J’arrive pile à l’heure afin de ne pas rater le cours de danse qui précède les lectures (j’adore danser, et les occasions sont si rares !). Evidemment, les deux seules personnes que je connais sont en retard, et je me résous à monter seule sur scène 😉 Enfin, en compagnie de dizaines d’inconnus… Un professeur de danse nous entraine dans des zooks, salsa, merengue endiablés, des musiques qui sentent bon les Antilles, le soleil chaud et le rhum. Notre prof a le rythme dans la peau et dans le sang, il ondule des épaules, des hanches, lascivement, nous invitant à l’imiter. Il sourit de toutes ses dents en voyant nos piteuses performances. Raide comme un piquet, empotée, je m’applique à copier de mon mieux ses gestes, soit les jambes, soit les bras, impossible de faire les deux à la fois. Quand au roulis des fesses, de la poitrine, j’ai quelques progrès à faire ! Les vestes et gilets chutent, nous mourrons de chaud déjà, et nous sommes mûrs pour entendre les textes les plus crus.
Je suis toute contente de rencontrer Anne Bert. J’aime beaucoup son écriture, et je suis régulièrement son blog Impermanence qui déchaîne souvent les passions. C’est super de rencontrer un auteur aimé avec qui on a échangé des messages et des points de vue. Nous papotons alors que quelques sons de batterie parviennent déjà à nos oreilles. Ils croissent, emplissent la salle, envahissent tout, et accélère nos cœurs. Nous nous taisons. Nous sommes saisies, immobiles dans nos fauteuils, transportées dans un univers de rythme assourdissant qui nous fige de surprise et bientôt nous enthousiasme follement.
Chaque lecture sera ponctuée d’un incroyable solo de batterie, véritable one man show. Norbert Lucarain joue de ses percussions en virtuose, excelle à nous mettre dans une ambiance extraordinaire, et prépare à merveille la lecture de chaque extrait, avec souvent des bruitages et gémissements en forme de clins d’œil. (un petit aperçu à la fin de mon article)
Un silence total règne dans la salle, et la voix des lecteurs s’élève, pure, forte, engagée, sans que le moindre brouhaha ne trouble leur lecture. Je suis conquise en un instant, et pour toujours. Ils lisent à merveille, y mettant tout leur cœur, leur passion, avec le ton, l’humour réclamé par le texte. C’est aussi bon qu’au théâtre, et peut-être même meilleur encore car la langue, les mots, sont plus beaux, les descriptions nous permettent de mieux nous évader encore. Leur diction est parfaite, leur phrasé s’adapte merveilleusement à chaque style. Ils peuvent tout faire : simuler l’orgasme, jouer les pimbêches, les ados, les gros lourds, le moine paillard… une équipe de six ou sept lecteurs se succèdent, excellant dans tous les registres.
Quelques invités surprises ponctuent les lectures.
Une apparition toute en plumes, bijoux, froufrous vient d’entrer. Pel Mel, expert en la matière, identifie aussitôt la créature de rêve : Juliette Dragon, Directrice de l’école des filles de joie. Elle nous offre un effeuillage étourdissant, au rythme des seuls bruitages incroyables du percussionniste. Son micro, son souffle, ses bruits de bouche, remplacent tout un orchestre. Elle ôte ses gants, soupoudrant le public de poussière d’or au passage, retire ses plumes avec grâce, son corset, sa culotte à froufrous… Mais le corset cache un soutien gorge, la culotte rose un string noir… Puis, la danseuse saisit deux flambeaux, et jongle avec eux tout en prenant les poses les plus suggestives. Un vrai plaisir pour les yeux ! (jugez plutôt avec ma mini vidéo tout en bas).
C’est l’entracte, et nous retournons sur la piste de danse. Légère déception, le professeur ne revient pas nous guider, mais les meilleurs tubes s’enchaînent. Quelques danseurs de rocks me font terriblement envie et réveillent un irrépressible désir de danser. Je décide de prendre mon courage à deux mains. Quoi, je suis capable d’écrire les pires cochonneries, les publier sur un blog à la face du monde entier, et je n’oserais pas inviter un danseur, pour le plaisir innocent d’un rock, figée pour toujours dans ces conventions d’un autre âge « c’est au garçon d’inviter » ? Je me lance, et j’ai le plaisir incroyable de évoluer, voler, dans les bras d’un très bon danseur, l’espace de quelques minutes. Le regard noir jeté par sa compagne me fait redescendre de mon nuage à peine le morceau terminé, et je bats en retraite sagement. J’avise un autre amateur de rocks, et m’approche. Pas de chance, le vent tourne du coté des platines, et on est maintenant dans la série des rocks à toute vitesse des années 50. Il me fait tourbillonner, tourner, me rattrape de justesse, me porte, m’emporte, j’ai l’impression de faire l’amour depuis des heures, avant de manquer de me trouver mal (c’est décidé, je me remets au sport). La musique s’arrête quelques secondes avant mon écroulement sur le sol et je suis sauvée in extremis. Je remercie vivement mon cavalier infatigable et titube jusqu’à ma place pour m’évanouir tranquille, le cœur battant à cent à l’heure.
Les lectures reprennent, classiques, contemporaines, d’écrivains très connus ou pas, truculents, drôles, ou emphatiques. Rien ne nous sera épargné : l’inceste, les moins de 18 ans, la zoophilie, les pratiques les plus extrêmes…. Mais le tout lu avant tant de passion, d’emphase, d’expression, et des textes d’un si belle écriture, riche, foisonnante, pleine d’humour… nous sommes conquis et nous rions, applaudissons à tout rompre des pratiques qui devraient nous faire grimacer. Le talent des auteurs mêlés à celui des lecteurs composent un cocktail irrésistible. Ces lecteurs n’ont rien à envier aux meilleurs comédiens de théâtre.
Une autre invitée, Anna Polina, la star X de Marc Dorcel, pénètre sur la scène, et je peux sentir l’émoi des hommes environnants. Tous retiennent leur souffle. Je me sens un peu émue moi aussi, j’avoue. Son sourire, ses jambes interminables, ses talons vertigineux, son collant de latex si fin et si serré qu’il me semble deviner les contours de son sexe, son ravissant visage, sa poitrine opulente et remontée à la mode des années 50… Et naturelle, simple, directe, pas distinguée ou snob, plutôt « la bonne copine ». Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à tout ce qu’elle faisant dans, hum hum, le cadre de son travail. Elle nous décrypte avec humour et recul le scénario d’un film porno.
Un film X, ça a des codes, et ce sont toujours les mêmes depuis des décennies, Anna Polina aimerait varier, oui, mais le cinéma porno est en crise, ce n’est pas le moment de changer ce qui plait aux clients. Un film porno c’est donc : l’introduction (la petite scène où on parle encore), les bisous, la fellation, une, deux, trois positions, la sodomie, l’éjaculation).
Les lectures se poursuivent, s’enchaînent, et nous entraînent dans un érotisme de plus en plus sulfureux, jusqu’au dernier texte, trop vite arrivé. Dès les premiers mots, Anne Bert reconnaît tout de suite le texte gagnant du Festival Livres en tête auquel nous avons participé sur le site Short édition. Elle l’avait lu et aimé. J’ai l’impression de débarquer de la planète Mars, j’en ai lu des dizaines, mais celui là ne me dit rien. »Une histoire de crevette » est un texte espiègle, gourmand. Il m’a beaucoup plu ! Vous pouvez le lire ici (La seule fausse note de la soirée intervient ici. Aucun n’invité, ni même l’animateur, n’ont su trouver un mot gentil à dire à l’auteur, et ont même trouvé le moyen d’écorcher son nom. Pire, je crois même qu’il n’a pas eu un bisou. Pourtant la lecture de son texte venait d’être faite avec brio, ils n’avaient pas l’excuse de ne pas l’avoir lu !)
Le grand absent de cette soirée : le buffet. J’aurais donné mon âme pour une bouteille d’eau ! Le gosier desséché par la danse et les vivas, j’ai du m’abreuver au robinet du lavabo, ce qui m’a rappelé quelques souvenirs de soirées étudiantes…
C’est fini. Un dernier échange avec Pel Mel et Anne Bert avant de courir vers le dernier métro. Nous rions, on ne peut deviner nos jardins secrets en nous regardant. Anne, pétillante et rieuse, si belle, Pel Mel, très classe dans son costume cravate, comment soupçonner nos écrits brûlants 😉 Je suis d’accord avec eux, j’aime moi aussi l’ambiance bon enfant, simple, franche, naturelle, directe, qui règne entre auteurs et bloggueurs érotiques, point de faux semblant, on peut parler de tout à cœur ouvert et visage découvert, et c’est drôlement agréable. (D’ailleurs, la prochaine soirée de la Musardine est le 4 décembre, je compte bien me replonger dans cette ambiance !)
Une soirée parfaite ! Un mot enfin pour l’animateur, parfait Mr Loyal, enjoué, drôle, séduisant et séducteur, virevoltant entre ses invités. Je guète la sortie du CD de la soirée (avec j’espère les solos de batterie), et les prochaines dates de lectures à voix haute. En attendant, François Busnel nous a promis une soirée lecture éblouissante le 26 décembre prochain sur France 5, pour changer de Sissi, des bêtisiers et des émissions de variétés.
Vous pouvez lire le récit de la soirée raconté par Anne Bert ici, et y écouter aussi la lecture de deux textes.
Pour en savoir plus sur les livreurs, association de lecteurs à voix haute : cours, événements, cliquer ici
Les extraits lus : Liste_textes__rotiques
Pierre Jourde, mis en cause sur le choix de certains textes, s’explique sur le blog Confitures de culture
11 commentaires
Faut-il être lettré & dans un état d’abrutissement béa pour pour écrite un tel article où l’auteur ne semble que se parler à lui-même. Et dire qu’il n’est même « pas obligé d’être con » puisqu’il s’agit de « libre expression ». Madinx
Ce n’est pas parce qu’on est croyant qu’on est obligé d’être con – par Pierre Jourde – : http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/tag/festival+de+lecture+%C3%A0+voix+haute
AU SUJET DE : Pierre Jourde, mis en cause sur le choix de certains textes, s’explique sur le blog Confitures de culture ÊTRE CONFIT EN LITTÉRATURE !? OU LA LITTÉRATURE ATTITUDE !
CONFITURE DE CULTURE : « Le sexe à voix haute » http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/12/09/le-sexe-a-voix-haute-515632.html LITTÉRATURE = dit-on : « montrer, décrire, chanter, subvertir, et lire pour pouvoir choisir….etc »
En réalité, à part faire une sélection entre un auteur et un autre et décerner un prix à l’un ou l’autre, que peut-on entendre et attendre d’autre, qui est dit et de la LITTÉRATURE et fais ? lorsque l’on parle de la littérature -incapable de s’autocritiquer, de dé-fusionner d’avec son propre miroir. D’ailleurs. Il est dit dans cet article que « L’enfant est le dernier refuge du sacré » je répondrai à cela : faites à la littérature ce que l’on fait subir à l’enfant (surtout actuellement) et vous saurez que la littérature… et plus généralement, cette dérive du culte de l’esthétisme (style –par exemple pour lui-même) et d’auteurs littéraires qui se dédouanes complètement de leur propre parole…. Est ELLE, le dernier refuge du sacré. Et je n’aborde pas les aprioris et postulats modernistes que les médias (n’oublions pas que le livre en est un) rabâchent systématiquement comme dans cet article concernant par exemple (ce que serai être libre) sur le –tabou- les –interdits- la –sexualité-. D’ailleurs, combien d’auteurs d’antan valorisés par leur surprenante « modernité » tant tout ce qui est moderne est bon à consommer du simple fait que ce soit moderne, puisque tout est bon dans le cochon. Littérature, qui fait à l’heure actuelle -jeter le discrédit sur le journalisme (surtout les chroniqueurs à papiers) tant leurs écrits ne se veulent plus et ne sont plus que littérature de style.
La Littérature à de bien bonnes mises en question à se faire (si elle est capable de le faire elle-même, ce dont je doute). J’ai fait l’expérience depuis une vingtaine d’années ou plus, que si vous vous aventurez à ne pas être consensuel (béa) dans un dialogue avec un «Artiste » en général et que justement » vous questionnez ses tabous et codes, et bien en fin que compte, la plupart vous édicterons une petite liste d’un déclaratif, digne d’un petit adepte de secte (d’un esprit sectaire du moins). D’ailleurs, ce qui a mes oreilles est de plus insupportable, c’est d’écouter un auteur parler de son œuvre ou ouvrage (son livre) souvent à la télé ou radio. Superposez ne serait-ce que dix émissions en lesquelles un auteur parle de son œuvre, et vous apparaitrons dix jeunes adolescents devant vous, qui se croient diffèrent, rebelles, anticonformistes, libérateurs, mais qui portent le même survêtement et baskets de la même marque, avec à la bouche les mêmes slogans et expressiosn et les mêmes 300 mots d’un même état d’esprit et son de cloche. Bref, la même littérature attitude !
Bref, ce mythe des grands esprits ouverts de la Littérature et ses auteurs, tous ceux-là/cela ne m’a/m’ont témoignés que d’une bien petite faim et soif.
Au contraire de « subvertir » vain mot…(en ce sens que ce n’est pas un en soi de l’être, tout dépend ce que l’on vient subvertir)… je crois et pense en fin de compte que la littérature qui se veut -renverser un ordre, bouleverser un état de choses- à l’inverse de cela -génère des esprits à demeurer dans l’ordre établi bien à l’horizontale et dans une certaine complaisance sans rien porter d’un appel et fondement à la verticalité. La littérature ou ce que l’on en a fait du moins.
« Subvertir » c’est aussi une prétention du rock et de la pop en général : « Avant tout, la pop ce sont des chansons superbes. Le reste c’est du sexe, de la subversion, du style et de l’humour ». (Adam ant)
Je précise que ma petite littérature (sans style) ne vise pas des personnes ni leur activité professionnelle et passions et talents.
Madinx
Les filels du burlesque sont souvent ultra-féminines, avec parfois des courbes tres opulentes, mais un message visuel si fort, si doux, si pétillant.
Votre soirée semble avoir été délicieuse, tant mieux, jouissons de la vie (un remède gratuit, sans taxe et anti-morosité)
Merci cher Jhon Steed ! Oui, une soirée mêlant les plaisirs de la danse, de la littérature, de l’érotisme était vraiment une bonne idée… j’espère qu’il y aura d’autres occasions… j’essaierai d’en faire la promotion ici !
Vivement notre prochain déjeuner sans faux-semblant alors, pour parler de certains thèmes qui nous sont chers
L’excellente ambiance, bien sûr
Bonsoir Anne, merci pour ton commentaire ! Et tes compliments de toutes natures qui me font très plaisir Je confirme, ces extraits érotiques, aussi osés soient-ils, on été lus avec tant de talent et étaient si bien écrits qu’on pouvait tout entendre vendredi soir ! Il faut aussi replacer ces textes dans leur époque, d’autres temps d’autres mœurs, comme l’explique Anne dans son « salon littéraire ».. (Ce serait chouette s’il se réunissait « en vrai » de temps en temps ! )
Merci Juju les citer « à froid » dans mon article, je comprends que ça passe mal, mais dans une soirée érotique où l’érotisme des textes va crescendo, petit à petit, finalement ils sont passés très bien sauvés aussi par leur humour !
Le dernier métro arrete brutalement ce genre de sortie.
Tu es une vraie journaliste, ce compte rendu en atteste. Tout comme Eric certains thèmes ne me conviennent pas, ce que d’ailleurs tu précises dans ton analyse
dans le train je trouve ton mail qui me mène à ton compte rendu de soirée, alors oui ! plaisir partagé de te rencontrer ainsi que Pel Mel, il faut dire aussi que tu es un petit rayon de soleil à toi toute seule, quand je pense que ce sourire innocent et angélique cache un univers de cochonneries ) .. C’est délicieux ce grand écart…
Mais je rectifie quelque chose : tu n’étais pas empotée du tout sur scène lors de ton cours de salsa, tu as quelque chose d’une biche, as -tu déjà vu une biche qui se trémousse ? non, une biche bouge gracieusement, esquisse des gestes élégants…
Je confirme que les Livreurs lisent excellemment bien : pas de fausses postures et les textes choisis leur a permis de donner une idée de la palette de leurs talents.
La nouvelle gagnante, La Crevette est un joli texte fripon, il faut dire qu’après les vertes et les pas mûres que nous venions d’entendre, c’était rafraîchissant …non ?
@Erik Torrent :[ l’excellente « ambulance » ] ?…ehehe… j’y cherche le lapsus ..
Sinon le texte zoophile était si drôle et si bien lu que ..si j »ose dire …ça passait très bien ; Quant à celui sur l’inceste, c’est un texte du 18ème, le célèbre texte de Restif de la Bretonne qui raconte l’histoire de Conquette et de son père…et qui figure d’ailleurs dans l’anthologie Les plus belles pages de la littérature érotique, que j’avais chroniquée sur le Salon Litteraire ici : http://salon-litteraire.com/fr/claude-henry-du-bord/review/1816475-la-litterature-erotique-de-francois-villon-a-jean-genet-les-bienfaits-de-l-erotisme-litteraire Oui, c’est …sans détour quoi ! et totalement impubliable aujourd’hui ! Merci Clarissa pour ce billet ! (je ferai bientôt mes CR de cette soirée et de la remise du prix du livre numérique qui a eu lieu la veille)
Quel compte-rendu détaillé ! On s’y croirait presque Merci aussi pour les courtes vidéos qui apportent un plus certain J’aurais bien aimé être là, sauf pour les textes sur les mineurs, l’inceste et la zoophilie qui ne m’attirent vraiment pas Enfin j’adhère à 100% à ce que tu écris sur l’excellente ambulance sans faux-semblants entres auteurs érotiques