux, et il ne va pas tarder à jouir à nouveau, avalé par cette tigresse insatiable.
Célia préfère sortir de la pièce, elle n’a pas envie d’assister à la suite maintenant qu’elle a relâché Yvan et qu’il est déjà « en mains ». Elle croise des amis, ils la taquinent, pointent du doigt un peu de peinture fluo sur son front, dans son cou… Célia s’enfuit en riant et se mêle à la foule des danseurs. Elle s’attarde un moment sur la piste de danse, mais le cœur n’y est plus, il lui semble qu’elle ne pourra rien vivre de meilleur dans cette soirée, elle préfère entretenir le souvenir de son amant aux mille couleurs. Il est déjà tard en plus, elle quitte la soirée le cœur en fête, libre, bien vivante. La soirée bat toujours son plein, mais elle s’en va sans se retourner, accompagnée par la musique techno qui s’amenuise à mesure qu’elle s’enfonce dans le silence de la nuit.
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L’histoire est inventée, mais l’anecdote de départ est vraie : j’ai bien une robe wetlook avec des traces de peintures fluo qui ne sont jamais parties au lavage ; je me méfie depuis !
Première image prise sur le net (je vois souvent passer de belles photos prises en soirée, mais je n’ai pas osé en choisir une), créditée ou retirée sur simple demande.
Selfie raté, souvenir d’une soirée de juillet 2022 – dommage, je n’étais pas sous une lumière noire.