Lors de la dernière conférence du Salon de la littérature érotique à laquelle j’ai assisté, Anne Hautecoeur, directrice de la Musardine, nous parle de l’édition de la littérature érotique.
La Musardine joue un rôle clef dans la littérature érotique à deux titres : librairie et maison d’édition :
– La librairie La Musardine a été fondée en 1995. Elle propose toutes sortes d’ouvrages : des romans, des essais, des bandes dessinées, des beaux livres, des livres humoristiques, des livres sérieux… tous éditeurs confondus du moment qu’ils sont érotiques ou traitent de sexualité.
– Les Editions La Musardine ont été fondées en 1996 ; elles publient des romans, des essais, des bandes dessinées, des guides sexo, des recueils de nouvelles… Depuis cette année, la maison d’édition est devenue une SCOOP, une société qui appartient aux salariés.
La librairie comme les éditions La Musardine se portent bien, surtout la bande dessinée et la littérature, en particulier les nouvelles. Les nouvelles sont souvent un genre boudé dans la littérature classique, en France en tout cas, mais ce n’est pas le cas pour l’ érotisme. La nouvelle se prête très bien à l’écriture érotique qui se veut avant tout excitante.
Les recueils de nouvelles Osez 20 histoires de sexe rassemblent 20 histoires d’auteurs différents autour d’un même thème. Les histoires sont choisies en fonction de leur qualité, de leur inventivité. Des appels à textes sont régulièrement lancés.
– D’ailleurs, nous avons l’une des autrices dans la salle, Clarissa Rivière, fait l’animateur avec un clin d’oeil à mon intention.
Je voudrais disparaître dans un trou de souris et je rougis de confusion et de plaisir.
La collection des guides pratiques Osez existe depuis 2004. Elle a très bien marché jusque-là, mais Anne Hautecoeur avoue en riant avoir fait un peu le tour de la question, à moins de commencer à aborder des paraphilies vraiment originales.
La Musardine s’est mise très tôt au numérique, depuis plus de 15 ans, bien avant les autres éditeurs. Les lecteurs apprécient de lire sur tablette ou sur leur téléphone, c’est plus discret, et il n’y a pas de livres qui traînent dans la bibliothèque sur lesquels les enfants pourraient tomber.
Le principal souci de la littérature érotique, c’est que beaucoup de libraires se montrent réticents. Ils craignent de choquer leurs clients, et la littérature étotique n’est pas reconnue commme de la « vraie littérature » pour certains, elle reste un sous-genre.
L’animateur et l’assistance posent ensuite quelques questions à Anne Hautecoeur :
— Est-ce qu’il existe des tendances actuelles dans la littérature érotique ?
— Oui, beaucoup de livres sont publiés ces temps-ci autour de la sexualité féminine. On déniche des talents sur des comptes Instagram autour de la sexualité positive. Mais il existe aussi des thèmes éternels qui ne se démoderont jamais. Ainsi, le BDSM a toujours le vent en poupe, c’est même ce qui a fondé la littérature érotique avec Sade.
— Notamment depuis 50 nuances de Grey ? provoque l’animateur, toujours taquin.
— 50 nuances de Grey et toutes les romances érotiques qui sont sorties à sa suite appartiennent plutôt au genre de la romance ou de la New romance, c’est à dire une histoire d’amour avec des scènes épicées. Ce n’est pas de la littérature érotique où les scènes de sexe doivent être au cœur du roman. Dans la romance, c’est l’amour qui est au cœur et le sexe annexe. Dans les romans édités par La Musardine, le sexe doit être central.
— A-t-on des statistiques sur le lectorat ?
— Nous n’avons pas les moyens de nous offrir des études marketing, mais nous observons la clientèle de la librairie. Depuis une dizaine d’années, il y a de plus en plus de femmes et de couples qui viennent. Les autrices, qui étaient en minorité il y a dix ou quinze ans, sont désormais largement majoritaires. C’est un vrai changement ; il y a 10 ans, 80% de nos auteurs étaient des hommes, ce n’est plus le cas aujourd’hui. D’ailleurs, il n’y a qu’un seul homme en dédicace sur le salon ! Il n’y a pas un style typique d’écriture féminine, les femmes peuvent écrire des histoires crues comme des histoires soft, mais je crois que je saurais reconnaître si l’auteur est un homme ou une femme !
— Voilà une idée de jeu pour la prochaine fois ! conclut l’animateur.
— Est-ce que la Musardine s’engage dans le mouvement actuel autour du consentement dans ses romans ?
— Je vais peut-être vous décevoir, mais pas vraiment, répond Anne Hautecoeur. La littérature est un espace libre ouvert à tous les fantasmes, l’idée n’est pas de faire de la pédagogie. On parle plaisir, désir, il ne s’agit pas de faire de l’apprentissage sur le consentement. Quand on ouvre la première page d’un roman, on part du principe que tout le monde est déjà d’accord.
Cependant, un roman qui ferait l’apologie du viol ne serait évidemment pas retenu. C’est d’ailleurs un thème qui est rarement utilisé et qui choque. Il peut en revanche y avoir dans nos livres des situations de sexualité sous contrainte, mais la contrainte est choisie et consentie.
— Il y a quand même les livres d’Esparbec ? fait l’animateur provocateur.
— Les temps ont changé, ses livres datent des années 80, 90 ; on n’écrirait sans doute plus la même chose aujourd’hui !
Anne Hautecoeur termine sa présentation en rappelant que La Musardine recherche toujours de nouveaux auteurs et autrices ; les manuscrits peuvent être envoyés par mail à manuscrits@lamusardine.com
(J’ai malheureusement manqué une conférence qui m’aurait beaucoup intéressée aussi : « Les secrets de relecture des manuscrits érotiques », par Sophie Rongiéras. Des amis m’en ont dit quelques mots : La Musardine recommande d’envoyer des manuscrits sans mise en page, en times new roman 12, justifié avec un interligne de 1,5 et des marge de 2 cm. )
La librairie se situe au 122 rue du Chemin vert, 75011 Paris.
Photo de la boutique prise sur le net, photo du salon prise par Guillaume Perrotte, écrivain érotique.