Je rêvais depuis longtemps de visiter le Donjon de Patrick Le Sage, un Donjon exceptionnel au cœur de Paris. Je l’imaginais au fil de ses récits : Le Journal d’un maître, La discipline d’Arcane et L’Ombre du Maître — ces deux derniers écrits avec mon amie Julie-Anne de Sée — et mon envie ne faisait que grandir.
Julie-Anne connaissait mon désir et ma curiosité, elle a joué les entremetteuses et m’a organisé un rendez vous avec le Maître.
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Je suis en avance, je me promène dans le quartier en attendant l’heure fatidique. Je me coule dans la peau d’une soumise pour une fois ; j’ai rendez-vous avec un Maître, l’un des plus réputés qui soit, je ne dois arriver ni en avance, ni en retard, mais à l’heure dite !
Je suis sur des charbons ardents, de plus en plus nerveuse et excitée à mesure que l’heure approche. Frigorifiée aussi ! Je regrette une fois de plus la fermeture des cafés, j’aurais pu attendre au chaud…
Je reconnais tout de suite la porte du Donjon à sa poignée digne d’un château. Je sonne et la porte s’ouvre sur un escalier de pierre qui descend directement dans les caves. Je remarque une bibliothèque où s’alignent des bocaux : chacun contient une petite culotte, une étiquette rappelle le nom de la soumise qui la portait et la date. Des souvenirs de séances passées ! J’aimerais prendre le temps de les regarder, reconnaître quelques noms peut-être, mais je préfère ne pas m’attarder, je suis attendue.
En bas des escaliers, j’entends la voix de Patrick Le Sage.
— Madame, mettez le bandeau rouge posé sur la commode.
Je le noue autour de mes yeux, je ne vois plus rien. Il s’approche de moi, retire mon manteau, prend mon sac, et m’invite à descendre une nouvelle volée de marches.
— Vous pouvez enlever le bandeau le temps de descendre l’escalier en toute sécurité, et le remettre une fois en bas.
Je replace sagement le bandeau sur mes yeux en bas des marches. Ça me plait d’être privée de la vue, tous mes autres sens s’aiguisent, et une légère appréhension me fait frissonner et bouillonner tout à la fois. De la musique classique envahit les lieux et ajoute à mon effervescence ; Mozart, Era… Je perçois soudain la présence du Maître à mes côtés, il prend mon bras et me fait visiter son domaine, m’invitant à m’installer ici ou là, à me positionner contre tel mobilier de torture. Une promenade à tâtons, à l’aveuglette sous sa houlette ! Je crains de trébucher ou me cogner au début, mais je ne tarde pas à lui vouer une confiance totale, je le laisse me guider à sa guise. Je tente d’imaginer où je me trouve par le seul sens du toucher : ici un grand lit, là un support en métal auquel il m’attache, les bras levés…
Patrick Le Sage enlève enfin mon bandeau, je découvre son regard rieur et son grand sourire.
— Bonjour Madame !
Je suis instantanément réchauffée et soulagée, le temps des épreuves s’achève — et un brin déçue peut-être… j’aurais bien aimé tester… je ne sais pas ! Selon l’inspiration du Maître… Je reconnais ne pas être un « sujet » facile : dominatrice à mes heures, douillette, curieuse, tout en gardant toujours le contrôle, raide comme la justice…
Patrick Le Sage m’explique le plaisir extrême ressenti par ses soumises, même les plus effrayées au départ. Je le crois, je l’ai lu aussi dans ses livres, elles jouissent comme jamais elles n’ont joui auparavant ! Elles franchissent un seuil, passent un cap ; elles lâchent prise, s’abandonnent en confiance, et le Maître les révèlent à elles-mêmes. Je ne suis pas intéressée par la douleur, mais le plaisir, lui m’intéresse énormément, et je bois ses paroles. La clef : ne pas chercher à garder le contrôle. C’est pas gagné de mon côté…
— Madame, j’organiserai un gang-bang pour vous, cinq ou six beaux garçons, musclés, avec des corps superbes, des pompiers, rien que pour vous…
Je m’y vois déjà !
— Je pourrais choisir celui que je préfère ? Et faire ce que je veux de lui ?
— Ah non, tous vous prendront, et vous jouirez comme jamais, je vous en fais la promesse…
Voilà qui mérite réflexion !
C’est le temps de la visite, les yeux grands ouverts cette fois. Je me trouve dans une véritable cave de tortures digne du Moyen-âge, à ceci près que tout est dédié aux plaisirs masochistes liés aux contraintes et aux souffrances. Et au plaisir tout court ! Les lieux sont anciens, chargés d’histoires, et datent du 12e, 14e siècle. Un château se situait là autrefois.
Nous déambulons à travers la pièce emplie d’équipements, de mobiliers. Il y a une cage qui s’enfonce dans le sol, elle peut être relevée grâce à un mécanisme. On s’y tient tout juste assise, certaines soumises y passent parfois la nuit. Une autre cage est installée dans un puit, plus vaste, avec quelques coussins. Il y a aussi une cage très petite, de contrainte, dans laquelle on ne peut rester longtemps en revanche. L’enfermement volontaire me fascine, et je frémis, attirée et effrayée à la fois, en vraie claustrophobe. Je regrette de n’avoir pas tenté l’expérience, que risquais-je ? C’est bon de se confronter à ses phobies, à ses pires frayeurs, tout en se sachant protégée avec attention…
Patrick Le Sage est un bricoleur et un inventeur de génie. Il a fabriqué toutes les installations,tout l’équipement de son Donjon ; il sait travailler le métal, l’électricité.. Il crée des sextoys puissants, des fucking machines, il répare des tables de chirurgie, les transforme pour les adapter aux jeux qu’il affectionne, avant de devoir parfois les réparer à nouveau si elles sont trop malmenées par les pompiers en action. Il imagine aussi des accessoires de contraintes, comme ce casque intégral qui prive de tous les sens.
Sa pratique des piercings m’impressionne. Il aime piercer ses soumises, percer leurs seins, leurs sexes, et même leurs joues de longues tiges de métal. Je lui demande s’il reste ensuite des séquelles, des cicatrices, des « trous ».
— Si les tiges restent peu de temps, en deux jours, il n’y aura plus la moindre trace.
Par contre, si une femme porte longtemps des barrettes au sexe, ses grandes lèvres resteront trouées, même une fois les barrettes d’acier enlevées. Je me souviens alors d’Arcane, dont le sexe avait été fermé plus d’une année, et qui avait appris à jouir en étant sodomisée.
Patrick Le Sage me conduit ensuite dans une salle voisine, où règne une toute autre atmosphère, presque religieuse. Il y a un cercueil, un confessionnal, et derrière lui, une impressionnante collection de robes dignes de films historiques cousues par le Maître lui-même ! Il me propose d’en essayer une, et l’espace d’un instant, je suis transformée en une princesse dark avec ma longue robe noire, elle s’ouvre discrètement par derrière, pour un usage que j’imagine facilement. 😉 Je ne voudrais plus la quitter, je raffole des robes de bal !
A côté, une petite pièce accueille un grand lit rond destiné aux gang-bangs qui terminent souvent les séances. J’imagine fugitivement cinq ou six pompiers nus, m’attendant en se caressant lascivement.
Une silhouette se glisse à travers le rideau rouge au fond de la pièce : Julie-Anne ! Elle me fait la surprise de venir en fin de visite pour partager une coupe de champage avec nous, je suis ravie ! On s’amuse à prendre des photos, on teste des postures sur des installations de contrainte, sous le regard bienveillant du Maître. Je me risque à m’étendre dans un lit matelassé de soie, destiné au repos éternel. Je ferme les yeux, à l’écoute de mes sensations, mais le rire l’emporte, car mon amie, agenouillée sur un prie-dieu, fait semblant de prier pour le salut de mon âme damnée.
Patrick Le Sage nous invite à gagner une nouvelle pièce, un vaste salon où trône un lit à baldaquin, une pièce chaleureuse où abondent les œuvres d’art du Maître ou offertes par ses amis. Il est aussi artiste et crée de nombreux moulages érotiques animés parfois d’effets lumineux, j’aime beaucoup ! J’aurais dû penser à prendre quelques photos, s’il m’y autorisait, mais je vivais intensément le moment, je n’ai pas fait mon job de blogueuse. Il nous montre des chapeaux qu’il a conçus, avec leurs longues franges rouges ou noires, et nous nous amusons à les essayer. J’essaye aussi des masques somptueux, des colliers, dont un tout en métal qui me donne un port de reine. Impossible de pencher le menton au risque de me couper !
Moi qui adore les tenues de soirées, de fêtes, je suis au paradis, je pourrais rester toute la nuit et tout essayer… Je fantasme sur une soirée à laquelle je participerais en tout anonymat, apprêtée par le Maître. Je déambulerais à son bras, incognito, je reconnaîtrais des amis, mais personne ne me reconnaîtrait… Tout serait possible alors !
Nous trinquons joyeusement en bavardant, jusqu’à ce que le Maître accroche autour de mon cou un médaillon gravé de son symbole, une fleur de lys.
— Je l’offre aux soumises qui viennent dans ma cave, ainsi, elles peuvent se reconnaître entre elles quand elles le portent en soirées…
Je suis fière de compter parmi elles ! Il est vrai que j’ai cédé mes dessous en dentelles. Un peu de moi va rester dans le Donjon, un souvenir matérialisé par cette dentelle noire roulée en boule dans son flacon, avec cette mention écrite de la main du Maître : « Clarissa, le 7 janvier 2021 »
Je suis très tentée de revenir… Essayer d’autres robes, d’autres colliers, des masques, et peut être d’autres choses aussi, sur lesquelles je jetterai un voile pudique.
Mon pendentif à la fleur de lys suspendu à mon miroir accroche souvent mon regard et m’y encourage ! Je me promets de le porter lors des prochaines soirées, dès qu’elles pourront reprendre. Peut-être le verrai-je au cou de certaines ? Nous échangerons des regards de connivence, nous avons été choisies pour passer un moment entre les mains du Maître !
Pour en savoir plus, je vous invite à lire ses livres :
Ils sont parus aux Editions Tabou
– Le journal d’un Maître, qui relate son parcours
– La discipline d’Arcane : l’histoire particulièrement intense vécue avec sa soumise Arcane (ma chronique ici)
– L’Ombre du Maître : recueil de nouvelles vécues (ma chronique ici)
Sur Youtube, un reportage permet de visualiser son Donjon : à regarder ici
Et pour découvrir mon amie de plume Julie-Anne de Sée : cliquez ici
Photos : Patrick Le Sage
4 commentaires
Je suis ravie de t’avoir apporté un peu de chaleur et de distractions, en ces temps où les deux manquent cruellement !
Oh quelle amusante coïncidence ! Joyeux anniversaire avec un léger retard ! Je suis contente de te faire rêver
Tu as laissé ta dentelle intime le jour de mon 60ème anniversaire. J’en rêve.😅. Merci pour ce récit
Voilà un récit de visite qui fait voyager dans les profondeurs. Celles de la terre, avec cette descente progressive dans les soubassements des bâtiments parisiens, mais aussi dans les tréfonds de notre pensée, le secret de nos pensées cachées (peut-être pas si bien 😇). Pour accompagner ce texte qui nous conduit vers l’été (il fait u’ peu plus chaud, soudain, ne trouvez-vous pas ?), les clichés qui nous montrent une Clarissa embastillée donnent corps aux évocations de ces lignes. Et le sourire qui vient sur les lèvres en lisant l’arrivée d’une nouvelle protagoniste qui se prête au rituel au bord de la couche au lo’g cours, et le verre de champagne qui suit.
Bref, une récréation fort bien venue au milieu de cette période qui a supprimé la perspective du contact de la peau, de l’idée qui donne chaud tout à coup. Merci pour la visite.