Je m’étais exaltée en fin de collège en lisant « Le silence de la mer », et j’étais curieuse de le relire, en retombant sur lui par hasard en fouillant la bibliothèque. (déjà, ce titre !)
L’histoire raconte l’attraction indicible et l’amour impossible entre deux êtres pendant la seconde guerre mondiale : un officier allemand musicien, raffiné et francophile, mais néanmoins ennemi, et une jeune fille silencieuse et vertueuse, résistante dans l’âme. Elle n’accorde pas un regard ni même un mot à l’occupant qui l’espère tant ; c’est un fantôme, il n’est rien, il n’existe pas. Elle se retrouve prise à son propre piège car on sent combien il lui est difficile d’ignorer l’officier, jour après jour. Ses mains parlent pour elle, accrochées à son ouvrage comme à une bouée de sauvetage.
L’officier, féru de littérature française, s’éprend visiblement de la petite française obstinée, enfermée dans son silence, un silence hostile au début, et de plus en plus douloureux et fébrile. Une souffrance palpable et oppressante que l’on ressent physiquement au fil des pages.
Une histoire sensible, délicate, écrite du point de vue de l’oncle à qui rien n’échappe.
J’ai retrouvé avec plaisir la beauté de l’histoire, romantique et terrible, la souffrance des non dit, l’amour naissant là où on ne l’attendait pas, la difficulté de rester « droite dans ses bottes »- mais comment faire autrement, au risque de trahir son pays et au passage de perdre l’estime de l’officier. Il n’y a aucune issue possible…. (s’il s’agissait d’une romance actuelle, on pourrait imaginer qu’il soit blessé dans un attentat de la résistance, et qu’elle soit « obligée » de le soigner… Difficile d’ignorer ce dont on prend soin, s’il faut en plus laver au gant un corps musclé, bander un bras… Les peaux se parleraient directement, sans que les consciences s’en mêlent.. Pour ajouter un peu de drama bien lourd, l’attentat aurait pu être fomenté par l’oncle et ses camarades du maquis… Mais on n’est pas dans une romance, c’est un roman de résistance avec une fin attendue, sacrificielle. Il y a des classiques auxquels on ne peut toucher un cheveu, sacrilège ! )
Le style a bien sûr un peu vieilli, beaucoup d’emphase et de patriotisme paradoxal dans la bouche de l’officier (le livre est paru pendant la guerre).
Et puis il est un peu trop beau pour être vrai (sa jambe raide ne le rendant que plus attachant), tandis que les autres allemands évoqués sont caricaturaux.
Je repense aux fêtes fetish d’Amsterdam qui rassemblent des hollandais, des allemands, des belges, des anglais… et je me réjouis de nos goûts communs et que l’on fasse la fête tous ensemble ; comment avons nous pu faire nous faire la guerre, et à plusieurs reprises ! Maintenant, c’est sûr, c’est un amour pour toujours avec les allemands et tous les autres habitants des pays d’Europe.
En tout cas, ce thème des tabous dans les histoires d’amour (même si ce n’est pas le principal message de ce court roman, qui veut surtout mettre en avant l’attitude digne des français occupés, et une certaine forme de résistance) et aussi érotiques me plaît… Par exemple, l’inégalité (apparente) entre partenaires dans une relation bdsm, et là, le tabou absolu je pense, l’éclosion d’un amour interdit entre ennemis en temps de guerre.
2 commentaires
Il me semble qu’un des points importants est aussi le « désenchantement » brutal du jeune officier cultivé et esthète, face (si je me rappelle bien) à son propre frère, nazi convaincu, qui lui révèle brutalement le mensonge et le but réel et brutal du nazisme…
Je vous souhaite une bonne nuit!
(s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola
Oui, ses yeux se décillent, son monde s’effondre… c’est ce qui va le pousser à s’engager sur le front de l’Est, ce qui équivaut à une forme de sacrifice… Terribles passages, on ressent de l’empathie pour cet officier malgré nous, et on devine ce qui va lui arriver