Deux amies

 

    Avec la rentrée, je me réjouis de revoir mes amies, de prendre des cafés, et faire des projet en se racontant nos vies et les derniers potins… ça me donne une idée d’histoire :

***

 

    Les deux amies étaient ravies de se retrouver à une terrasse de café ; ça faisait longtemps qu’elles n’avaient pas pris le temps de bavarder ensemble, prises dans un tourbillon d’obligations professionnelles, de plans amoureux foireux, avant la coupure des vacances. À peine leurs mojitos servis et le serveur disparu, elles se penchèrent l’une vers l’autre pour échanger des confidences.
Léa n’y alla pas par quatre chemins, elle fit l’impasse sur les sujets bateaux : la canicule, les vacances, leurs jobs respectifs etc, et attaqua direct :
— Alors Arielle, toujours célibataire ?
— Hé, oh, ça va hein… on dirait ma grande tante au repas de Noël !
— Relax, je te taquine, moi aussi je suis célibataire je te rappelle ! C’est pas une tare !
Arielle se détendit ; c’était difficile parfois de savoir si Léa la taquinait ou l’agressait. Elle s’expliqua :
— Mon souci, tu vois, c’est que je suis sapiosexuelle.
— C’est quoi déjà ce truc-là ?
— Une véritable damnation ! C’est être attirée par des hommes intelligents, mais sans forcément avoir le niveau pour soutenir la conversation, qu’elle soit philosophique, quantique, littéraire, politique…
— Je t’interromps tout de suite : arrête de te rabaisser, tu es intelligente toi aussi à tes heures, même si tu revois Friends en boucle au lieu de te cultiver avec le replay d’Arte…
Arielle choisit d’ignorer le sarcasme ; son job la stressait, elle avait besoin de se détendre le soir, et Friends avec un cornet de glace faisait partie de son moment de détente, n’en déplaise à sa copine.
— Mouais, t’es gentille, mais disons que la théorie des cordes ou la philosophie antique, je ne maîtrise pas tout à fait sur le bout des doigts, et c’est épuisant de tenter de me hisser à leur hauteur, de faire illusion, et en plus ce sont souvent des efforts pour rien, car ces intellos de haut vol ne sont en général pas très attirés par les galipettes, alors on transcende le truc en discutant sans fin dans des jardins, en visitant des expos élitistes et snobs, et je repars rincée, vidée… frustrée !
— Ah ouais, dur… comment tu fais alors, si ça n’aboutit jamais entre toi et ces premiers de la classe ?
— Oh, heureusement, je suis aussi attirée par d’autres trucs, comme les tatouages sur des biceps musclés, et j’alterne selon mon humeur… Mais assez parlé de moi ! Et toi, tu en où depuis la dernière fois ?
Arielle préférait botter en touche, les bikers tatoués, c’était son jardin secret ! Hors de question que Léa fourre son nez retroussé là-dedans… Ouf, Léa saisit la balle qu’elle lui lançait maladroitement, et afficha une jolie moue.
— Oh moi, nulle part, il ne s’est rien passé depuis la dernière fois qu’on s’est vues..
— Comment ça ? Rien du tout, vraiment ? Tu ne vas pas entrer au couvent quand même ?
— Non, tu penses! Mais je fais une pause, j’arrête les hommes….
— Et du coup tu fais quoi, tu es devenue lesbienne ? la provoqua Arielle en tirant la langue.
Léa leva les yeux au ciel, mais ne résista pas, l’occasion de taquiner son amie était trop belle. Et elle l’avait bien cherché ! Elle lui fit un clin d’œil.
— Tu serais partante bébé ? Allez, depuis le temps qu’on se connaît ! Et il serait temps que tu explores ton côté bi…
Arielle fronça les sourcils, hésitant entre glousser et se racler la gorge.
— Heu, t’es pas sérieuse, là ? Tu me taquines encore, non ?
— Ouais, mais fais gaffe à tes petites fesses quand même…
Arielle se tortilla, mal à l’aise ; impossible de savoir si c’était du lard ou du cochon avec Léa ! Cependant, l’idée faisait son chemin, elle se surprit à sourire toute seule… Une fille à la peau douce à caresser… celle de Léa semblait d’ailleurs particulièrement soyeuse.
Léa la regardait fixement, s’amusant de son embarras ; comme Arielle était jolie ! Elle avait lancé ces paroles en l’air, pour le plaisir de la faire rougir, mais à présent, Léa se retrouvait prise à son propre jeu, et considérait Arielle d’un autre œil. Elle secoua la tête et se lança dans une grande démonstration.
— Moi, perso, j’en ai assez de tchatter des heures sur un site de rencontres pour dégoter le partenaire ad-hoc, qui soit en phase avec mes envies, mes valeurs, et qui soit sexy aussi ! C’est galère d’un bout à l’autre ! Et quand j’ai finalement jeté mon dévolu sur l’heureux élu, c’est le début d’un marathon : le jour du rendez-vous, qui fut difficile à fixer avec nos emplois du temps surchargés, il faut s’épiler, se coiffer, s’habiller chic, et se rendre à l’autre bout de Paris pour déjeuner ou dîner romantiquement ; on n’est pas des animaux, on ne va tout de même pas se jeter tout de suite l’un sur l’autre ! Puis, endurer un resto plus ou moins ennuyeux, faire des efforts de conversation, espérer séduire si je suis séduite… avant de pouvoir enfin m’envoyer en l’air, après un trajet plus ou moins long et l’incontournable dernier verre. Et jouir, ouiiii !! Bon, si j’ai la chance d’être tombée sur un amant attentionné, tendre, amoureux du plaisir des femmes, patient, doué de ses mains, de ses lèvres, de son sexe, qui sache en gros où se situe le clitoris , ce qui n’est pas gagné, même en 2022 !
— Ouais, c’est clair, c’est relou…
— Donc, j’en ai fini avec les sites et les rencontres sans lendemain depuis que j’ai découvert le secret du bonheur, enfin, du plaisir plutôt !
— Je t’écoute, fit Arielle, les yeux brillants d’excitation.
— C’est tout simple ! J’ouvre le tiroir de ma table de nuit, je m’empare de mon Womanizer et je m’allonge sur mon lit douillet. Je l’allume, le place au bon endroit, et je laisse les fantasmes et les images érotiques m’ envahir, avant de jouir comme une folle dans la foulée ! Plaisir garanti en deux minutes top chrono 😊 c’est pas beau ça ?
— Moui… et les mots doux, les bisous, les câlins, ça ne te manque pas ? Il n’y a pas que l’orgasme qui compte !
— Excuse-moi, mais je trouve que ça compte beaucoup quand même, plus que le blabla en tout cas…
— Sinon, comme on disait juste avant, il y a aussi les filles, rebondit Arielle en battant des cils et collant ses genoux à ceux de son amie sous la table.
Léa resta muette, ce qui était vraiment inhabituel chez elle. Arielle en profita pour l’embrasser sur la joue, en dérapant un peu sur la commissure des lèvres de son amie. Léa gardait une immobilité de statue. Arielle se reprit, elle en oubliait de s’assurer du consentement de son amie ; la base !
— Je peux t’embrasser ?
— Tu viens de le faire il me semble, répondit Léa qui avait retrouvé l’usage de la parole, mais OK, go.
Les lèvres d’Arielle se posèrent sur sa bouche au ralenti et Léa fut plongée dans un monde de douceur et de sensualité, avant d’être envahie d’une vague de désir. Tant de douceur se révélait à la limite du supportable ; comment avait-elle pu supporter toutes ces joues barbues, ces lèvres piquantes abrasant sa peau, ces mentons râpeux… Elle lui rendit ses baisers avec enthousiasme.
Les deux amies se rapprochèrent, pressant leurs poitrines l’une contre l’autre, bouches soudées, ivres l’une de l’autre.
Et il ne fut plus jamais question des hommes…

   Photo : Sex in the city

2 commentaires

  1. Clarissa a écrit :

    et moi je me dis en embrassant une fille : comme c’est doux une joue de fille ! Mais impossible de renoncer aux hommes aussi ^^

  2. Comme une image a écrit :

    Ah oui, c’est vrai, à chaque fois que j’embrasse un homme, je me dis : mon Dieu que ça râpe !
    (mais bon, je n’y renonce pas pour autant

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