Deuxième chance

Paysage nucléaire
   Récemment, une photo de Maryssa Rachel, dont j’admire souvent les beaux portraits en noir et blanc, accrochait mon regard et m’inspirait des histoires de fin du monde…

  ***

     Des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de tous pays sillonnaient les océans discrètement. Ils patrouillaient en secret, plongés de longs mois dans le silence des profondeurs. Ils étaient aveugles, se dirigeant au radar et au son, ne remontant que rarement à la lumière. Ils s’entraînent d’arrache-pied, prêts à obéir aux ordres provenant de la surface : direction à suivre, exercices, parcours, étapes… Les ordres tombaient au fur et à mesure pour maintenir la confidentialité des opérations.
    Que se passa-t-il ? Nul ne le saura jamais.
    Les IA s’emballèrent, envoyèrent leurs ordres simultanément, outrepassant les autorisations prévues au protocole. Les sous-marins obéirent aussitôt ; ils étaient conçus et entraînés pour ce moment précis et ultime : l’envoi des missiles nucléaires longue portée.
    Ils se détruisirent les uns et les autres, et détruisirent aussi tout le reste. Ils déclenchèrent une réaction en chaîne, entraînant la disparition de toute vie sur terre, humaine et animale, et la métamorphoses de la géographie.
    Des mers s’asséchèrent, d’autres se creusèrent, des raz-de-marée formidables modifièrent les formes des continents. Des villes entières furent englouties, des sous-marins couchés sur le flanc apparurent, comme des baleines échouées sur le rivage. Monstres de métal armés jusqu’au dents la veille, merveilles de technologie, et désormais simples carcasses à l’abandon, promises à la rouille et l’oubli.
     Un long hiver nucléaire s’abattit sur la terre. La nature s’en sortirait, de nombreux animaux aussi, mais l’homme, lui, ne s’en relèverait pas.

    Ce matin-là, pour la première fois depuis des décennies, le soleil parvint à percer la couche de nuages. La nature gelée frémit sous sa couche de givre.
    La terre s’apprêtait à renaître ; une nouvelle chance, pleine d’espoir, lui était donnée. Sans l’homme cette fois. La nature irradiée reprenait ses droits, s’épanouissait peu à peu, sous ce timide soleil de fin d’hiver.  

   Bien à l’abri dans les profondeurs des abysses, pelotonnés dans les failles les plus reculées, les poulpes décidèrent de remonter à la surface ; leur heure était venue.

    Photo : Maryssa Rachel

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

À propos de l’auteur

Blogueuse et autrice