Un ami féru d’opéra me propose régulièrement de venir avec lui, je décline souvent (Wagner, 4h30 😱, mes fesses s’en souviennent encore). J’accepte parfois (La traviata, Madame Butterfly 💕) …
Je lui dis oui pour Macbeth, après avoir regardé rapidement sur internet — Verdi, parfait, j’aime les opéras italiens !
Sauf que j’ai lu trop vite sa proposition, je n’allai pas voir Macbeth tout court, mais Macbeth Underworld : sa suite moderne, d’un compositeur contemporain — et même bien vivant — dans les enfers…
Dès la première note, l’enfer se déchaîne pour moi aussi : musique dissonante dans mes oreilles peu exercées ! Le fou rire menace — qui n’a jamais lutté contre un fou rire malvenu ne connaît pas la vraie souffrance — j’enfonce mes ongles dans la paume de mes mains jusqu’à l’insoutenable pour éviter que mon rire fuse au milieu de cette respectable assemblée d’esthètes, en extase devant ce désordre de grincements. Je me sens complètement décalée, comme le petit garçon du conte de fée « Les habits de l’empereur », prise au piège.
Heureusement, la mise en scène se révèle un enchantement gothique, fetish, gore, horrifique et féerique ! Escaliers ouvragés en colimaçons tournoyant, arbres morts géants se mouvant lentement et peuplés de démones, cérémonies d’outre-tombe, sorcières sensuelles… et cette scène, quand la nappe de la table de banquet se soulève et devient un fantôme se déployant en majesté !
Les costumes n’auraient pas dépareillé à la nuit Dèmonia, en particulier le roi assassin avec son poignard dans le dos et son pourpoint blanc dégoulinant de gouttelettes de sang scintillantes… (mon goût pour le fantastique sanglant apprécie chaque détail !)
Je savoure cette mise en scène mouvante comme un manège d’horreur, qui accompagne si merveilleusement les tourments du couple maudit, et le miracle s’accomplit, la musique ne vrille plus mes oreilles écorchées vives un instant plus tôt, elle s’est mise au diapason, parfaitement assortie et en phase avec la mise en scène qui la sauve, la magnifie. On ressent pleinement l’effroi, la terreur, les tortures des coupables précipités en enfer, condamnés à revivre leurs crimes encore et encore.
Tout est une question d’immersion à l’opéra, que ce soit d’abord grâce à la musique, les voix, la mise en scène… il faut lâcher prise, même si à froid « on n’aime pas la musique classique contemporaine ». De toute façon on est là, coincée pour deux heures de souffrance, et passé les quelques minutes de sidération du début, il n’y a pas d’autre solution que de se laisser aller, fataliste et amusée, avant d’être finalement ensorcelée.
— c’est un peu comme dans le bd*m, pour dépasser la souffrance, atteindre le subspace, il faut s’abandonner en confiance… Là, dès que j’ai vu la première scène, j’étais follement conquise par la mise en scène, je me suis sentie entre de bonnes mains, expertes et magiciennes, je me suis détendue, j’ai « accepté » le flot de musique étrange, au lieu de la rejeter de toutes mes forces, j’ai évité de penser, de critiquer, de regretter, et le sortilège s’est accompli…
Morale de l’histoire quand même : tout comme les soirées, bien lire le descriptif, et le bon, avant de dire oui étourdiment !
Morale de l’histoire 2 : rester ouverte aux nouvelles expériences, même si elles ne nous tentent pas « a priori »
Quelques photos de l’opéra – bien sûr, c’était infiniment plus beau et plus prenant en « vrai », avec la musique assortie.