Le fétichisme de la cigarette

J’ai hésité à parler de ce fétichisme bien sulfureux… Je ne vais pas me faire que des amis (et j’aime bien me faire des amis !)
Car glamouriser la cigarette, c’est mal, j’en ai bien conscience, mais ne sommes-nous pas aussi attirés par ce qui est interdit, tabou, dangereux… ?
Je suis d’ailleurs la première à encourager mes amis qui tentent d’arrêter de fumer, et les féliciter quand ils viennent à bout de leur addiction ! S’ils pouvaient m’aider avec les miennes… Je n’ai aucune nostalgie, je me réjouis que la cigarette si nocive pour la santé disparaisse du paysage…

Mais il y a ce plaisir des yeux : j’aime regarder les gens qui fument du coin de l’œil, c’est plus fort que moi. Je trouve leurs gestes beaux, classe, sexy, je suis prise de frissons en les regardant.
Je survole parfois des films anciens, pour le plaisir de voir des hommes très élégants fumer en conduisant négligemment, dédaignés par des femmes glamour mêlant la fumée de leur cigarette à la leur, comme des prémices de leur futur rapprochement.
La cigarette est aussi l’apanage des voyous, des bad boys, ils fument de façon bien plus canaille et plus crâne. Ensuite, dans les films des années 70’s, 80’s, tout le monde fume, tout le temps, au travail, dans les trains, au restaurant… on vivait dans le brouillard !

J’aime encore mieux regarder des fumeurs et des fumeuses en dehors des films, dans la vraie vie, en soirée en particulier.
J’ai eu un choc un soir en voyant une amie dans sa superbe tenue de latex fumer en rêvant. Fabuleuse ! Et tout récemment, j’ai aimé regarder ce soumis cagoulé de latex, fumer en liberté dans des caves surchauffées. On ne voyait que ses yeux et sa bouche, et sa cigarette blanche tranchant sur le noir du latex.

La cigarette peut être incluse dans certains jeux aussi. Je me souviens d’un début de soirée en particulier. Je fais visiter à un nouveau venu les Caves Saint Sabin (j’aime jouer les guides et accueillir les nouveaux ^^), je lui montre même le coin fumeur, glacé et désert pour l’instant. Il ne résiste pas à l’envie d’allumer une cigarette et je me délecte de chaque étape : le clic du briquet, la flamme qui jaillit, la cigarette portée à sa bouche, sa mise en feu… et ses yeux qui se ferment de plaisir tandis qu’il avale une première bouffée. Un geste sensuel, distingué… Il oublie tout un instant, le lieu, la soirée, moi, pour disparaître dans ses songes et un nuage de fumée. C’est un doux dominant, j’ai envie de réaliser quelques fantasmes. Je me rappelle à son bon souvenir, en proie aux flammes de la tentation.
— Je voudrais que tu me souffles la fumée au visage !
Il ne s’étonne pas ; on est dans une soirée bdsm après tout, personne ne s’en offusquera – et d’ailleurs, nous sommes seuls. Et de mon côté, une pincée d’humiliation, un soupçon d’avilissement, devient une friandise à savourer, tout en me régalant de son allure de bad boy. Un dandy des temps modernes qui s’assoit sur la bienséance de notre temps et la prudence.
Je ferme les yeux, je tends mon visage vers lui, la bouche entrouverte pour fumer avec lui, et je sens son souffle chaud me brûler le visage comme le vent du désert. Je respire avec délice ce parfum de tabac chaud.
— Encore !
Il sourit de mes exigences, et recommence. Une fois, deux fois, trois fois… je ne m’en lasse pas ! Lui pense à quelque chose.
— Une de mes soumises aime le contact des cendres dans la paume de ses mains… ce n’est pas douloureux…
Une confidence qui est une suggestion, je ne m’y trompe pas !
L’envie se dispute à mes réticences. Je ne crains pas d’avoir mal, mais je répugne à me salir les mains, les lavabos sont loin. Je décline ; une autre fois peut-être, dans l’intimité. J’ai déjà vu des soumis tendre la langue, recevoir les cendres de leur dominatrice, comme d’autres l’hostie à la messe. Une vision troublante…
Il me tend sa cigarette, je l’accepte avec plaisir, pour communier avec lui, sceller un pacte secret. Je n’ai aucun plaisir à fumer, mais là aussi c’est le geste qui me plaît, la transgression. Je joue les stars glamour de films en noir et blanc, soufflant d’élégantes volutes de fumée, m’amusant à faire rougeoyer le bout incandescent, avant qu’il ne tombe en poussière – j’aimerais bien un soumis à mes pieds pour lui souffler la fumée au visage.
Nous échangeons plusieurs fois sa cigarette comme des hippies autour d’un feu de camp en nous souriant. Une fois de plus, j’envie les fumeurs qui se retrouvent longuement dans ces coins fumeurs, se rapprochent, et vivent une autre soirée, plus cosy, à l’écart de la grande soirée. Une communauté où se nouent des rencontres, des histoires, où s’échangent des secrets… Mais je ne tiens pas longtemps dans ces lieux enfumés, j’ai les yeux qui piquent, la gorge qui gratte, je finis toujours par battre en retraite ! Il existe des espaces fumeurs particulièrement attractifs, je pense à celui du Faust par exemple, où s’est déroulé nombre de Nuits Dèmonia, celui de l’ancien lieu de la Nuit élastique, haut-lieu de rencontres improbables… D’autres, trop réfrigérés, trop exigus, ne me tentent pas, les gens ne s’y attardent pas, une fois leur cigarette terminée.

Je me souviens d’une autre soirée, il y a longtemps, du temps où les soirées fetish étaient plus « trash » qu’aujourd’hui (elles sont beaucoup plus proprettes maintenant 😉, et encore je n’ai pas connu « la grande époque » que l’on me raconte parfois avec des étoiles plein les yeux !) Une domina à couettes façon Harley Queen fumait avec défi, elle soufflait la fumée sur la figure de son soumis. Soudain, elle le gifla sans prévenir à toute volée, avant de l’attraper par la tignasse pour lui fourrer le nez dans son intimité. Mais le soumis est bientôt arraché à l’origine du monde, giflé violemment à nouveau, insulté copieusement pour son manque de talent. Le tout en fumant constamment, provocatrice, insolente, insouciante, avant de l’envoyer chercher un verre. Je la regardais bouche-bée du coin de l’œil en secret, réjouie par son assurance et sa mauvaise humeur. Je me suis empressée de l’imiter ! Enfin, pas en tout, je me suis contentée de réclamer une cigarette à mon soumis, pour le plaisir de lui souffler la fumée au visage, de voir ses yeux s’embuer, ses longs cils battre à toute vitesse… Lui se délectait de son humiliation, de me faire plaisir, et moi d’enfreindre toutes les règles, et de le regarder en riant.
Les soirées se sont considérablement assagies depuis ! Nous traitons les soumis avec bien plus de déférence 😉 et toujours dans le cadre de jeux consentis — et c’était sans doute le cas pour ce soumis du passé avec sa domina à couettes, il devait aimer être malmené, bousculé, puisqu’il ne partait pas.

En Allemagne, en Hollande, les participants des soirées fument sur le dance floor, au bar, partout… cela n’est pas gênant, car les lieux sont vastes, et il y a assez peu de fumeurs et fumeuses. Au contraire, cela ajoute au caractère sulfureux, trash, des soirées que l’on affectionne…
En France, seules quelques très rares soirées underground l’autorisent, je ne les citerai pas pour ne pas leur causer d’ennuis !

(Je viens de jeter un coup d’œil à Wikipedia – j’aurais dû commencer par là, je suis pourtant à bonne école avec La pointe du cul qui explore les fétichismes et commence toujours par notre encyclopédie préférée. Ce fétichisme s’appelle « Capnolagnie », la cigarette étant un symbole phallique  -okayyyy tout s’explique ^^)

Aux origines de ce fétichisme (léger, il n’a rien d’obsessionnel), je ne sais pas trop… J’ai de rares souvenirs de ma mère en train de fumer, au début des vacances « pour ajouter une odeur moderne dans la vieille maison qui sentait le renfermé ». Je la trouvais aussitôt rajeunie de vingt ans, sexy, glamour, séduisante… Je découvrais que ma mère avait eu une autre vie, avant moi, avant même mon père, une vie mystérieuse. Plus tard, à la sortie du lycée, pendant les études, je regardais en douce les garçons qui fumaient, ces bad boys m’attiraient irrésistiblement, moi qu’on avait élevée dans la sainte horreur de la cigarette (l’odeur du tabac froid, « tu auras les dents jaunes », les dangers pour la santé… – sauf exceptionnellement en cas d’urgence comme en vacances.)

Je voulais chercher plus de photos d’acteurs et d’actrices en train de fumer, mais je manque de temps, je complèterai plus tard…
(pas la peine de préciser qui est qui je pense)

Quelques dessins de Yves Yxes qui partage aussi je crois ce fétichisme de la cigarette

– Photo d’illustration de Formento, deux transgressions en une !

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