Un train initiatique, d’Alain Giraudo

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    Je vous l’ai déjà confié, les voyages en train et les multiples possibilités qu’ils offrent m’ont toujours fait fantasmer : des heures entières enfermés entre inconnus, doucement balancés au rythme de la locomotive, les conversations qui s’engagent, les regards échangés, les propos badins qui dérapent… cette parenthèse au sein de notre quotidien où l’on ne peut rien faire d’autre que lire et bailler aux corneilles… et considérer ses voisins… Bref, voyager seul(e) en train est un des grands plaisirs de la vie !
    Ayant deviné mon secret, la collection e-ros des éditions Dominique Leroy m’a fait un joli cadeau pour Noël en m’envoyant « un voyage initiatique » d’Alain Giraudo ! Un grand merci pour cet envoi !
    Bien sûr, je l’ai lu dans le train, sur ma liseuse, bercée comme les personnages par les mouvements du train, ce qui a ajouté encore une note particulière au plaisir de lire ce livre.

    J’ai été surprise, presque déroutée au départ par le style un peu précieux de l’auteur. Une écriture riche, très littéraire, plutôt datée, avec de longues phrases et parfois des temps peu usités…  
    Le narrateur semble au début très content de lui-même, satisfait de sa vie et de ses frasques. Il nous les narre avec complaisance, de façon un peu agaçante. Une rencontre dans un train de nuit, alors qu’il est en route vers sa pulpeuse maîtresse va nous le révéler sous un autre aspect, bien moins superficiel et futile. Sa personnalité gagne en profondeur, il devient bien plus attachant, en se montrant ainsi démuni, impuissant. Le fanfaron égoïste disparaît, l’homme s’oublie pour réconforter l’inconnue qui s’est confiée à lui.
    A partir du moment où il croise cette jeune femme, si belle, raffinée, l’histoire m’a happée et emportée. Je n’ai plus lâché le livre une seconde, touchée comme le narrateur par son histoire triste et désespérée. La jeune femme retourne au Pakistan, pour rejoindre son « mari », qu’elle n’a pas choisi, qu’elle accepte, pour ne pas décevoir et déshonorer sa famille. Elle se sacrifie, et un ultime regret la pousse à se rapprocher de l’homme qui partage son compartiment.
    A l’écoute, généreux soudain, attendri par le destin de cette jeune femme en route vers son destin, il l’apprivoise avec pudeur, délicatesse. Il devient attentionné, à l’opposé de la façon joyeuse et désinvolte dont il traite ses maîtresses. Il met tout son cœur, tout son art, à lui faire vivre un très beau moment sensuel, avant de qu’elle ne s’enferme pour toujours dans ce mariage qu’elle n’a pas voulu. La vitesse du train, l’arrivée prochaine est régulièrement rappelée et ponctue ces instants de plaisir, nous rappelant sans cesse le côté éphémère de leur rencontre, l’urgence de s’aimer fort et leur séparation imminente.
    Les deux personnages sont tous les deux très attachants, j’avais envie que l’histoire se prolonge encore, j’ai souffert aussi, craignant pour leur avenir, espérant à chaque ligne l’impossible…
    Tous deux seront changés à tout jamais par ces heures passées ensemble. L’initiation à la sensualité pour l’une, l’initiation à l’écoute, la gravité, l’attention pour le second. Et oui, les femmes ne sont pas que des joyeuses partenaires sexuelles !
    Une histoire d’amour teintée de mélancolie, triste, belle, très sensuelle.
    La couverture de Gier me plaît beaucoup, cet orgasme solitaire dans la solitude bleutée du wagon… mais elle ne me paraît pas entièrement adaptée. Je n’ai pas reconnu l’héroïne discrète, réservée, pudique, de l’histoire.

    Un train initiatique est paru aux éditions Dominique Leroy, dans la collection e-ros, en décembre 2013
    Pour le feuilleter et le commander, cliquer ici
    Egalement disponible sur Amazon

7 commentaires

  1. Flesh a écrit :

    Cet article me donne envie de te conseiller le début de Nymphomaniac : on y voit en effet deux jeunes femmes se livrer à un concours de drague le temps d’un voyage en train … très excitant comme une bonne partie du film (bien qu’il y a comme tu le soulignes à raison également pas mal de gravité, plus ou moins dissimulée …

    1. Clarissa a écrit :

      J’ai très envie d’aller voir ce film, même si on nous projette la version censurée…

      1. flesh a écrit :

        Oui, c’est la version censurée, très bien faite cela dit, à une ou deux exceptions près. D’après mes recherches, et hors avant-premières, il faudra attendre al sortie DVD pour avoir la possibilité de se procurer la version director’s cut. La version censurée n’a pas été montée par Lars Von tiers, bien qu’il l’ait approuvé. Je te conseille néanmoins d’aller le voir au plus vite car je ne pense pas qu’il restera longtemps en salle. Je l’ai vu dans une petite salle à la séance de 22h vendredi soir, et on était moins de dix à l’intérieur.

  2. Erik Torrent a écrit :

    Clarissa, j’ai l’impression que tu m’as passé ton virus… La semaine dernière, voyageant seul dans un TGV, j’ai regretté de ne pas avoir sur moi un livre érotique à la couverture sensuelle, histoire de provoquer gentiment ma jolie voisine…

    1. Clarissa a écrit :

      Erik, tu joues avec le feu ! L’avantage (ou le désavantage ? ) de lire sur une liseuse, c’est que la couverture reste cachée … nul ne peut soupçonner au presque ce que l’on est en train de lire…. à moins de carrément se rapprocher très près !

      1. Erik Torrent a écrit :

        Comme dans la triste réalité, je n’avais qu’un Harlan Coben, je ne prenais aucun risque et j’avais peu de chance de susciter l’intérêt de ma voisine

  3. ChocolatCannelle a écrit :

    Merci pour ce retour de lecture, Clarissa !

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