Voisins de cellule

zazie
    Il n’a aucun souvenir, il ne sait pas pourquoi il se retrouve là, enfermé entre ces quatre murs, en prison. Sa nouvelle maison, lui qui aimait tant la nature… Les jours s’écoulent, toujours les mêmes, dans une désespérante monotonie. Oh, il n’est pas maltraité ; il est nourri, logé… simplement, il ne comprend pas ce qu’il fait là, ni pourquoi on le retient contre son gré.
    Seule lumière dans son quotidien : elle, la prisonnière de la cellule voisine, belle comme le jour, gracieuse, souple comme une liane. Il la contemple souvent, inaccessible derrière la paroi de verre, un vrai supplice de Tantale ! Elle, elle ne le regarde jamais, elle ne semble même pas remarquer sa présence, elle vaque à ses occupations quand lui ne fait que somnoler, déprimé. Il serait mort d’ennui depuis longtemps sans le plaisir de l’admirer.
zazie 3    Ce jour-là, pour la première fois, elle le regarde. Elle s’avance vers la baie vitrée, et marque un temps, stupéfaite. Elle n’avait jamais fait attention à lui, alors qu’il est si beau, d’un noir profond, avec des yeux de velours… Elle s’approche, frémissante, contrariée par cette cloison de verre qui les sépare à jamais. Ses narines palpitent, il lui semble percevoir des effluves mâles, un parfum qui réveille son désir, l’affole. Son cœur bat d’un espoir fou, elle le fixe de ses yeux d’amande, l’appelle. Il se colle à son tour à la vitre, éperdu, gémissant de frustration, il voudrait abattre cette vitre, la câliner, fusionner… Il fait les cent pas, en colère, cognant son épaule contre le verre, dans une vaine tentative de le briser. Elle s’est couchée, les yeux fermés, abattue ; elle a renoncé.
    zazie 2Soudain, le miracle s’accomplit.
    Un côté de la baie vitrée coulisse, un passage s’ouvre. Il bondit aussitôt, incrédule, avant de retrouver toute sa superbe, tellement viril qu’elle en chancelle de désir et se rend, tout de suite. Qui sait de combien de temps ils disposent, ce n’est pas le moment jouer les coquettes et de le faire tourner en bourrique ! Lui ne veut pas bâcler les préliminaires pour autant, alors elle joue sa partie aussi, devient chatte, miaule, impatiente de sentir son poids mâle l’écraser.
    Ils s’étreignent toute la journée, avant de s’endormir heureux, comblés.
    A leur réveil, ils sont séparés à nouveau par la vitre. Elle s’étire, apaisée, son coup de foudre s’est éteint aussi rapidement qu’il s’est allumé ; son intérêt se porte à présent sur son ventre, car elle va donner la vie, elle le sent. Il la regarde, attendri, indulgent aussi ;  il ne lui en veut pas de l’oublier si vite, elle a des priorités, c’est normal, c’est la loi de la nature.
    Ce souvenir illuminera sa détention, quel que soit le nombre de journées qui lui reste à endurer. Et peut-être qu’un jour, la porte magique s’ouvrira à nouveau…
   — Quelques mois plus tard, le Zoo de Vincennes se réjouissait dans la presse de la naissance de deux bébés jaguars.

***
   Petite histoire inspirée par ma visite récente du zoo de Vincennes, qui a eu « le droit » de faire se reproduire ses jaguars. Deux jaguars sont nés l’an dernier, tachetés comme leur mère, quand leur géniteur est recouvert d’un beau pelage noir.

  On peut lire toute l’histoire et voir de belles photos sur le site du Zoo
  
    Photos issues du clip « A ma place », car je ne voulais pas dévoiler la chute !

2 commentaires

  1. Clarissa a écrit :

    Merci beaucoup Pastelle !

  2. Pastellle a écrit :

    Génial ! J’adore. Drôlement bien joué !

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