Enfer et damnation – Chap.6 L’orgie

Signorelli

   Valentin vient d’avouer un péché de chair dans l’épisode précédent. Il existe un lieu en enfer pour punir ce genre d’excès : une orgie éternelle.
    Un nouvel épisode chaud-bouillant, à ne pas mettre entre toutes les mains ^^

   Chapitre 6 – L’orgie (Clarissa)

  Luciférine esquissa un sourire satisfait. Enfin du croustillant à se mettre sous la dent ! De multiples lois divines avaient été bafouées : fornication en groupe, entre personnes de même sexe… même si c’était moins grave qu’autrefois : las, l’enculage n’était plus un péché depuis belle lurette. L’Église s’était ramollie décidément, et quantité d’âmes échappaient à l’enfer, puisqu’il était permis désormais de s’adonner aux amours saphiques et pédérastes, et user de tous les orifices. Mais puisque Valentin semblait l’ignorer et penser que cela valait punition, il allait être servi. Elle n’allait pas se priver de le châtier, elle lui ferait boire cette coupe de stupre jusqu’à la lie en lui offrant une punition assortie à ses crimes. Il se réjouirait au début peut-être de sa bonne fortune, mais les lamentations ne tarderaient pas. Luciférine se frotta les mains, impatiente d’en découdre.
  Cela ne servait à rien d’arriver trop tôt, autant sauter les préliminaires et se plonger au cœur de l’action quand elle battrait son plein. Un peu de solitude d’abord pour méditer sur sa condition ne ferait pas de mal à Valentin, pendant qu’elle surveillerait si la température monte dans la salle des « plaisirs ». Une fois l’assemblée des démons terminée… Damned, encore une réunion, elle n’en pouvait plus !
  Elle enferma Valentin dans sa cellule.
  — Repose-toi, tu as besoin de reprendre des forces pour ce qui t’attend.
  Elle s’éloigna avec un rire hystérique qui glaça le cœur du malheureux.

  Valentin dormait bientôt du sommeil du juste, un sommeil peuplé de cauchemars bien entendu. Des démons en étaient spécialement chargés. Luciférine veillait d’ailleurs à apparaître régulièrement sous son meilleur jour, superbe et cruelle à la fois, dans des mises en scènes oniriques et terribles. Perdue dans ses rêves, elle faillit se mettre une fois de plus en retard pour le grand rassemblement. Elle se mit à courir, enviant les démons qui en étaient dispensés, pour assurer diverses tâches de routine. D’autres, plus chanceux encore, parcouraient la Terre, veillant à ce que chacun succombe à la tentation pour assurer un afflux constant de troupes fraîches. Luciférine rêvait de rejoindre cette équipe d’aventuriers, mais elle n’avait pas encore gagné suffisamment la confiance de Satan et devait faire ses preuves dans les entrailles de l’enfer. Plus que tout, elle voulait des ailes ! Elle allait lui prouver de quoi elle était capable avec Valentin, pécheur tout à fait prometteur.

  Le rassemblement fut écourté tant les démons avaient à faire. Il faudrait recruter, songea Satan, irrité de les voir si vite s’envoler, écourtant les courbettes et négligeant de se prosterner. Toujours plus d’âmes perdues se rajoutaient à celles qui peuplaient déjà l’enfer pour l’éternité – et ceci malgré le relâchement des lois. Le burn-out menaçait, les démons ne savaient plus où donner du fouet.
  Luciférine s’en alla en courant, soulagée. Elle détestait devoir rendre des comptes, elle avait dû se forcer pour exposer ses avancées avec Valentin. Elle voulait mener ses enquêtes et punitions à sa guise ! Et puis, elle avait tout un tas d’âmes à gérer, déjà jugées et condamnées, et qu’il fallait punir, ça lui prenait un temps fou. Pour l’instant, elle se contentait de les parquer en tas dans une cellule, elle se rattraperait plus tard !
  En attendant, elle se dirigeait d’un pas vif vers l’un des lieux culte de l’enfer, afin de vérifier si l’ambiance s’échauffait. La salle dédiée à la luxure était son lieu préféré, parmi tous ceux destinés au « repos » des âmes damnées. Une orgie éternelle s’y déroulait, avec sans cesse de nouveaux participants. Une orgie d’enfer ! Il s’y passait toujours des choses plaisantes, et cela ne manqua pas avec les nouveaux venus qui en avaient l’exclusivité pour l’instant.
  Luciférine, cachée derrière un pilier les observait avec amusement : jusque-là, tout se passait bien. Les condamnés échangeaient des sourires grimaçants pleins de dents, satisfaits de se retrouver là plutôt qu’en cage, d’autant plus que les démons présents n’avaient pas l’air de vouloir les torturer, pour l’instant en tout cas — Ce n’est pas la peine, songeait Luciférine, les pécheurs s’en chargeraient bientôt entre eux.
  En attendant, ils goûtaient un moment de paix insolite en ces lieux, soulagés de si peu souffrir. Ils avaient eu beau se montrer misanthropes, cyniques, violents, abusifs, méchants avec leur prochain et leurs voisins durant leur vie terrestre, ils étaient ravis de se retrouver entre pécheurs, et faisaient fi de leurs réticences d’antan. C’était du passé, ils avaient compris et s’amendaient. Ils allaient se faire des amis et se soutenir à présent, promis ! Ils espéraient même trouver un peu de réconfort.
  Luciférine ricanait, c’était d’un drôle !
  Les damnés se serraient dans les bras, s’embrassaient, léchaient leurs plaies. Si c’était ça l’enfer, ça leur convenait, se réjouissaient-ils.
  Cela ne dura pas.
  Leurs mauvais côtés eurent tôt fait de réapparaître. Leur lubricité en particulier. Ils étaient nus, et les effets d’une libido exacerbée ne tardèrent pas à se manifester. Les accolades devenaient des caresses, les bises des baisers fiévreux, les hugs et les câlins dérapaient…
  Bientôt, ils se prenaient les uns les autres par tous les trous, fous de désir. Ils n’aboutissaient jamais cependant, la jouissance se refusait à eux. Ils étaient maintenus dans un état de perpétuelle frustration, digne du supplice de Tantale. Leur plaisir montait, montait, et puis s’évanouissait en fumée, les laissant pantelants de frustration. Quand ce n’était pas un démon taquin qui les tirait par les jambes pour les séparer de leur partenaire juste avant l’orgasme ! Certains tentaient de se masturber pour se soulager enfin, ils ne réussissaient qu’à irriter leur membre déjà à vif.
  Luciférine quitta son pilier et rejoignit l’équipe des piqueurs avec enthousiasme, elle n’était jamais la dernière à motiver ces bande mou de sa fourche, il fallait même souvent freiner ses ardeurs. Et là, elle avait besoin de se défouler, elle s’était adoucie au contact de Valentin, quel séducteur celui-là ! Et un cachottier par-dessus le marché, elle jurerait qu’il lui cachait encore des choses ! Ce n’était pas une expérience gay qui l’avait conduit direct en enfer, elle en mettrait sa main au feu.
  Les femmes étaient bien moins nombreuses en enfer, elles étaient déjà toutes largement entreprises. Leur lubricité était comblée au-delà de leurs cauchemars avec ces étalons se succédant sans fin dans tous leurs orifices grands ouverts. Tourmentées de désir, elles s’offraient sans fin, n’en tirant qu’une maigre satisfaction, vite envolée, submergées par une excitation jamais assouvie. Ces messieurs devaient donc se divertir entre eux, même s’ils n’avaient aucun goût pour les étreintes viriles, et s’y résigner avec une certaine répugnance, vite balayée par leur désir féroce. Voilà qui devrait plaire à Valentin !
  Au bout de quelques heures de ce régime, les condamnés devenaient exsangues, mais bandaient et mouillaient toujours. Certains s’abattaient à même le sol, épuisés, et des démons les harcelaient de leurs fourches pour les ranimer et les forcer à revenir dans l’arène, obligeant parfois une âme perdue à les sucer, jusqu’à ce que cahin-caha ils soient en mesure de se mêler à l’orgie à nouveau.

   Luciférine s’arracha du spectacle, il était temps de quérir Valentin, avant que tout le monde ne déclare forfait. Elle fallait le punir pour son péché, même s’il s’agissait d’une broutille. En attendant mieux !
   Elle se hâta vers sa cellule, maudissant une fois de plus Dieu et ses saints d’être clouée au sol au lieu de voler gracieusement comme les démons qui la narguaient au-dessus de sa tête. Luxius en particulier n’était jamais loin ; il la suivait ou quoi ?
   Valentin dormait et ronflait – quel paresseux alors ! Un péché de plus à son actif… Elle le réveilla manu militari et l’entraîna vivement dans le dédale des tunnels de l’enfer, vers l’orgie où tous s’activaient désespérément. Les malheureux se prenaient encore et encore, malgré leur état d’épuisement avancé, motivés par leur désir inassouvi et les encouragements piquants des démones qui voletaient au-dessus de la mêlée. Des succubes spécialisées veillaient à raviver la flamme, à grands coups de griffes et de morsures sur des endroits sensibles, jusqu’à ce que les pêcheurs s’écroulent, pantelants, vidés, au bord de l’évanouissement.
  Luciférine se jeta dans la mêlée avec Valentin. Possessive, elle ne lui permit pas de s’approcher d’une femme – de toute façon, elles étaient déjà toutes prises, et plusieurs fois. En revanche, elle observa d’un œil complaisant les deux costauds qui s’approchaient à pas de velours de son protégé. Elle les encouragea à coups de fourches, et ils se tombèrent dans les bras les uns des autres. L’affaire fut promptement menée, point de palabres inutiles ni d’effleurements. Valentin n’eut pas le temps de dire ouf, il fut mis à quatre pattes, une poigne de fer l’attrapa par la nuque et le guida vers un sexe tendu. Il rendit les armes, et ouvrit grand la bouche, accueillant le pénis avec un certain empressement. Autant tâcher d’en profiter ! Et cela avait l’avantage de le distraire des mains qui agrippaient ses fesses, les ouvraient largement. Un pieu de chair les transpercèrent. Valentin se cabra sous l’assaut et faillit mordre la verge qu’il suçait. Il se prit une taloche qui le remit dans le droit chemin. Bientôt, ils trouvèrent leur rythme, Valentin suçait en cadence avec les coups de reins encaissés ; une belle mécanique parfaitement huilée.
  Luciférine les soupçonnait de prendre du plaisir, un comble ! Elle s’approcha, et les dérangea de toutes les façons. Elle gifla Valentin, expulsant le pénis de sa bouche un instant, elle piqua ses fesses, ses bourses de sa fourche, fouetta le trio au hasard — après tous ils le méritaient tous ! Lancé, le trio endurait tous ces sévices sans protester, concentré, qui sur son érection, qui sur la fellation offerte. Luciférine devina horrifiée qu’ils étaient sur le point de jouir, ce n’était pas possible en enfer, le tabou suprême. Elle mit fin aussitôt aux réjouissances en leur projetant un seau d’eau glacée — il y en avait toujours à proximité pour ce type d’urgence.
  Le trio se sépara, douché, et Valentin s’agenouilla dévotement devant sa démone.
  — Que puis-je faire pour vous, ô maîtresse ?
  Passablement excitée par le spectacle, Luciférine le fit s’allonger et s’assit sur son visage. Valentin ne se trompa point sur ses intentions, ravi de se retrouver à moitié étouffé sous son fessier. Il était dévoré de curiosité : Luciférine était-elle faite comme les femmes vivantes ?
   Elle l’était ! Tout en se révélant dix fois plus chaude ! Il glissa sa langue dans son intimité bouillante. Sa langue brûlait, un peu comme lorsqu’on goûte un plat trop chaud et très épicé, mais rien d’insurmontable. Il lécha, aspira son feu, butina encore, jusqu’à ce qu’une lave bouillonnante envahisse sa bouche et se déverse dans sa gorge.
  Il s’écroula à ses pieds, ivre de ses sucs, et gravement brûlé. Un nouveau seau d’eau glacé lui rendit ses esprits, suffisamment en tout cas pour suivre la démone et se laisser docilement enfermer dans sa cage à nouveau.
   Luciférine soupira, elle aurait voulu garder Valentin avec elle, pour d’autres tortures cette fois. Quelle petite nature ! Mais ce n’était que partie remise.
  — Merci, bredouilla-t-il, la bouche en feu.
  Elle le gifla pour toute réponse ; il ne fallait pas qu’il prenne son souhait d’être léchée pour une marque de faiblesse, ou pire, d’affection.
  Elle se sentait encore tout feu tout flammes, et rejoignit l’orgie pour se changer les idées, exciter les participants de sa fourche, et s’amuser de leurs ébats frustrants.

  Peu à peu, tous s’effondrèrent, exténués.
  Le gong retentit, mettant fin aux festivités. Ces pécheurs devaient laisser la place à une fraîche cargaison de damnés, afin de permettre à leurs corps maudits de se réparer, et endurer bientôt à nouveau divers sévices et excès. Quelques condamnés forniquaient encore çà et là, haletants comme des bêtes, il fallut leur jeter des seaux d’eau froide pour qu’ils se séparent et cèdent la place aux nouveaux arrivants. Les succubes battirent des ailes pour pousser tout le monde dehors. Des démons et des démones récupèrent leurs ouailles exsangues, qu’il fallut porter jusqu’à leur lieu de repos, qui ne serait pas éternel, loin s’en faut !

***
     Un feuilleton inspiré par les soirées organisées par The Sinners.
     Prochaine soirée : samedi 3 décembre , tous les détails sur l’événement Facebook.

   – Tableau : Lucas Signorelle, The Doomed (détail)
Luca_Signorelli_-_The_Damned_-_WGA21220 2

2 commentaires

  1. Clarissa a écrit :

    Fabuleux poète !

  2. tais toi a écrit :

    « Satan, farceur, tu veux me dissoudre, avec tes charmes. Je réclame. Je réclame! un coup de fourche, une goutte de feu. »
    Rimbaud, Une saison en enfer

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