Mercredi dernier, j’ai participé au dîner-débat de l’association PariS-M sur le thème :
« A vos marques, prêts, marquez ! »
J’aime beaucoup ces rencontres : se retrouver entre personnes aimant le bdsm, sa philosophie et ses jeux, revoir des amis et discuter avec des nouveaux, échanger des points de vue, apprendre des choses…
J’ai pris quelques notes sur les témoignages des uns et des autres, pour de futures histoires peut-être, et le plaisir de les partager avec vous :
(Selon les interventions, il est question d’un soumis ou d’une soumise, d’un dominant ou d’une dominatrice, mais bien sûr tout est valable pour les deux genres).
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Les marques sont les résultats des jeux et pratiques bdsm sur la peau des soumis. Que signifient-elles ?
Pour le soumis :
Les marques représentent un symbole d’appartenance, une preuve de confiance…
Le soumis se sent fier d’avoir enduré l’épreuve, et satisfait son maîtresse.
Les marques peuvent être aussi une preuve d’amour, de don de soi : le soumis prouve qu’il est prêt à endurer beaucoup pour plaire à sa domina ; il va très loin pour elle, dépasse ses limites.
Quand les marques durent, elles offrent le souvenir d’un bon moment, parfois sur plusieurs jours, avec une évolution intéressante des formes et couleurs, dont le soumis peut parler avec sa maîtresse, et prolonger ainsi le plaisir de la séance.
Il arrive que les marques surviennent par surprise ! Elles n’apparaissent que bien plus tard, le lendemain matin.
Une soumise confie qu’elle appuie sur ses bleus pour retrouver les sensations des moments passé avec son maître.
Pour le dominant :
Il s’agit de marquer son territoire 😉, de sentir l’appartenance de sa soumise, son pouvoir sur elle.
Il peut y avoir le plaisir sadique d’infliger de la souffrance, qui se complète parfaitement avec plaisir masochiste de la soumise.
– Le cas des masochistes est particulier, elles ne sont pas forcément soumises, et c’est le dominant qui se retrouve à avoir mal à la main, en cas de fessée très appuyée et longue ! Un comble ^^
Le dominant se sent fier d’avoir emmené sa soumise si loin, de lui faire découvrir les délices du subspace.
Un dominant évoque l’aspect esthétique : tracer des œuvres d’art éphémères sur la peau. En plus, avec le temps, les marques évoluent, se colorent.
Une dominante poursuit en disant qu’elle aime « lire en braille », promener ses doigts sur les boursouflures qu’elle a provoquées.
Un dominant rappelle que les marques sont les conséquences éventuelles d’une pratique, ce n’est pas le but en soi.
Ce qui importe, ce sont les sensations, différentes selon les instruments, c’est pourquoi il est important de varier : la badine provoque une douleur en profondeur, qui irradie ; le fouet des sortes d’éclairs en surface, qui « piquent » la peau…
Les marques n’en sont que le résultat, qu’il ne recherche pas en tant que tel, même si c’est intéressant aussi.
Elle se font dans le respect des limites posées au départ. Pour une domina, c’est le sang. Les marques, oui, mais sans blesser. Si le sang coule, elle se sent mécontente d’elle-même.
Avec le temps et l’expérience, tout le monde s’accordent à dire que les soumis marquent de moins en moins, le « cuir » se tanne. Est-ce qu’ils ressentent de moins en moins aussi ? Il faut « augmenter » les doses ? J’ai oublié de poser la question, mais il me semble qu’il y a ce désir d’aller toujours plus loin, comme avec les drogues, qui font de moins en moins d’effet au fil du temps…
Le marquage « psychologique »
Le marquage peut être purement cérébral, il ne se voit pas, mais la soumise est profondément « marquée » par l’emprise de son maître et ses pratiques, même si elles sont exemptes de coups.
Des marques éphémères ou définitives :
Les marques peuvent être éphémères, durer plus ou moins longtemps, selon l’intensité de la séance et l’accessoire utilisé : fouet, cravache, badine, fessées, knife play, cordes… — à noter que les martinets ne laissent pas de marques, à part rougir les fesses quelques instants.
Certains soumis ne veulent pas de marques, même provisoires : ils s’adonnent aux pratiques bdsm en cachette, leur femme ou compagne ne connaissent pas cette face cachée de leur vie. Un soumis témoigne que ça ne lui pose pas de problème, il réussit très bien à masquer ses marques, il suffit d’éteindre la lumière !
D’autres peuvent-être gênés par un rdv chez le médecin prévu le lendemain, ou une séance d’un autre genre, à la salle de sport — surtout dans le cadre d’un sport très viril, comme la boxe témoigne un soumis 😉. Je pense qu’aller à la piscine ou à la mer peut aussi s’avérer compliqué !
Les marques sont parfois définitives : cicatrices, tatouages, branding (marquage au fer rouge)
Les marquages au fer rouge sont plus ou moins définitifs selon la couche de l’épiderme atteinte (en fonction du temps passé à appliquer le fer rouge sur la peau).
Peu de participants défendent les marques définitives.
Une dominatrice explique qu’elle n’aime pas cela, elle trouve que c’est deshumanisant. Elle veut jouer avec des personnes, pas avec des animaux que l’on marque.
Pour la plupart des participants, ces marques peuvent être regrettées plus tard de part et d’autre, si la relation entre le soumis et la dominatrice prend fin, elles perdent leur sens.
Pour certains, les tatouages ne sont pas un souci, même si la relation a pris fin. Les tatouages sont très démocratisés à présent, il font partie de l’histoire de chacun qui s’inscrit dans la peau, avec des souvenirs qui appartiennent au passé. « La mémoire dans la peau », lance une soumise, très à propos ! Quand on démarre une nouvelle relation, on prend la personne comme elle est, avec ses histoires passées, et ses marques !
Un dominant s’étonne : pourquoi les tatouages sont si anodins dans le monde « vanille », et si engageants dans le bdsm ? Personne ne trouvera à redire à un tatouage de jeunesse « je t’aime Johnny », alors que dans le monde bdsm on en fait une montagne !
C’est aussi vécu de façon plus ou moins anodine selon le soumis : s’il a déjà le corps couvert de tatouages, c’est moins engageant que si sa peau est vierge.
Tous s’accordent sur le fait que des marques définitives ne peuvent pas s’inscrire dans le cadre de jeux occasionnels, et sont réservées aux relations longues, importantes pour les deux parties. Le sujet doit être longuement débattu avant.
L’animateur devient taquin, il aborde des questions plus délicates :
– Les dominants, est-ce que cela vous ennuie de passer derrière les marques de quelqu’un ?
Certain approuvent, oui, ils n’aiment pas passer après un autre dominant, ils se sentent piqués au vif, et se font un malin plaisir à effacer les marques précédentes grâce aux nouvelles qu’ils infligent !
Une soumise témoigne que cela a été bénéfique au contraire, l’un de ses partenaires de jeux trop timide s’est enhardi en voyant ce qu’elle pouvait endurer !
Pour d’autres, ce serait vécu comme une trahison, cela signerait même la fin de la relation.
En fait, les réactions dépendent de la nature du lien entre le dominant et la soumise : est-ce un lien à long terme, exclusif, ou s’agit-il d’un jeu éphémère ? « Je ne prête pas mes jouets » s’amuse une dominatrice, mais ça ne me pose pas de problèmes de jouer avec ceux des autres, qu’ils soient déjà marqués ou non ! Qu’ils se débrouillent avec leur domina s’ils en ont une »
– Vous ne craignez pas que votre soumise se présente à un commissariat avec ses marques et dépose plainte ? Par vengeance, folie, traitrise… Allez expliquer au policier qu’il s’agit d’un jeu entre adultes consentants !
Personne n’a jamais entendu parler d’un tel cas ! Toute relation bdsm est basée sur la confiance, ce cas semble donc purement théorique. Il est arrivé cependant qu’une soumise porte plainte contre un dominant qui s’était emballé, allant bien plus loin que ce qui était prévu au départ.
Certains évoquent le contrat signé entre le dominant et la soumise, une pratique plutôt américaine, rare en France, mais ce n’est pas reconnu comme une preuve, au mieux une pièce versée au dossier. (Voir l’affaire Koen Aurousseau)
L’animatrice clôt le débat en rappelant les précautions à prendre dans les pratiques qui génèrent des marques :
– ne pas dominer si l’on a bu
– se laver les mains avant et après la séance
– nettoyer ses accessoires avec des lingettes, surtout si on se les prête ou s’ils sont mis à disposition par le club
– désinfecter la peau du soumis si besoin, lui passer de la pommade éventuellement pour éviter les bleus.
Sans oublier les câlins de l’aftercare et l’écoute !
Je m’inscris à l’association avant de partir, j’ai envie de revenir, et j’ai la joie de recevoir en cadeau une belle trousse contenant tout ce qu’il faut pour pratiquer nos jeux préférés en toute sécurité !
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Photo des marques de cordes : Shibarigg