Les convives se sont présentés dans l’épisode précédent, et vont maintenant passer aux choses sérieuses !
Dans la salle à manger
— Sur cette table, nous avons disposé les armes du célèbre jeu, expliqua le docteur Lenoir. À vous de les utiliser pour vos ébats, selon vos envies ! Ne faites pas cette tête-là chers amis, je suis certain que vous saurez les détourner avec votre imagination débridée, je vous fais confiance. Bien sûr, ce ne sont que des suggestions, il n’est pas interdit d’utiliser vos mains, vos bouches, vos… Bref ! Allons, venez, ne soyez pas timides, je vous invite à venir choisir dès à présent les armes pour vos corps à corps ! Et quand vous les aurez utilisées, vous les remettrez sur la table. Notre madame Blanche veillera à les nettoyer avant de les remettre à la disposition de tous, n’est-ce pas Blanchette ?
— Avec plaisir docteur ! frétilla la jeune fille, heureuse comme un poisson dans l’eau.
— Dans quel ordre pouvons-nous choisir ? demanda le professeur. Il est clair que certaines armes sont bien plus intéressantes que d’autres !
Blanchette se ruait déjà vers la table et s’emparait du chandelier, le seul accessoire qui lui semblait digne de son rôle de petite bonne à tout faire. Un chandelier à plusieurs branches, légère entorse à son modèle.
— Et comme ça, je pourrai tenir la chandelle, pouffa-t-elle.
— Je doute fort que vous en soyez réduit à cette dernière extrémité mon petit, se récria le colonel qui avait des vues sur ses atouts. Moi je choisis le poignard, il est parfaitement assorti à ma tenue, se justifia-t-il en l’accrochant à sa ceinture.
Madame Pervenche s’empressa de s’emparer de la corde. Des cordes plutôt… Des cordes de shibari ! Elle s’en réjouit, elle adorait pratiquer cet art cruel et beau.
Le professeur violet considéra la matraque, la soupesa, et la prit. Elle était authentique, de toute évidence. Il pourrait sûrement en faire quelque chose ; elle avait la taille idéale, en diamètre comme en longueur.
— J’arrive trop tard, ce qui reste ne me dit rien, soupira le révérend. Je me suis sacrifié pour mes brebis, bien que galeuses. En réalité, je n’ai besoin de rien, disposant de ma matraque personnelle.
Il se rengorgea, fier de son petit effet. Ces dames gloussèrent, indulgentes – un peu d’humour potache était bienvenu pour détendre l’atmosphère.
— Petits joueurs ! persifla le docteur Lenoir. Personne ne choisit la clef anglaise ou le révolver ? Mais la soirée ne fait que commencer, vous aurez tout loisir de revenir dans la salle à manger si vous changez d’avis. Les règles du jeu n’interdisent pas d’avoir plusieurs armes… Vous pouvez circulez où vous voulez, mais sans jamais prendre les escaliers. Il n’y a pas de système de dés pour se déplacer, on y passerait la nuit sinon, et plus encore. J’imagine que vous vous souvenez des parties de Cluedo interminables de votre enfance !
— Nous, on avait changé les règles, raconta Mademoiselle Rose. On jouait entre cousins, quand on était ados. On avait passé l’âge du Cluedo, mais on s’ennuyait tellement… Pour se déplacer d’une pièce à l’autre, on enlevait un vêtement au lieu de lancer les dés. Il y a neuf pièces, et comme c’était l’été, j’avais juste une robe et des dessous… Vous imaginez bien que l’on était vite tous nus. Ensuite, pour continuer à se déplacer, il fallait embrasser son voisin. Sur la bouche bien évidemment…
— Voilà une version très intéressante et édifiante ! Encore mieux que les cours d’éducation sexuelle du collège… J’espère néanmoins que vous irez un poil plus loin ce soir, à présent que vous êtes tous majeurs, s’amusa le docteur Lenoir. Vous êtes tous des libertins aguerris et des pratiquants BDSM d’expérience, je n’ai nul besoin de vous rappeler les règles liées au consentement. Le consentement doit être clair, et il est révocable à tout moment ! Le safeword de la soirée, c’est Cluedo, tout simplement, et il met fin à la pratique en cours. Ah, une dernière chose : je me tiendrai dans la véranda, d’expérience la pièce la moins prisée des joueurs, si vous avez besoin de quoi que ce soit. Si je n’y suis pas, car j’ai bien l’intention de me promener partout pour veiller sur vous, un téléphone est à votre disposition sur la table basse, puisque j’ai confisqué les vôtres. Mon numéro est enregistré. Et maintenant, que le jeu commence !
— Et comment on gagne ? interrogea le colonel, un brin compétitif, considérant avec satisfaction son poignard.
Le docteur Lenoir leva les yeux au ciel.
— On est dans une soirée libertine et kinky, avec un décor et un thème, certes, mais je ne vais pas compter les points ! Le côté libertin prime sur le côté escape game, je pensais que vous l’aviez compris…
Le colonel se rembrunit, vexé, et le docteur Lenoir le consola.
— Cela dit, vous marquez un point, si je puis dire ! Quand on évoque un jeu, on pense forcément à gagner… J’ai une idée : le gagnant ou la gagnante ce sera celui ou celle qui aura fait preuve de plus d’imagination et procuré le plus de plaisir aux autres… J’offrirai un prototype de mon jeu de société « Le Culedo » – j’en ai fait fabriquer quelques-uns pour le tester. « Le Culedo », c’est son nom de projet, je tâcherai de trouver quelque chose de meilleur goût pour sa commercialisation. Mais auparavant, je dois vérifier sa conformité juridique, au cas où le véritable Cluedo me collerait un procès, même si je lui rend hommage, à ma façon. Si tout se passe bien, le gagnant sera aussi mon ambassadeur privilégié lors de son lancement !
Le colonel sourit largement ; on pouvait compter sur lui pour remporter cette bataille et ce glorieux trophée.
Pendant un long moment, il ne se passa rien, les convives se contentaient de bavarder, de s’aguicher. Blanchette leur proposa une nouvelle coupe de champagne.
— La dernière jusqu’à nouvel ordre, annonça-t-elle. Le docteur dit que l’on doit avoir toute sa conscience pour jouer.
— Je vous invite à rejoindre le dance-floor, annonça le docteur Lenoir.
Dans la salle de bal
La salle de bal se révéla immense pour leur petit nombre. Ils se regroupèrent autour du docteur Lenoir, installé derrière les platines. La danse était toujours propice aux rapprochements des corps ! Elle serait le coup de pouce décisif qui ferait basculer la soirée.
Il lança sa playlist avant de donner l’exemple en invitant Blanchette à danser un rock endiablé. Effectivement, elle portait bien un porte-jarretelle en dentelle blanche, tout comme sa culotte. Le colonel s’épongea le front, pris d’un coup de chaud devant cette vision émouvante. Le révérend ne perdit pas plus de temps, il souleva sa soutane et trotta vers mademoiselle Rose.
— Puis-je vous inviter à danser ?
Elle se défila en minaudant.
— Je ne voudrais pas pervertir un saint homme !
Je ne dois pas lui plaire, s’affligea le révérend en secret.
Mais elle lui fit un clin d’œil et dansa avec la dernière énergie devant lui. Bientôt, il se déhanchait et dansait à l’unisson, engageant tout son corps dans la bataille.
— J’ai dit ça pour le jeu… que je ne nommerai pas, puisqu’il s’agit de notre safeword. Vous êtes un homme d’Église, et on se doit d’incarner nos personnages de notre mieux, c’est la base du jeu de rôles !
— Fichue soutane, râla le révérend. Je sens qu’elle va freiner les ardeurs des dames, susciter des scrupules… je l’enlèverais bien !
— Certaines peuvent en être excitées, au contraire, et ce sont elles qui vous l’enlèveront !
— Vraiment ? Est-ce votre cas, Rose ?
Les autres joueurs gagnèrent aussi ce coin de la piste de danse et se trémoussèrent avec entrain, ragaillardis par le champagne, tout trac envolé. Ils se tenaient par la main, par la taille, mimaient quelques passes de rocks, des slows… Autant de contacts éveillant leur désir.
Le docteur Lenoir se retira, satisfait. La soirée était lancée, les premiers couples se formaient déjà.
à suivre…
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